La notion de couple (1970)
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Durée: 43,0 minutes - Face B
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… et de trouver son achèvement dans un effort d’achèvement lui-même inachevé.
C’est donc dans le geste d’acquisition du plus qu’est le mieux et non pas du tout dans cette acquisition elle-même. Dans « l’effort de », et non pas dans ce qui est acquis.
« C’est la raison pour laquelle il n’est pas dit à propos du récit de la création de l’homme que Dieu a dit que c’était bon plus que pour les autres créatures. Tous les êtres ont été créés parfaits d’un coup sauf l’homme et la perfection pour l’homme consiste dans cet effort permanent d’acquérir la perfection. »
Or, cet enseignement du Maharal est extrêmement important car il nous éclaire sur ce que nous dit la Torah que l’homme a une destinée. Il est destiné à une histoire, et cette histoire se définit premièrement dans la relation homme-femme et deuxièmement dans la relation d’engendrement.
Cela est indiqué par le fait que dans le verset qui décrit cette destinée de l’homme, il y a une forme hébraïque qui montre bien que c’est un avenir : en fin du verset 7 au chapitre 2 :
וַיְהִי הָאָדָם, לְנֶפֶשׁ חַיָּה
« Vayhi haAdam lenefesh ‘hayah »
Et l’homme est donné à être une personne vivante.
Alors que pour les autres êtres vivant, les animaux, ils sont créés nefesh ‘hayah chacun à leur niveau.
Résumé: Tout ce qui existe dans le monde existe de façon définitive, et l’identité de l’individu coïncide avec l’identité de l’espèce - bien entendu il y a le caractère singulier de l’individu dans n’importe quelle généralité d’être - mais malgré tout c’est cette identité de l’espèce qui est chez l’individu, alors que chez l’homme il y a une destinée qui consiste à construire la personne au-delà de l’individu et par conséquent au-delà de l’identité de l’espèce. Ce qui nous fera comprendre tout à l’heure que la relation sexuelle pour l’engendrement entre l’H et la F au niveau de l’identité humaine n’a rien à voir avec celle des animaux.
Comme nous l’avons vu dans le texte : les animaux sont créés et il leur est demandé de se multiplier mais le texte ne précise pas qu’ils ont été créés mâle et femelle en vue de cela. Tandis que pour l’homme il y a ces indications.
Dans un autre texte du Maharal, au 1er chapitre de Netivot Olam, le Maharal reprend cette analyse en nous faisant comprendre que l’homme par définition devait être créé inachevé et que son achèvement c’est la femme.
Il nous dit dans ses propres termes : l’identité humaine est diminuée de quelque chose, et cette complémentarité se trouve dans la femme.
Il faut comprendre cela en hébreu, pour cela je voudrais relier ces deux textes du Maharal. Il ne s’agit pas du tout de la femelle par rapport au mâle puisque le Maharal vient de nous dire dans le texte que je viens d’analyser, que toutes les autres espèces vivantes sont créées dans leur perfection, et que, par conséquent, la fonction sexuelle est une fonction au niveau de l’espèce, ce qui n’est pas le cas pour l’homme. Lorsque le Maharal nous dit que la ishah complète le ish cela n’a rien à voir avec une identité mâle-femelle. Cela veut dire que chaque exemplaire de l’homme, qu’il soit mâle ou femelle, porte en lui ce même problème d’être créé inachevé et de trouver en l’autre le principe de son achèvement.
C’est ce que dit le Midrash cité : lorsque Dieu lui même explique le pluriel du verset naassé Adam betsalmenou : à l’origine dans l’acte de création, l’homme est pris de la terre et la femme est prise de l’homme, mais à partir de maintenant, le pluriel indique qu’il n’y a pas ish sans ishah, et ishah sans ish, et il n’y a pas les deux sans la Shékhinah. Cette répétition qui aurait pu sembler inutile (pas d’homme sans femme pourquoi ajouter pas de femme sans homme ?) cela signifie que au delà de la différenciation proprement sexuelle au niveau de l’espèce humaine il y a une toute autre explication de la complémentarité du couple et qui est réciproque:
-L’homme est inachevé et la femme est son achèvement.
-La femme est inachevée et l’homme est son achèvement.
Ceci donné nous pouvons poser le problème de la définition du couple.
D’autres Midrashim nous indiquent, à propos de ce verset cité pour le mariage, « il n’est pas bon que l’homme soit seul, Je lui ferai un aide à sa mesure», que le véritable sens de ce verset n’est pas seulement un sens matrimonial (venant résoudre le problème de la solitude en divisant l’être seul de façon à ce que chaque partie ne soit pas seule) mais le dépasse.
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » cela veut dire en exemplaire unique d’identité unifiée, comme nous le sommes dans les mondes supérieurs, c’est dans les mondes inférieurs que nous sommes divisée en deux supports de ces deux inachevés l’un qui est appelé homme car son corps est mâle dans une et l’autre qui est appelée femme car son corps est femelle. De ces 2 êtres qui sont le même Adam, l’un étant ish parce que qu’il n’a pas de ishah et l’autre étant ishah parce qu’il n’a pas de ish. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul - c’est à dire unique parce qu’il se prendrait pour Dieu, c’est pourquoi, Je vais le diminuer pour qu’il ne se prenne pas pour Dieu ». Comme l’être diminué est synonyme de malheur alors je lui donnerai un aide à sa mesure.
Nous n’avons pas affaire à un homme diminué pour qu’il ne se prenne pas pour Dieu et puis des hommes diminués qui seraient malheureux parce qu’ils ne seraient que des dieux diminués et tout seul. Dieu dans sa grande bonté a fait deux exemplaires de ces êtres seuls, les uns mâles et les autres femelles afin qu’entre eux ils ne soient pas seuls.
Je reprends l’analyse au niveau du Midrash :
Il n’est pas bon que l’homme soit seul : le vertige de la folie de se prendre pour Dieu risque de le prendre. Tout dans le monde est duel et si l’homme, en tant que créature consciente d’elle-même, les autres étant créatures non-conscientes d’elle-même, avait été créé dans un exemplaire unique alors il se serait pris pour Dieu : le plus grand malheur qui soit arrivé à la créature.
Pour éviter cet échec, Dieu l’a créé diminué ayant besoin de l’autre, de telle sorte qu’il sache dans son besoin de l’autre qu’il n’est pas Dieu.
Ce qui aurait pu arriver explique ce Midrash c’est que simplement nous aurions eu une identité humaine ni mâle ni femelle, sorte d’androgyne originel, diminué pour ne pas être Dieu mais dans l’ennui absolu parce qu’en exemplaire unique. Alors Dieu lui a donné « êzer kenegdo » ce double visage, que l’homme peut être soit homme soit femme. C’est au second niveau que nous retrouvons le thème de la solitude. C’est pourquoi le midrash disait : lo ish velo ishah velo ishah velo ish.
Mais dans le problème de la définition des données du couple ish et ishah c’est la même chose. C’est un Adam diminué, l’un est diminué en homme et l’autre est diminué en femme.
Et nous retrouverons le fait que leur corps soit différents sert à faire des enfants.
Nous retrouverons demain soir que ce thème de la relation entre Ish et Ishah est selon la vision messianique de l’histoire provisoire, et que la relation fondamentale qu’il faut réussir à atteindre c’est la relation frère-frère et que cette première relation entre Ish et Ishah est une relation provisoire d’apprentissage : c’est entre Ish et Ishah que se fait l’apprentissage entre A’h et A’h.
Nous aurons plus de détail demain.
Je reviens surtout à cette première analyse : La manière d’être de l’homme pour pouvoir être, c’est d’être diminué de l’identité de Dieu. Il y a un verset des Psaumes qui le dit clairement:
Téhilim 8.6
וַתְּחַסְּרֵהוּ מְּעַט, מֵאֱלֹהִים
Et cette manière d’être diminué est le propre et de l’homme et de la femme. C’est ce qu’explique le Maharal en nous disant : Adam est créé inachevé et son achèvement c’est la femme. Et c’est réciproque pour la femme qui est créé inachevée et son achèvement c’est l’homme. Il fait sortir de cette fausse catégorie considérant que la femme n’est que l’achèvement de l’homme. Selon le Midrash cité, c’est bien clair, c’est réciproque.
Dans l’analyse du Maharal, il est clair qu’il ne s’agit pas du tout du mâle et de la femelle comme les autres espèces vivantes mais que cela concerne uniquement l’identité humaine.
Cela veut dire que l’homme est l’achèvement de la femme comme la femme est l’achèvement de l’homme parce que l’un et l’autre s’appelle Adam et ‘Havah: en chacun des deux, il y a Adam dont ‘Hawah est le complément.
Nous allons voir comment est le sens de cette relation en tant que couple, mais je cite avant un texte du Rav Kook qui reprend le même thème à propos du problème de l’identité morale de l’homme.
Jusqu’ici notre analyse est au niveau des entités métaphysique de l’homme.
Et je voudrais préciser que, philosophiquement, il est clair pour les théologiens juifs que la seule manière pour l’homme, qui est la vraie créature de Dieu, d’exister, c’est d’exister comme diminué par rapport à Dieu parce que c’est la condition de son existence. Si la créature de Dieu était analogue à Dieu elle n’aurait pas de spécificité, d’identité propre, elle n’aurait pas d’ipséité comme on dit en philosophie, elle serait fondue en lui, perdue en lui, elle n’existerait pas.
Le principe est : Derekh HaTov la manière de se conduire de celui qui est bon est de faire le bien.
Par conséquent, Dieu dans sa bonté, ne peut créer qu’aussi parfait que lui. Pourquoi avoir créé moins parfait que Lui ? C’est pour que nous puissions exister. Parce qu’aussi parfait que Lui nous serions Lui, et nous ne serions pas libres !
Par conséquent, la condition humaine c’est d’être diminué et la folie est de vouloir être autrement que cela. Mais la consolation c’est de savoir que l’on s’achève dans cet achèvement.
Cette dialectique du couple (et je ne dis plus maintenant celle des sexes qui sert à autre chose) est de pouvoir être heureux dans la complétude que l’un donne à l’autre.
Il y a une finalité messianique à cela, c’est l’apprentissage de l’altérité qui commence dans la relation d’autrui à autrui entre l’homme et la femme au niveau du couple.
Nous sommes encore sur le 1er point de l’analyse que je vais éclairer par un texte du Rav Kook
Ensuite nous arriverons au 2ème point de l’illustration de cela dans ce que la Torah nous raconte de l’histoire des patriarches. Et ensuite nous donnerons la charnière avec le thème de demain soir sur l’identité du fils dans le couple.
Le texte du Rav Kook pose le problème non plus au niveau métaphysique mais au niveau moral.
C’est le chapitre 5 au paragraphe 6 de Orot hateshouvah.
C’est le même thème au niveau du problème moral. Nous avons le même thème avec Rabi Yo’hanane Ben Zakaï au niveau de la relation à la Torah, avec le Maharal au niveau de la relation avec la femme, et avec le Rav Kook au niveau de la relation avec la Teshouvah.
C’est à dire que l’homme est créé « diminué de » et c’est dans l’effort « d’acquisition de » qu’il trouve sa perfection.
Mais chacune de ces réalités Torah, Ishah, Teshouvah, s’appelle en hébreu ZOT.
On peut voir cela très directement dans les textes.
Bereshit 2.23 :
לְזֹאת יִקָּרֵא אִשָּׁה, כִּי מֵאִישׁ לֻקְחָה-זֹּאת
lezot yikare ishah ki me'ish louqa’ha-zot.
Vaet’hanane 4:44 :
וְזֹאת, הַתּוֹרָה
VéZot ha torah...
Vayiqra -A’harei Mot 16:3 :
בְּזֹאת יָבֹא אַהֲרֹן, אֶל-הַקֹּדֶשׁ:
Bezot Yavo Aharon El-Haqodesh…
Zot c’est cette chose autre qui nous manque pour être Dieu, ce que les Kabbalistes appellent la Shékhinah, qui est cette partie diminuée de nous et que nous retrouvons en l’autre. L’autre c’est Zot. La femme, la Torah, la Téshouvah-repentir s’appelle Zot. C’est la Shékhinah qui est Zot.
C’est ce que nous dit le Midrash déjà cité :
« Pas lui sans elle, pas elle sans lui, et pas les deux sans la Shékhinah »
« Sans le projet de la Teshouvah, sans le vouloir du repentir, sans l’idée que le repentir est possible, le repos et la sécurité que cela donne à l’homme, l’homme ne peut pas trouver Manoa’h le répit, la rémission, le bonheur d’être. Et la vie spirituelle ne pourrait pas se développer dans le monde »
Sans l’éventualité du repentir, il ne pourrait pas y avoir de vie spirituelle. Et nous allons voir jusqu’où va cette analyse.
« Le sens moral nous réclame la justice absolue, la perfection morale. »
Or, nous savons que nous ne sommes pas parfaits par nature, par conséquent perdus.
Ce sont des implications que je dégage et que le Rav Kook dit de suite :
« Or, la perfection morale combien elle est loin des possibilités de l’homme. »
Nous sommes en principe dans une situation tragique où notre sens moral nous réclame la moralité absolue et nous savons que cela nous est impossible : Serions-nous perdus ?
« Et combien la force de l’intention de l’homme pour orienter sa conduite vers la pureté idéale de justice absolue est faible chez l’homme. Et comment pourrait-il désirer ce qui n’est pas en son pouvoir ? LéZot c’est pour cette chose-là que la Téshouvah est connaturelle à l’homme. Et c’est elle qui lui donne sa perfection, son achèvement. L’homme est toujours donné à des pièges pour faire des fautes mais cela n’atteint pas sa perfection ».
Nous avons là une idée extrêmement importante : Le fait que l’homme fasse des fautes n’atteint pas son intégralité. Parce que son intégrité, son intégralité, sa perfection n’est pas d’être parfait. C’est d’être imparfait mais de vouloir se repentir. Par conséquent, aucune faute ne peut atteindre l’identité humaine, s’il y a le pouvoir du repentir.
« Puisque le fondement même de la perfection chez l’homme c’est son exigence de perfection. »
Voilà donc que nous avons aussi au niveau de l’identité morale de l’homme la même analyse, la même anthropologie : il s’agit d’un être qui est créé diminué, et par conséquent, qui est voué à vivre en couple. Et cela est vrai par rapport à l’autre de l’individu (la femme) par rapport à l’autre de l’identité (la sagesse qui nous manque, la Torah) par rapport à l’autre de la conscience morale (la Téshouvah : l’intégrité qui nous manque quand il y a la faute).
C’est constamment dans l’être de relation à cet autre qui est Zot (qui est au féminin pour l’homme et qui est au masculin pour la femme dans la relation du couple) que l’homme existe.
Voilà pourquoi nous pourrions dire que le problème sexuel obsède l’histoire de l’identité humaine. Alors que si j’ose dire on ne trouverait pas cette obsession chez l’animal qui est, pour parler de manière anthropomorphique, préoccupé et poussé par la tendance à la perpétuation de l’espèce beaucoup plus que par ce que la Torah va nous décrire dans les exemples que nous prendrons au niveau de l’identité humaine.
Il me revient en mémoire un livre que vous avez peut être lu qui fait m’a grande impression car il pose très bien ce problème là. C’est Barjavel dans « la faim du tigre ». Il décrit au niveau de l’obsession sexuelle de l’homme cette espèce de force aveugle et impersonnelle qui n’est réelle comme telle, comme tendance impersonnelle, qu’au niveau de l’identité animale. En réalité, ce qui est l’obsession de l’identité humaine, c’est la recherche de la relation à l’autre, c’est-à-dire la solution du problème du couple. En d’autres termes, comme nous allons le voir, c’est ce qu’on appelle simplement l’amour.
Ce n’est pas pour rien qu’il y a cette obsession de la relation d’amour avec l’autre parce qu’il n’y a pas là une relation de possession du point de vue du projet du Créateur mais c’est la condition même de l’existence.
Nous existons diminués et ce n’est que dans la relation à l’autre que nous avons la plénitude de l’existence tout court. Nous en sommes constamment privés et elle est constamment à construire. Nous trouvons cela comme nous l’avons vu au niveau de l’identité métaphysique de l’homme, au niveau de son identité sociale d’abord et ensuite au niveau de son identité morale, dans une convergence et une cohérence qui est extrêmement précise dans les catégories de l’enseignement traditionnelle de la Torah.
2ème partie
Nous arrivons à la 2ème partie.
Si nous reprenons le récit des couples dans la Torah nous nous apercevons finalement que il y a une organisation du récit qui nous montre l’effort de réussite jusqu’au couple qui aura engendré les enfants de Jacob : Joseph et ses frères.
Tout se passe comme si le récit de la Genèse, tout le livre de Bereshit, c’est le récit de l’effort à travers les engendrements pour enfanter Joseph. C’est-à-dire l’homme qui aura été capable d’être frère. Nous retrouverons cela demain plus en détail. A partir du moment où Joseph est enfanté, alors le récit s’achève, l’identité d’Israël est réussie, et l’histoire proprement dite de cette identité va commencer…
Nous avons dans ce récit de la Genèse intentionnellement racontée, l’histoire d’un certain nombre de couples qui sont importants dans l’histoire et dans le sens de l’engendrement des fils de l’homme.
Je vais prendre un fil conducteur : celui de la relation entre Adam et Eve, le premier homme et la première femme. Si j’ose dire, Adam n’a rien eu à faire pour avoir son autrui. Et c’est le point de départ de l’histoire. Dieu la lui fabrique. Et il n’a aucun effort à faire pour rencontrer sa femme.
La Torah ne nous le raconte pas, mais il y a là un problème. C’est un point de départ. Et ils ne se disent rien, sinon des paroles imprudentes. On ne nous dit pas qu’ils s’aiment, si vous voulez c’est la relation du couple au commencement. La Torah ne nous dit pas que Adam et ’Havah s’aiment, ils ne se parlent pas, ils ne se sont pas reconnus. Il faudrait voir cette exégèse plus en détail que l’on survole. Cela ne marche pas très bien entre eux.
Le Midrash va jusqu’à poser la question suivante : lorsque le serpent a tenté Eve, que faisait Adam ? Le Midrash donne deux réponses.
- il plantait des arbres.
- il dormait.
Intentionnellement, la Torah ne nous a pas montré la relation du couple réussi au niveau de Adam et de Eve. Il en résulte que sur deux enfants l’un tue l’autre. La relation de fraternité ne peut pas être réussie parce que la relation du couple n’a pas été réussie.
Et la Torah va chercher l’effort de réussite de l’identité frère. Dans quelle famille le frère sera véritablement le frère du frère ? On va apprendre que c’est dans le couple où le couple s’aime !
Avec Avraham on apprend quelque chose d’extraordinaire : Avraham sort d’Our-Kasdim avec une femme qui est déjà sa femme et dont la Torah va jouer sur l’ambigüité de la femme-sœur. Il est issu de la famille humaine où l’on sait déjà être sœur pour son mari et être frère pour sa femme.
Abraham n’a pas eu d’effort pour obtenir sa femme. Il ne fait pas cet effort puisqu’il sort déjà marié du texte, si j’ose dire, mais il y a déjà quelque chose de plus que Adam et Eve. Our Kasdim c’est déjà une société d’où l’on sort marié avec une femme dont on peut dire qu’elle est sa sœur. Et le texte appelle ces femmes des sœurs. Comme nous allons le voir plus tard surtout pour Rébecca.
Avec Isaac, il y a une inquiétude : est-ce que la femme pour moi existe ?
Abraham envoie Eliezer dans la famille d’où il était sorti. Il y a une très longue prière de Eliezer, on sait ce genre de femme qu’il faut pour que Isaac se marie : mon Dieu faites qu’elle existe !
S’il ne la trouve pas l’histoire est bloquée ! Il faut le miracle de la rencontre avec Rébecca.
Avec Jacob : Jacob, lui, travaille 21 ans pour obtenir sa femme. Cela devient sérieux. Et cela apparait dans le texte de façon massive. C’est confirmer par un texte des prophètes.
« En vue d’obtenir sa Ishah il a dû travailler »
Jacob était destiné à Rachel et il a travaillé d’abord 7 ans pour Rachel et il a eu Léa. Il a donc dû travailler encore 7 ans pour Rachel. Les 14 premiers ans sont donc pour Rachel et les 7 ans pour le troupeau qui est le troupeau de Rachel : donc 21 ans pour Rachel. On apprend donc effectivement qu’il faut un effort d’acquisition du mérite d’obtenir l’autre.
Mais surtout retenir que le texte ne nous dit pas que Adam aime ’Havah. Ni qu’Abraham aime Sarah. Il y a la relation de fraternité entre eux, on s’est reconnu comme l’un complément l’un de l’autre réciproquement : l’un a dit à l’autre « frère » et l’autre à dit à l’un « sœur », donc la suite peut advenir. Israël ne vient pas d’Abraham directement. Il faut que la sélection continue avec Isaac. Avec Isaac, on nous dit qu’Isaac a aimé sa femme.
Chapitre 24 verset 67 :
וַיְבִאֶהָ יִצְחָק, הָאֹהֱלָה שָׂרָה אִמּוֹ, וַיִּקַּח אֶת-רִבְקָה וַתְּהִי-לוֹ לְאִשָּׁה, וַיֶּאֱהָבֶהָ; וַיִּנָּחֵם יִצְחָק, אַחֲרֵי אִמּוֹ
« et Isaac amena Rivqah dans le tente de sa mère, et il prit Rivqah et elle devint sa femme et il l’a aimé (c’est la 1ère fois que cela arrive) et Isaac s’est consolé de sa mère. »
C’est ici encore provisoire, tandis qu’avec Jacob et Rachel, on dit qu’il l’a aimé stam, sans consolation avec sa mère.
C’est déjà beaucoup, la relation du couple Itz’haq-Rivqah est déjà amorcée mais est encore handicapée par la relation à la mère. Alors cela ne marche pas très bien, de Isaac va sortir Jacob et Esaü (qui va sortir de l’attachement à la mère)
Isaac aime Rébecca alors Jacob peut naitre, mais il l’aime d’un amour encore mélangé avec l’amour qu’il a pour sa mère. Alors cela ne marche pas très bien. Le couple est là, ils vont se dire « frère » et « sœur », mais il y a un handicap, ils n’arrivent pas à décrocher. La Torah ne nous raconte pas ici l’histoire d’un couple névrosé, la Torah raconte l’effort qu’il fallut faire à travers l’engendrement de l’identité humaine pour arriver à la relation du couple qu’il fallait inventer et faire et vivre, et elle nous décrit les efforts effectués à cet effet jusqu’à ce qui est arrivé avec Jacob et Rachel.
Pour eux, le verset est tout autre au chapitre 29, verset 30 :
וַיָּבֹא גַּם אֶל-רָחֵל, וַיֶּאֱהַב גַּם-אֶת-רָחֵל מִלֵּאָה; וַיַּעֲבֹד עִמּוֹ, עוֹד שֶׁבַע-שָׁנִים אֲחֵרוֹת
« Vayabo Gam el Ra’hel... Et Jacob s’approcha aussi de Ra’hel… »
Et dans ce gam il y a « enfin c’est arrivé ! »
« Et il aima même Rachel plus que Léah. »
On apprend de ce verset que bien que Léah n’était pas destinée à Jacob mais à son frère Esaü, malgré tout Jacob a aimé Léah.
Et il n’y a pas sa mère dans cette amour, alors va pouvoir naitre l’enfant réussi.
C’est ce que cherchait la Bible : cette relation d’amour entre Ish et Ishah, et elle nous montre les difficultés jusqu’à Jacob qui a aimé ses femmes.
Abraham a été l’époux parfait qui a sorti la relation conjugale de la bestialité. Il n’y avait plus de mâle et femelle comme cela sera rejeté dans les civilisations extérieures à Israël. Il y a époux ish-ishah qui se disent « frère et sœur », mais la relation n’a pas encore réussi complètement. Ils ne se parlent pas. On ne se parle que pour les consignes : « dis que tu es ma sœur... »
Cela continue donc par Isaac pour encore une autre étape. Isaac parle à Rébecca et ils rient ensemble. Jacob et Rachel et Léah parlent beaucoup plus ensemble.
Et voilà cette chose extraordinaire qui arrive c’est de Rachel que va naitre Joseph.
Qui est Joseph ?
30.24
וַתִּקְרָא אֶת-שְׁמוֹ יוֹסֵף, לֵאמֹר: יֹסֵף יְהוָה לִי, בֵּן אַחֵר
Enfin Rachel enfante, et elle appelle son enfant Yossef.
Lémor... « pour dire que Dieu m’ajoute un autre fils » c’est à dire le frère qui va venir. On a réussi à enfanter l’être-frère : on peut avoir un autre frère.
Yossef est le fils de l’amour de Jacob et de Rachel, alors elle a vu dans son identité que l’on peut encore avoir d’autres enfants car il ne se passera plus ce qui s’est passé entre Qayine et Hével. Elle dit alors : « Que Dieu m’ajoute un autre fils !»
Verset suivant : Alors Jacob dit : c’est la fin de l’exil !
30.25
וַיְהִי, כַּאֲשֶׁר יָלְדָה רָחֵל אֶת-יוֹסֵף; וַיֹּאמֶר יַעֲקֹב, אֶל-לָבָן, שַׁלְּחֵנִי וְאֵלְכָה, אֶל-מְקוֹמִי וּלְאַרְצִי
Et il arriva après que Rachel eut enfanté Joseph, Jacob dit à Laban: "Laisse moi partir, que je retourne dans mon endroit vers ma terre.
On apprend par là que toute l’histoire de l’exil, la cause de l’exil d’Israël tout entier, c’est la recherche de la fraternité et la fin de l’exil c’est d’être le frère ainé. Quand Yossef apparait alors c’est la fin d’exil. C’est le temps de Mashia’h ben Yossef.
Rachel dit : « ça y est le fils de l’homme est enfanté, on peut avoir un petit frère pour lui il ne sera pas massacré, ils sont capables d’être frères ».
Jacob en conclut à la fin de l’exil.
Nous verrons pourquoi l’exil a repris car cela n’a pas complètement réussi.
A travers même l’identité de la condition d’Israël qui porte cette histoire, qui la vit et qui l’assume, c’est la condition de l’identité de l’homme toute entière depuis l’histoire de son exil du paradis.
Lorsque la relation de fraternité du couple est arrivée à la relation d’amour réussie alors advient cet enfant en tant que fils de l’homme qui est capable d’être frère et l’exil est fini. Cela veut dire aussi au niveau de l’histoire humaine la fin des contradictions de l’identité humaine comme nous le verrons plus en détail demain.
Je vous résume avant de conclure les différents points de cette analyse.
Premièrement, nous découvrons que la relation du couple a une toute autre finalité que celle du simple engendrement, il s’agit de fabriquer le fils de l’homme, une identité humaine qui a pour père l’identité « homme ». Mais elle a une autre finalité, celle de la construction de la relation d’altérité, l’apprentissage de la relation de fraternité. Nous trouvons d’abord dans la description métaphysique de l’identité humaine selon la Torah que l’homme est intentionnellement diminué, et c’est l’autre que lui - l’homme pour la femme, et la femme pour l’homme - qui est son complément. Et par conséquent son complément ne peut pas être possédé, il ne peut être que conquis perpétuellement dans une relation, mais jamais eu, obtenu, possédé.
Selon la Torah l’homme ne possède pas sa femme, et, chose plus cachée et plus grave, la femme ne possède pas son mari. Mais il y a une relation d’altérité, et c’est dans cet effort-là que la complémentarité se réalise.
Cela est vrai aussi au niveau de l’identité morale dans la relation avec la Loi. La loi n’est jamais accomplie une fois pour toute. Personne n’a pu dire, à moins de se prendre pour Dieu, j’ai accompli la loi. Vous voyez ce à qui je fais allusion. Ce qui s’accomplit, c’est la relation de repentir à la faute obligée étant donné l’être diminué qui est le nôtre.
Cela est vrai au niveau de la relation sociale comme nous le voyons.
Deuxièmement, c’est ce que la Torah nous raconte lorsqu’elle raconte l’histoire des patriarches et l’effort de construction du couple qui une fois réussi fait apparaitre le fils de l’homme. Le premier digne de ce nom a été Yossef.
Nous retrouverons l’autre aspect de ce thème - la relation de fraternité - demain soir. Et après demain deux textes de la Guémara sur ces analyses.
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