Matan Tora – Midrashim Maharal
Matan Tora – Midrashim Maharal 2ème partie
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Face B
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c’est ce que veulent dire les anges : laisse Ta Gloire ( Torah ) dans le ciel parce que les créatures de la terre ne seront jamais capables de se conduire de telle sorte que tant esh ou mayim soient conciliés, il n’y a qu’une marmite et le ciel qui en soient capables.
Vous voyez pourquoi Dieu n’a pas créé un ciel qui aurait pour nom « esh oumayim », mais il a créé un ciel qui a pour nom shamayim sans le Alef parce que la midat hadin empêche l’homme d’aller jusque-là, tant qu’il ne le mérite pas.
L’homme peut avoir une relation directe avec toutes les valeurs des Sefirot sauf avec Hod. Seul le grand prêtre Aharon sera capable une fois, mais enfin, c’est le projet de la rédemption de la kaparah. Moïse seul ne peut pas recevoir la Torah, il faut que Aharon soit avec lui. A Moïse seul, les anges refusent la Torah, parce qu’il est de la Sefirah Netsa’h. Il faut l’homme de la Sefirah de Hod pour que les anges acceptent de donner la Torah à Moïse.
Qu’y a-t’il dans ce thème ? L’enjeu de la Torah c’est que ce que le Créateur réclame de nous c’est d’être capable de se conduire de telle sorte que tant ‘Hessed (Miséricorde) que Din (Rigueur) soit satisfaites. C’est la grande différence entre la Torah comme Loi morale et toutes les lois morales que les sociétés humanistes se sont inventées, car dans la dispersion des sociétés humaines chacune d’entre elles a perçu la souveraineté d’une valeur en particulier, mais l’unité des valeurs n’est jamais connue, si ce n’est en Israël.
Et donc, le projet de la Torah pour Israël correspond au projet du Dieu unique qui est que tant midat ha’hessed que midat hadin soit satisfaites.
Nous voyons que l’homme n’a pas de part au Ciel avant d’arriver à mériter par la Torah et par la preuve de cette conciliation des valeurs : c’est la raison du alef qui se trouve être occulté : et c’est pourquoi c’est du Ciel que vient ce refus que la Torah soit donnée à l’homme : c’est à dire que le lieu naturel de la Torah c’est le Ciel ; et cette entreprise de la donner à la terre se heurte d’après le Midrash, au refus des anges, c’est à dire au refus du principe de l’unité de Dieu tel qu’il se dévoile dans le Ciel nommé esh oumayim, le alef étant occulté.
Voilà où est le ‘hidoush :
Si jamais le ciel est écrit aussi avec un alef, alors nous serions perdu parce que nous aurions le mot hashemim qui en hébreu signifie coupables.
Cela veut dire que par rapport au dévoilement total des deux midot - midat hadin et midat hara’hamim - nous serions perdus à l’avance. D’où l’amoindrissement de la midat hadin, par la disparition du alef, de telle sorte que le Ciel comporte un peu plus de miséricorde que de rigueur.
Le ‘hidoush portait sur le mot hashemim car si c’était écrit avec un alef, l’homme serait à sa place partout mais perdu.
Les anges ont formulés toute cette contestattion en disant à Dieu : « l’enjeu est trop grand, garde la Torah dans le Ciel ! »
Alors Dieu a dit à Moïse : Donne leur une réponse !
Moïse a dit devant Dieu : Ribono Shel Olam, j’ai peur qu’ils ne me brûlent avec le souffle de leur bouche (esh) !
C’est-à-dire qu’avant même d’entreprendre de recevoir la Torah et d’avoir à en faire la preuve, simplement l’énoncé des principes du jugement risque de disqualifier l’entreprise de Moïse.
Et quelle est cette entreprise de Moïse ?
Non pas simplement d’être prêt à vivre d’après une certaine morale – ce serait l’humanisme – mais d’aller jusque dans le ciel de la transcendance pour réclamer la Loi morale absolue, et, corrolairement, le droit de l’incarner dans l’histoire terrestre. Et par conséquent d’obtenir cette prérogative de décider ce qui est le bien et le mal, non pas quant à telle ou telle critique de morale civique ou sociale, à la limite, de morale de la cité, mais en tant que l’histoire a une signification morale dans le sens de l’aboutissement du projet de la création. Je veux dire dans le projet eschatologique de la morale même et pas telle ou telle politesse provisoire, de tel ou tel niveau d’écriture ou de civilisation. C’est ce qui a été l’engagement d’Israël.
Et bien le projet lui-même de Moïse serait disqualifié, et il a peur, dit-il dans ce Midrash, d’avoir à se mesurer avec les principes du jugement avant d’avoir lui-même l’occasion de faire sa preuve.
Vous identifiez d’ailleurs que ce midrash explique ce qu’a été l’histoire d’Israël. Le monde nous ne a jamais laissé le loisir de faire la preuve d’une vie selon la Torah, avant même que le loisir en soit donnée. Tout se passe comme si les « malakhei hasharet » empêchent qu’Israël s’identifie d’après la Torah.
Et Dieu insiste :
Tiens-toi au trône de Ma Gloire et répond-leur une réponse !
A ce sujet Rabbi Na’houm enseigne : Moïse s’est attaché au trône de Gloire de Dieu et s’est adressé aux anges de la manière suivante au nom de Dieu lui même :
Qu’est-il écrit dans la Torah ?
« Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Egypte ! »
Alors Moïse dit aux anges : « êtes vous descendus en Egypte chez Paro pour y être asservis ? »
(et par conséquent en quoi auriez vous besoin d’une Torah ?)
De même il est écrit :
« Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face ! »
« Est-ce que vous vivez parmi les goyim idolâtres que vous ayeaz besoin d’une commandement de ce genre ? »
La stratégie de Moïse consiste ici à énumérer des commandements du Décalogue les différents commandements de base de la Torah en discuttant avec les anges sur le principe suivant : tout ce qui est réclamé dans la Torah ne concerne que les hommes qui vivent sur terre, et en particulier Israël qui vit la vie humaine au paroxysme d’après les différentes valeurs qui se développent dans les 10 paroles du Décalogue.
En fin de compte, les anges reconnaissent que la Torah ne les concerne pas et que c’est la raison pour laquelle ils acceptent que Moïse reçoive la Torah
Voilà une 1ère description de ce que dit le Midrash et je voudrais y mettre en évidence un problème :
Moïse énumère 8 des 10 commandements. Tout se passe comme si nous avons là un problème caché, mais il faut comprendre pourquoi Moïse ne discute pas avec les anges par rapport à ces deux commandements qui ne sont pas cités dans le Midrash ?
Il s’agit de :
- Tu ne porteras pas de faux témoignage.
- Tu ne convoiteras pas.
Un exégète universitaire dirait que le rabbin du Midrash n’avait pas le même texte des dix paroles que nous, mais vous pensez bien que ce n’est par une explication suffisante.
Cela signifie qu’il y a avait au moins 2 commandements au niveau desquels Moïse ne pouvait pas discuter avec les anges. C’est-à-dire au niveau desquels les anges auraient eu le droit de réclamer que à tout le moins les valeurs correspondantes à ces 2 commandements restent dans le ciel et ne soient pas donner sur terre
Voici quelle est la réponse du Maharal :
C’est qu’une mitsvah, une obligation, un commandement, ne peut concerner qu’un être qui ne possède pas encore de façon intégrée à sa nature, la valeur considérée. A la limite, je n’ai à dire « sois bon !» qu’à quelqu’un qui ne l’est pas encore. A partir du moment où quelqu’un a intégré la bonté dans son être, il n’y a plus de place dans la loi morale pour un tel commandement. La loi morale ne se fait plus impérative mais simplement descriptive de la réalité de l’homme à qui elle parle. En d’autres termes, si un être a déjà réalisé certaines vertus, il ne perçoit pas ces vertus commes des obligations mais comme une modalité de son être.
Par conséquent, cela signifie que ces 2 commandements (Ne pas porter faux témoignage – Ne pas convoiter) se référent à des valeurs qui définissent les anges comme tels.
Et voici comment le Maharal l’explique : lorsque les anges portent témoignage, ils portent tépmoignage de Dieu. Par conséquent, dans une Torah qui concernerait les anges, il n’y a aucune place pour un commandement qui dirait : « Ne porte pas de faux témoignage » puisque par essence et par définition les anges ne peuvent que porter témoignage de la perfection de Dieu.
C’est pourquoi Moïse ne peut pas discuter au niveau de ce commandement-là.
On voit que la Guemara sait ce qu’elle fait en omettant ce commandement.
En ce qui concerne l’autre commandement - Tu ne convoiteras pas – le Maharal sur le ton de l’humour, dit profondément : Moïse ne peut décemment pas discuter avec les anges au niveau de ce commandement-là puisque lorsque les anges convoitent, c’est la Torah qu’ils convoitent !
Cela veut dire que les anges ne sont capables de porter témoignage que dans le bien, et ils ne sont capables de convoiter que la Torah. Et par conséquent, Moïse ne pouvait pas se référer à ces deux commandements.
Il résulte de l’analyse du texte que nous avons vu que, en se référant à la différence de nature entre les hommes et les anges, que le Midrash a voulu expliquer la possibilité que la Torah soit révélée. C’est là qu’intervient l’analyse du Maharal.
La différence de nature entre les hommes et les anges, c’est que les anges ne sont pas capables de fautes, et par conséquent la Torah ne peut pas se formuler à eux sous forme d’obligations ou d’impératifs. Alors que les hommes sont capables de fautes et c’est la raison pour laquelle la Torah se formule à eux sous forme de Mitsvot, sous forme d’obligations.
Dans l’enseignement du Tanakh en général, on figure les anges comme ayant des pieds droits. Reguel yesharah. C’est-à-dire qu’ils sont incapables de s’écarter du chemin tracé ni à gauche ni à droite. L’image est très claire : ils sont privés de liberté. C’est un être qui est autre que Dieu, Dieu lui-même mais modifié du point de vue d’une certaine spécificité et subjectivité, ce qui est aussi la définition de l’homme, mais la différence c’est que l’ange coïncide avec la volonté de Dieu pour un monde, alors que l’homme qui est exactement cette différenciation de l’être que nous trouvons chez les anges, l’homme est le monde lui-même en cours d’histoire et en cours de liberté.
Alors que d’un certain point de vue, il y a une supériorité chez les anges par rapport à la perfection déjà obtenue, d’un autre point de vue, il y a une supériorité chez l’homme par rapport au mérite d’avoir à obtenir la perfection.
Cette référence de Moïse au nom de Adam, c’est la différence d’identité entre l’homme et l’ange qui fait qu’il a le mérite d’obtenir la torah.
En d’autres termes, cela signifie que c’est le fait que l’homme soit libre qui explique que la révélation puisse être faite. Et effectivement, nous remarquons le lien très profond établi par la Torah entre l’expérience de la liberté au moment de la sortie d’Egypte et l’événement de la révélation après la sortie d’Egypte au mont Sinaï. C’est seulement à des êtres qui sont capables d’expérimenter la liberté que peut être dévoilée la transcendance
C’est dire que cette impasse philosophique dans laquelle nous étions au début du problème et qu’avait posé le Maharal : comment se fait-il que la transcendance puisse se révéler ? Ce qui est incompréhensible à la raison : la Torah nous donne une réponse bien précise : la Torah peut être révélée à l’être libre. Parce qu’effectivment, la liberté qui définit la créature est de la nature même du monde de la transcendance.
Il l’explique de la manière suivante: le terme du Midrash cité qui fait dire à Dieu parlant à Moïse : donne leur une réponse, c’est le terme de teshouvah qui signifie la réponse et le repentir.
Il y a là une indication extrémement importante : Moïse avait à faire comprendre aux anges que l’homme qui allait recevoir la Torah était capable de repentir – teshouvah.
Par conséquent, bien que l’éventualité de la faute soit par là même le risque de perdre la valeur de la Torah, le repentir est efficace pour réintégrer la pureté ou la virginité de la Loi Morale.
Ainsi, malgré le risque d’avoir à incarner la Loi Morale dans le monde d’en-bas, et de priver de sens l’univers tout entier, la capacité de repentir aurait suffit à réintégrer le monde des valeurs.
Voilà le 1ermidrash que je voulais aborder, je vous en rappelle l’ensemble de l’analyse.
La question posée par la Maharal est : comment la révélation est–elle possible ?
N’y a t’il pas là un pieux mensonge ? Comment Israël peut-il oser affirmer que c’est Dieu lui-même qui lui a transmis et révélé la Loi Morale ?
Et l’analyse du Maharal à propos de ce Midrash nous révèle que à partir du moment où une société humaine en tant que société a ce courage d’avoir à vivre son histoire jugée d’après la morale absolue, alors Dieu, et cela fait partie des attendus de la Création du monde, concède Sa prérogative de définition de la Loi à la société en question – Israël - et que d’autres parts, c’est parce qu’Israël a eu l’expérience de la liberté et est le seul peuple a avoir jamais été libéré de la servitude.
Tous les autres peuples ont la même nostalgie mais n’ont jamais pu réussir dans les péripéties de leur histoire - même pas la révolution française – à avoir l’expérience de la sortie de l’aliénation.
Seul Israël a vécu vraiment l’asservissement et a vécu vraiment la libération, d’où l’impact de la référence de la sortie d’Egypte dans notre histoire : seul un être capable de liberté est capable de percevoir la révélation.
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Q : pas compris ce lien des 2 commandements avec les anges ?
R : une valeur ne se formule comme obligation, comme mitsvah, que par rapport à un être qui n’a pas encore réalisé cette valeur. Moïse leur dit : est-ce que vous travailler pour qu’on vous demande de vous reposer le 7ème jour ? Cela veut dire que la valeur qui est visée par le commandement du Shabat ne concerne pas l’identité de l’ange. Les 2 commandements-là en particulier ne peuvent pas se trouver dans une événtuelle Torah des anges puisqu’effectivement les valeurs en question les définissent et les concernent.
Je reprends cette analyse car il y a là un raisonnement de type talmudique qui consiste à pouvoir raisonner à la fois dans les deux sens d’une proposition et affirmative et négative: Ils ne peuvent pas porter faux témoignage parce qu’il porte témoignage de vérité. C’est la raison pour laquelle ce commandement pourrait être dans leur Torah mais Moïse n’a pas discuté avec eux là-dessus parce que cela est réglé en bien chez eux.
Q : Les anges sont athées ?
R : J’y viendrais tout à l’heure…
Q : Quelles différences entre les shemot, les midot, les malakhim, les sefirot ?
R : Tout cela c’est la même chose mais c’est très différents selon les madregot de l’être. C’est toujours le dévoilement de la providence, de la Souveraineté du Créateur, mais dans des niveaux très différents. Alors, suivant le niveau d’être, on appelle cela des Séfirot ou des Midot ou des Olamot ou des Malakhim... cela renvoit à des études de Qabalah mais c’est une question de vocabulaires. Le Midrash a l’habitude de parler des « Malakhei Hasharet ».
Q : Maharal : Dieu aussi prie et sa prière « que ce soit une volonté devant moi ... »
R : C’est dans la Guémara de Brakhot.
Elle dit que Dieu met les tefilin, étudie la Torah, dit le qriat shema... etc.
Mais il faut bien comprendre ceci : c’est le rôle de l’homme d’obtenir que la modalité de la grâce, de la générosité, surmonte la modalité de la rigueur. Et quand l’homme n’y arrive pas ou n’a pas de mérite, ou de courage suffisant pour l’entreprendre, alors la Guémara nous dit que le souhait permanent de Dieu c’est que cela se fasse. Même lorsque l’homme épuise la quantité de courage et d’initiative qu’il faut pour que cette Avodah, cette oeuvre qui consiste à faire que le monde réussise et puisse aboutir, alors le souhait permanent de Dieu accompagne notre histoire.
C’est un peu en ce sens-là qu’il faut l’entendre.
Q : inaudible
R : J’ai fait un peu allusion à ce problème tout-à-l’heure : normalement l’histoire du monde aurait dû se développer jusqu’au bout sans que Dieu n’ait à intervenir, c’est une base de la théologie écrite. Le cas exceptionel c’est que en cours de cette histoire est apparue une société qui était déjà dans l’anticipation la plus absolue. Dès le temps des patriarches, l’identité hébraïque a vécu la vie du monde abouti - Olam Haba. Cette société qui est devenue le peuple juif qu’est devenu le peuple hébreu, a pris sur elle la charge de se maintenir et de se perpétuer dans le cours de l’histoire en train de se faire, de telle sorte de devenir le peuple des guides des autres sociétés. Il y a eu là vraiment un sacrifice dans le sens total au point de vue théologique d’être Eved Hashem, de se mettre au service du Créateur de ce Monde-Ci alors qu’il s’agissait d’une identité humaine déjà aboutie.
Par conséquent, la surprise c’est que, en cours d’histoire, une société humaine réclame cette prérogative d’avoir à donner la Torah sur terre alors que la Torah ce sont les principes du jugement dernier : c’est lorsque l’humanité est jugée qu’elle est confrontée aux valeurs.
L’initiative d’Israël, c’est de faire descendre ces valeurs en bas de telle sorte que l’histoire du monde soit guidée par elle. Alors les anges qui sont du monde de la perfection refusent parce que c’est trop dangeureux, parce que si jamais Israël gâche la Torah, tout est gâché.
Exemple d’un principe très simple :
Quand un tribunal donne un jugement faux, ce n’est pas seulement la jurisprudence qui est en jeu ou la justice, dans le sens de juridiction, qui est en jeu, mais là c’est la morale tout court qui est en jeu !
Très souvent, les consciences humaines sombrent dans l’immoralité parce qu’elles croient que la justice n’est pas de ce monde. Et pourquoi le croient-elles? Parce que les tribunaux ne jugent pas juste. L’honneur de Dieu est confié aux juges en quelque sorte. C’est de cela qu’ont peur les Malakhei Hasharet : quand Moïse, arrivé jusqu’en haut parce que l’identité d’Israël est arrivée jusqu’au bout, vient demander la Torah pour aider les autres identités (« Mamlekhet Kohanim Vegoy Qadosh ») alors les anges ont peur. Notre étonnement normal en théologie juive, ce n’est pas qu’il n’y ait plus de prophétie, mais qu’il y ait eu la prophétie.
Pour répondre à ta question, il était inévitable qu’un certain temps de maturation se produise dans l’histoire humaine pour qu’en fin de compte émerge une certaine société qui soit capable, déjà dans ce Monde-Ci, d’être témoin de la vie du Monde-à-Venir.
C’est cela au fond le tsadik. Le tsadik pendant tout le court de l’histoire est un homme qui vit dans un monde qui n’est pas le sien. Le tsadik vit dans un monde de reshayim. Ce monde-ci appartient aux reshayim dit la guémara, c’est-à-dire aux hommes en train d’être, en cours de mérite. Mais tant qu’on est en cours de mérite, c’est qu’on est rasha et qu’on ne mérite pas encore.
Mais voilà qu’il y avait quelques tsadikim et qu’il sont pris l’initiative. La grande chose qu’il faut comprendre, et c’est là la valeur de Moïse, c’est que les hébreux de la sortie d’Egypte était un peuple, une société, et non pas un ensemble d’individus philosphes ou moralistes comme on les trouvent chez les goyim, ces individus isolés qui en tant que tel perçoivent l’évidence de la valeur morale. Le ’hidoush d’Israël c’est que c’est une société, un peuple.
Je reviens sur ce point : nous sommes jugés par les nations comme si nous étions une église alors que nous sommes un peuple. S’il fallait juger une église qui commettrait des fautes alors le jugement serait terrible car une église est censée être une communauté de saints. Mais lorsqu’on juge un peuple, il faut le juger en tant que peuple et à ce niveau de jugement, Israël est innocent, de tout. Si c’était une église alors il serait coupable. Mais Israël est un peuple. Le Pape se manifeste chaque fois qu’il s‘agit des adversaires d’Israël. C’est frappant mais cela confirme qu’Israël est Israël, jugé d’après une morale absolue, alors c’est bien Israël.
Q: Pourquoi avez vous évité le mot de conscience de Dieu pour définir l’ange ?
R: Si je vous parle des anges c’est parce que nos texte en parlent. Ce que j’entreprend de faire au fond c’est de vous permettre une lecture qui vous serais cohérente dans les coordonnées de votre culture alors que les textes sont fomulées dans les coordonnés de culture différente de celle contemporaine. C’est la raison pour laquelle j’emploie des équivalents. Dans le livre de Job, cela commence par une introduction qui pourrait se formuler de la manière suivante : un jour dans l’année (Roshashanah) le conseil de Dieu, le conseil des anges se rassemble chez Dieu et dans ce conseil-là siège aussi l’ange qui s’appele le Satane. Le Satane, que la théologie chrétienne appelle Satan sans article, c’est une réalité qui signifie l’obstacle et c’est un des anges. Nos commentateurs l’expliquent de la manière suivante : lorsque Dieu juge une certaine étape de l’histoire, il est normal qu’il y ait un plaidoyer pour et qu’il y ait aussi la formulation de l’accusation. L’accusateur publique dans le tribunal de Dieu c’est cette réalité que l’on nomme en hébreu HaSatane. Ce qui fait obstacle. Le Satane c’est Dieu lui-même mais ce n’est pas la même chose. Dans la mesure où dans un tribunal il faut formuler et mettre en évidence de façon lucide et aigüe le doute porté sur le prévenu, l’accusation à porter sur l’accusé éventuel. Qui parle ? c’est toujours la vérité qui parle ! Mais lorsque la vérité, Dieu lui-même dans sa parole, porte l’accusation c’est perçue comme étant ce que l’hébreu appelle HaSatane : c’est Dieu Lui-même me faisant obstacle. Ce que les païens ont fait de cela c’est une autre affaire.
Lorsque je parle des anges dans cette définition, cela veut dire, par façon de parler, la réflexion intérieure au divin au projet divin pour la création. Tous les attendus sont là. Voici le plaidoyer pour le plaidoyer contre, la miséricorde qui intervient, la rigueur qui intervient. Mais tout cela n’a de réalité ontologique que dans le sens de Dieu à moi. Dans le sens de moi à Dieu il n’y a pas d’ange, ni HaSatan, il n’y a rien, que Dieu lui-même.
Le mot de conscience ne s’emploi pas en hébreu alors je vous suis difficilement, donner moi une équivalence. D’après mes études le mot de conscience a été forgé par les stoïciens, et il a une connotation philosophique bien précise qui ne peut pas s’employer en théologie pour parler de Dieu. Il n’existe pas en hébreu.
Q: Le peuple hébreu arrivé à un certain stade qui lui a permis de revendiquer la Torah...
R: Si vous vous souvenez bien des termes du midrash, Dieu dit à Moïse deux fois : « donne leur une réponse ». Si Moïse n’avait pas été capable de leur donner une réponse, la Torah n’aurait pas été révélée : il a fallut que l’on entende exprimé par Moïse la claire compréhension de la part d’Israël qu’effectivement le temps était venu qu’une société humaine puisse recevoir cette Torah. Il y avait là très clairement je suppose dans l’explication que je vous ai donnée, l’indication que un peuple libre existait déjà, et en conséquence la Torah pouvait lui être confiée : quelqu’un qui a l’expérience de la liberté, on peut lui confier le sort des valeurs morales. La Torah ne peut être donnée à Israël qu’après la sortie d’Egypte ; et il faut pendre toutes ces références au sérieux : l’exil a été sérieux et c’était vraiment un asservissement. La sortie d’Egypte c’était sérieux, il y a vraiment eu la libération. Ce peuple hébreu a eu cette expérience-là, et par conséquent, on peut lui confier le sort de la loi morale. Il est possible d’espérer qu’il ne gâchera pas le mondes des valeurs. Mais pour cela il fallait que Moïse atteste que l’hébreu était arrivé à ce niveau-là.
Il y avait une double réponse :
1- nous savons ce qu’est la liberté, vous les anges vous ne le savez pas.
2- nous sommes capables de repentir le cas échéant.
Ce sont les 2 ‘hisdoushim que la conscience hébraïques (j’emploie le mot car il s’agit d’hommes) amène et introduit dans le monde. Le monde païen ne connaissait ni la liberté, ni la capacité du repentir.
A partir du moment où une identité humaine de cette sorte est capable d’exister alors la transcendance se révéle.
Nous sommes partis d’un problème philosophique et la raison en était historique. Le problème philosophique n’a pas de solution en soi. Etant donné la différence de nature entre la transcendance et l’immanence, la revélation est impensable. Et aucun philosophe ne dépassera cette impossibilité. L’histoire répond qu’il y a un cas particulier : Israël ! La transcendance peut être communiquée à l’être libre et responsable. C’est la raison pour laquelle l’histoire nous montre ce cas particulier : seule la société d’Israël a vécu son histoire par rapport au jugement de la morale absolue. Là une fois de plus les textes et l’histoire se rencontrent.
Je reviens à la question posée et à laquelle je n’ai pas répondu. Comprenez bien qu’il y a des implications de vocabulaires considérables.
Je vous parle de textes qui nous viennent d’une hauteur considérable car depuis 2000 d’histoire d’une sagesse reçue 2000 ans avant, cela fait 4000 ans, et nous lecteurs de ces textes sommes actuellement tous imprégnés d’une culture gréco-romaine et philosophique occidentale contre laquelle précisément le message de la bible est donné.
Q: Les malakhim quand nous faisons des mitsvot ?
R: Dans le langage du midrash, lorsqu’on fait une bonne action un malakh apparait et lorsqu’on fait une mauvaise action un démon apparait. Le midrash explique que ce sont des avocats ou des accusateurs. Nous sommes accmpagnés par ce que nous avons fait de notre être. Mais ce qui nous accompagne comme une sorte de aura est à la fois notre identité et notre juge. C’est dans le sens du plaidoyer. Du point de vue théologique, dans toutes nos traditions, le malakh n’est que l’expression de la volonté de Dieu. La ‘figure’ du malakh se dessine par rapport à l’action à laquelle se référe la volonté de Dieu.
La volonté de Dieu concernant la fait que le monde existe c’est Youd-Hé-Vav-Hé. Parce que dans ce terme est impliqué tout l’être possible.
La volonté de Dieu qui concerne le fait que si il y a maladie il y a guérison cela s’appelle Raphaël.
Mais Raphaël c’est Dieu lui-même (ce qui ne veut pas dire que Raphaël soit Dieu). L’idolâtrie serait d’adorer Raphël, dans le sens Hashem Hou Elohim et non pas Elohim hou Hashem.
Par conséquent, en fait tout se passe comme si, accompagnant l’histoire de monde-ci, le jugement de Dieu pour nous était : « est-ce que ce monde mérite d’exister ou pas ? » Et à l’intérieur de ce monde telle ou telle créature nous accompagne. C’est cela le monde des anges qui nous accompagne et qui est destiné à se résorber à la fin des temps « bayom hahou Hashem levado » Il n’y a plus ni Elohim ni malakhim...etc.
Effectivement, cela signifie que c’est la projection de notre identité dans la délibération du tribunal céleste.
Il est bien évident que lorsque les midrashim font parler le Satan c’est Dieu qui parle mais en tant qu’il accuse. Alors, cette manifestation de Dieu est terrible, on l’appelle le Satan. Les païens en ont fait un anti-dieu mais nous savons que c’est la voix de Dieu Lui-même lorsqu’elle est impitoyablement accusatrice et qu’elle met en évidence le doute caché.
C’est la conscience humaine qui est libre, la volonté de Dieu c’est que le monde réussise, mais il y a une confrontation entre la liberté et les valeurs. Et par conséquent, à chaque étape de notre histoire il y a une délibération qui nous accompagne.
A ce moment du Midrash, se produit un événement exceptionnel dans l’histoire du monde : une société entreprend d’être Israël !
Alors Dieu se dit : on va voir si c’est vrai, et les Malakhai Hasharet mettent en doute la possiblité de confier le sort de l’absolu au fils d’une femme, à l’être de chair et de sang, à un être plein de tendances, de complexes, d’instincts.... Que vont-ils faire des valeurs ? …etc.
Il n’y a qu’à suivre ce que les humanistes ont faits des valeurs. Nous savons à quel point la transcendance a été bafouée pour que finalement cela bascule dans un monde immoral.
< fin >