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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 16:28

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/roch_hachana_et_chaharei_ratson_la_ligature_d_isaac/cours_1

FACE B

 

 

עָנָה שְׁבוּ פֹה עַם מְשׁוּלִים לַחֲמוֹר

Restez ici avec l’âne

וַאֲנִי וְהַנַּעַר לְהִשְׁתַּטֵּחַ

Et moi et l’enfant irons nous prosterner

 

 

Bereshit 22 Verset 5

ה וַיֹּאמֶר אַבְרָהָם אֶל-נְעָרָיו, שְׁבוּ-לָכֶם פֹּה עִם-הַחֲמוֹר, וַאֲנִי וְהַנַּעַר, נֵלְכָה עַד-כֹּה; וְנִשְׁתַּחֲוֶה, וְנָשׁוּבָה אֲלֵיכֶם

Vayomer Abraham el naarav nelékhah ad koh

Vénishta’haveh vénashouvah eleikhem

Et Dit Abraham à ses gens : Tenez vous ici avec l’âne, et moi et l’enfant nous irons jusque là-bas

Nous nous prosternerons et nous reviendrons vers vous.

 

Une des manières de l’étudier que nous avons eu l’occasion de voir en relation avec un enseignement très important du Rav Na’hman de Braslav sur ce qu’on appelle la Hitbodedout qui est un des comportements de la piété des ‘Hassidim qui consiste à se retirer de la cité, de l’environnement actuel, pour s’isoler – cela s’appelle Bédidout – pour prendre des forces spirituelles – et nous avions étudier assez longuement à propos de ce verset que cela n’est légitime que si c’est en vue de revenir.

 

Il y a une visée de quelque chose d’au-delà du monde où nous sommes mais y aller pour s’y perdre alors qu’on est encore là ce n’est plus la Torah. Cela n’est légitime que si c’est en vue de prendre des forces pour revenir dans ce monde-ci.

 

Il y a un moment très important dans le récit. C’est qu’Abraham prophétise que le sacrifice d’Isaac n’aura pas lieu puisqu’il dit : nous reviendrons.

 

Q : …

R : Il ne savait pas encore qui de lui ou d’Isaac devait être sacrifié. Bien que le 2ème verset avait dit à propos de Isaac : Véhaâlahou sham laôlah  וְהַעֲלֵהוּ שָׁם, לְעֹלָה. Il faudrait reprendre l’ensemble du contexte, sinon chaque année on réétudie cela inévitablement. On arrive à un stade où il y a 2 Tsadikim. Un Midrash va dire qu’ils étaient comme des sosies, et c’est là pour la première fois qu’Abraham va prier pour que la vieillesse entre dans le monde et qu’on distinue les âges des Tsadikim entre le père et le fils. Jusque-là ils étaient comme deux sosies. Or, ils ne sont pas les Tsadikim de la même Midah. Abraham est le 1er à avoir prier pour la Ziqnah la vieillesse, de telle sorte qu’on les distingue. Cela se réfère au fait que la Midat Ha’Hessed c’est la Midah des vieillards et la Midat HaDin est la Midah des jeunes gens.   

C’est pourquoi d’ailleurs la Halakhah ancienne – qui devrait être appliquée par la société israélienne - enseigne qu’on ne nomme comme juge que quelqu’un qui est Zaqen. Si on nomme un homme trop jeune comme juge c’est une catastrophe parce qu’il va être juridique, méticuleux, maniaque.. recherchant l’absolue de la forme de la loi…etc.  N’avait le droit d’être Shofet qu’un Zaqen parce qu’il a l’expérience de la vie.

 

Il y a beaucoup de sources là-dessus. Quand j’ai lu Hugo j’ai trouvé un beau vers de Victor Hugo qui décrit cela:

« La flamme dans le regard des jeunes gens

Et la lumière dans le regard des vieillards ».

C’est Midat HaDin et Midat Ha’Hessed. Isaac et Abraham.

Vous voyez comment Abraham et Isaac sont וְנַפְשׁוֹ, קְשׁוּרָה בְנַפְשׁוֹ. venafsho kshurah venafsho.

 

On  peut le dire de cette manière : de telle sorte que les deux Midot soient distinguées.

Cette vieillesses dont on parle ce n’est pas forcément celel qui vient avec l’âge.

Ziqnah n’est pas Sévah – un vieillard n’est pas un vieux. Il y a une expérience de la sagesse du vieillard qui peut être acquise jeune. On l’appelle dans le Midrash : « Zéh shéqanah ‘Hokhmah -

Celui qui a acquis la sagesse ». Cest la démultiplicaiton du mot Zaken = Zeh shé Kanah ‘Hokhmah.

 

הָלְכוּ שְׁנֵיהֶם לַעֲשׂוֹת בִּמְלָאכָה

Ils sont allés tous deux ensemble pour accomplir son devoir

וְיַעֲנֶה יִצְחָק לְאָבִיו כָּכָה

Et voici ce que commence à dire Its’haq à son père :

 

אָבִי רְאֵה אֵשׁ וַעֲצֵי מַעֲרָכָה

Père, vois le feu et les bois que l’on va disposer sur l’autel

אַיֵּה אֲדֹנִי שֶׂה אֲשֶׁר כַּהֲלָכָה

Mais où est l’agneau qu’il faut selon la règle

 

Voyez la perplexité : ils sont partis pour le sacrifice : Abraham, Isaac, le feu et le bois. Et l’animal du sacrifice ? Il y a là un élément d’une dimension profonde qui ne va se dévoiler qu’à la fin. Cela ne peut être que Abraham ou Isaac. C’est cela qu’il y a entre les deux.

 

הַאַתְּ בְּיוֹם זֶה דָּתְךָ שׁוֹכֵחַ

Oublies tu ta « religion » aujourd’hui ?

 

וְיַעֲנֶה אָבִיו בְּאֵל חַי מַחְסֶה

Et son père lui répondit :aies confiance en le Dieu vivant

כִּי הוּא אֲשֶׁר יִרְאֶה לְעוֹלָה הַשֶּׂה

Car c’est lui qui verra l’agneau pour l’holocauste

דַּע כָּל אֲשֶׁר יַחְפֹּץ אֱלֹהִים יַעֲשֶׂה

Sache que Dieu fait ce qu’il veut.

 

Je continue ici sur le fait que le Midrash dit de ces deux Tsadikim qu’ils étaient des sosies, c’est pourquoi Abraham a du prier pour avoir la vieillesse. Et voilà qu’il y a 2 Tsadikim tous deux absolument Tsadikim. Il faut donc décider quelle est la volonté de Dieu. Ce sont deux manières d’être Tsadik. Mais quelle est la volonté de Dieu. Est-ce que sa créature est réussie lorsqu’elle devient le Tsadik de la Midat Ha’Hessed ou bien est-elle réussie lorsqu’elle devient le Tsadik de la Midat HaDin ? Ce sont deux vertus que nous serons par la suite amener à rendre complémentaire et à unifier mais qui sont incompatibles l’une avec l’autre. Ou celle-ci ou celle-là.

 

Je voudrais expliquer la perplexité d’Abraham à travers un commentaire du Or Ha’Hayim qui s’appelle le Maor Hashemesh :

On arrive à une impasse avec deux religions possibles : celle d’Abraham et celle d’Isaac. Servir Dieu en tant qu’être l’homme de la vertu de charité ou servir Dieu en tant qu’être l’homme de la vertu de la justice. Et vous savez à quel point c’est incompatible. Le mystère d’Israël c’est que c’est la même identité qui est capable des deux.

C’est incompatible parce qu’au moment où je suis occupé à la vertu de charité je viole la vertu de justice, et au moment où je suis occupé à la vertu de justice je viole la vertu de charité.

Et le drame d’Israël c’est qu’il y a énormément de Tsadikim comme Abraham d’un côté et énormément de Tsadikim comme Isaac de l’autre côté, mais dans la société israélienne, il y a très peu d’enfants d’Israël, c’est-à-dire des Tsadikim de l’unité des valeurs.

Or, nous ne sommes pas Abraham, nous ne sommes pas Isaac, mais nous sommes Israël. Et quand les enfants d’Israël se conduisent comme Abraham, et comme Abraham seulement, ils sont en porte-à-faux avec l’identité d’Israël et nous créent milles problèmes. Et quand ils se conduisent comme Its’haq et comme Its’haq seulement, c’est la même chose de l’autre côté et ils nous créent milles problèmes de l’autre côté.

 

Sans Abraham et sans Isaac il n’y a pas d’Israël, mais Abraham seul ou Isaac seul, ce n’est pas Israël. C’est d’un côté Ishmaël et de l’autre côté Essav par ailleurs.

 

Maor HaShemesh :

Abraham ne sait pas encore laquelle des deux Midot doit être sacrifiée. Il faut donc supprimer un des deux exemplaire du Tsadik.

 

Où est la volonté de Dieu ? Etre Tsadik de la Midat Ha’Hessed ou bien être le Tsadik de la Midat HaDin ? Et Abraham ne sait pas ce qu’il va entendre au moment du sacrifice. Si c’est Isaac qui va être justifié, Abraham s’efface ? Ou si c’est Abraham qui va être justifié et Isaac doit s’effacer ?

 

Je vous donne de suite la solution :

Il ne faut pas supprimer la Midat HaDin. Its’haq ne sera pas sacrifié. Il faut la ligoter, la réprimer. Qui va réprimer en la ligotant la Midat HaDin ? Les mains d’Abraham c’est-à-dire la Midat Ha’Hessed. Voilà la solution. Alors Israël peut naître.

 

La tentation, où a basculé le chritianisme, serait d’annuler la justice au nom de la charité. La tentation inverse serait d’annuler la charité au nom de la justice. Cela a été la réaction au christianisme qui je pense, très schématiquement, est représentée par la révolution socialiste. On va annuler la charité au nom de la justice. Mais cela vient enr réaction à l’échelle du christianisme qui avait annulé la justice au nom de la charité.

Et vous voyez à quel point les Juifs ont été tenté par ces deux hérésies-là.

Sacrifier Isaac au nom d’Abraham ou sacrifier Isaac au nom d’Abraham.

La solution nous est donnée par une formule qui revient très souvent dans les sources : c’est Mateh kelapei ‘Hessed. (Il incline vers le ’hessed).

Cela veut dire que l’unité des valeur est inclinée du côté de Abraham. Du point de vue de l’imagerie des Midot, nous voyons Jacob qui est au mileu d’Abraham et d’Isaac. Abraham est à droite et Isaac à gauche. Et Jacob est au milieu. Midat Ha’Hessed, Midat HaDin et Midat HaRa’hamin.

Mais la tête de Jacob est penchée vers Abraham. C’est Mateh kelapei ’hessed.

Et nous avons énormément de sources dans les Souguiot de la Guémara, la juridiction talmudique qu’on ne peut pas comrpendre sans cela. Cela veut dire : dans la juridiction formelle pure, on ne peut pas trancher, les deux valeurs sont en compétition et la Halakhah de la Torah demande de trancher du côté du ‘Hessed.  Inclination vis-à-vis du ‘Hessed : c’est le ‘Hidoush de la Torah chaque fois qu’il y a un problème insoluble d’après la législation rationnelle, romaine.

La formule de la Mishnah c’est Merouba midat tashoul e kefel

Cela se lit du point de vue des Midot : Meruba Midat Ha’Hessed méMidat HaDin. Et cela s’appelle la Midat HaRa’hamin.

C’est-à-dire que c’est une clef qui est donnée aux Dayanim. Lorsque vous avez á choisir entre deux décisions juridiques, il faut privilégier la décision par ‘Hessed à la decision par Din.

Cela va beaucoup plus loin, la Guemara Yoma dit : Jérusalem a été détruite parce qu’on appliquait Din Emet Laaamito (un jugement de vérité complétement vrai). Cela va loin : Jérusalem a été détruite parce que les juges décidaient d’après la loi ! Et non par Mateh kelapei ’hessed. Et vous savez à quel point nous sommes en grand danger de cela.

C’est le manque d’humour absolu.

Tous les problèmes de cassures en milles morceaux de cette société viennent de ce que les juges manquent d’humour.

On pourrait ici mettre en forme un enseignement im,portant à partir des sources de la Guémara pour notre temps. L’échec de la société humaine survient lorsque les juges se prennent au sérieux. C’est très grave.

 

Il y a une phrase un Passouk de de la Torah (Devarim 25:1) qui dit :

וְהִצְדִּיקוּ, אֶת-הַצַּדִּיק, וְהִרְשִׁיעוּ, אֶת-הָרָשָׁע

 on déclarera innocent l'innocent, et coupable celui qui a tort.

 

C’est la fonction du juge de dire que le Tsadik est Tsadik et que le Rashâ est Rashâ. Mais si ce n’était que cela on n’aurait pas besoin de lui ! Un ordinateur aplliquerait tout aussi bien mécaniquement le code.

En réalité le Pshat dit וְהִצְדִּיקוּ, אֶת-הַצַּדִּיק ils justifieront le Tsadik.

Cela veut dire qu’il ne s’agit pas de condmaner mais de rendre juste. Ils rendront Tsadik le Tsadik et ils rendront Rashâ le Rashâ. Aujourd’hui que fait-on ? On accuse !

C’est la grande différence. Ce n’est pas le métier du juge d’accuser. Le métier du juge c’est de rendre Tsadik : de justifier dans le sens étymologique.

Et on arrive à ces situations où le droit est satisfait mais pas la justice (morale). On bascule dans la mentalité romaine tout simplement. Ce n’est pas par hasard que ce sont les scoiété de droit romain qui sont les sociétés les plus injustes. C’est un grave problème et il faut bien le comprendre.

 

Je reviens à la Guémara d’où j’étais parti:

Jérusalem a été détrite parce qu’oin jugeait Din Emet Laamito (un jugement de vérité complétement vrai). Les juges sont devenus des mécaniques du jugement.  

 

Au fond on a déjà la réponse à l’expression « Akédat Its’haq ».

Si Isaac est omnté sur l’autel dans l’impétuosité de la Midat HaDin. Il en est redescendu avec un Midat HaDin adoucie. Voilà ce qui s’est passé au Har HaMoriah et ce n’est pas du tout qu’un père voulait tuer son fils parce que Dieu l’aurait demandé ! Cela c’est du paganisme d’idolâtres extérieur à la Torah. J’espère vous l’avoir montrer très clairement.

 

Mais avec toutes ces dimensions dont nous avons parlé avec le Midrash précédemement, imaginez à quel point nous devons faire effort de purification de toute cette fausse mentalité biblique qui s’est imprégnée des mythes chrétiens. Puisque finalement le christianisme a pour objectif de nous faire vivre le sacrifice d’Isaac. Notre histoire c’est cela vis-à-vis du chrisitianisme. Nous sommes le peuple du Siegneur tant qu’oin vit le sacrifice d’Isaac. Dès qu’on sort de ce cadrede la mentalité païenne – les psy savent à quel point il s’agit de conduites névrotiques.  

Leur mythe c’est le sacrifice de Isaac pleinement réussi. Et ils nous font vivre cette histoire.

Et ne sont pas contents quand on en veut pas la vivre : cela dérange leur confort spirituel...

 

Il faut bien comprendre que c’est un danger lorsque la piété juive elle-même risque de basculer là-dedans, et de croire que c’est là le rôle d’Israël d’être la victime expiatoire de l’humanité alors que c’est un mythe païen qui nous est raconté. Le texte de la Akedat Its’haq n’a rien à voir avec cela.

 

Je dirais si j’osais – c’est un thème trop énorme pour en parler en 4 phrases - que ce récit de la Akedat Its’haq c’est l’anti-oedipe. Chez les Goyim le fils tue son père. Le récit de la Torah nous montre que chez les Hébreux le père ne tue pas son fils. S’il y avait une tentation hébraïque ce n’est pas l’Oedipe. C’est celle du juif assimilé mais pas celle du Juif de la Torah. La tentation

Hébraïque serait de subjuguer et réprimer l’impétuosité de la Midat HaDin qui apparait dans le sosie du père qu’est le fils adolescent. Mais la tentation, le vertige serait de tuer le fils. Ce serait la piété par excellence.

Alors que le récit nous raconte que le père ne tue pas son fils, contrairement à l’Oedipe ou le fils tue son père. On ne peut pas faire entrer l’âme juive, ou la psyché juive comme diraient les Grecs, là-dedans. 

 

La première fois où j’ai eu cette éclairage c’est par l’auteur Choupak qui a étudié ces choses-là à Strasbourg, la première fois qu’il en a parlé. Je crois que cela mériterait d’être mis en forme pour mettre un point final à l’utilisation du thème de l’Oedipe par les auteurs juifs contemporains qui cherchent cela dans la société juive. Cela peut se trouver à la rigueur dans une société juive de type hellénisante chez les Juifs.

 

Mais le véritable probléme de la vie psychique chez les Juifs c’est celui de la Akedat Its’haq.

Il s’agit d’empêcher l’échec de l’unité des valeurs. Il faut d’abord installer la Midat Ha’Hessed, ensuite installer la Midat HaDin, mais empêcher que la Midat HaDin supprime la Midat Ha’Hessed. Pour cela la solution hébraïque c’est d’atténuer la Midat HaDin. Sinon on va oublier la Midat Ha’Hessed.

 

C’est au fond pour arriver à la Kavanah de la prière dans la liturgie même de Rosh hashanah : ce qu’on demande à Dieu c’est de réaliser cela même dans les valeurs d’en-haut. Cela veut dire de ligoter la Midat HaDin d’en-haut comme la Midat HaDin d’en-bas l’a été par Abraham. Ce n’est pas plus compliqué comme Kavanah. C’est la que réside l’appel au Zekhout (mérite) de Akédat Its’haq. Fais pour nous ce que nous avons fait.


 

.../...
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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 09:35

***

Q : …

R : On revient sur la même question. Rashi cite un certain nombre de Midrashim parmi d’autre. La quesiton du Midrash c’est que :  Vayéhi A’harei HaDevarim haEleh « Et il arriva après ces paroles... » [Gn. 22:1:  וַיְהִי, אַחַר הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, וְהָאֱלֹהִים, נִסָּה אֶת-אַבְרָהָם ]

Le sens habituel c’est « Il arriva après les événements précédents... »

Une indication du Midrash dit qu’il faut lire « Méa’horei HaDevarim HaEleh.  Et il arriva que ce qui était impliqué dans les événements précédents doit être mis en évidence dans une épreuve pour voir de quoi il s’agit vraiment.

 

Un des Midrashim dit que le Satan conteste le choix par Dieu d’Abraham en disant : « Hazaken hazeh ce vieillard tu lui a donné un fils, il a fêté à l’âge de son seuvrage et abattu des troupeaux entiers pour ses invités mais rien pour Toi ? » Et Dieu répond : « Tout cela il l’a fait pour Its’haq mais si Je lui demande Its’haq en sacrifice il Me le donnera »

 

Pour bien comprendre la cohérence de ce Midrash : où est l’épreuve ?

Où est l’épreuve ? Il faut que Abraham fasse la preuve qu’il est Tsadik !

Vous voyez que cela répond à la tentation qu’ont les Goyim lorsqu’ils parlent de cette histoire en disant que le choix d’Abraham a été gratuit. Il faut qu’Abraham le justifie en en faisant la preuve.

 

Nous savons d’autre part que le choix d’Abraham n’est pas gratuit. C’est une autre étude qui vient avec les textes précédents le nôtre. Abraham n’est pas n’importe qui ! Si la Torah nous dit de façon circonstanciée depuis Adam Harishon d’où vient Abraham c’est pour nous faire comprendre pourquoi c’est Abraham qui a été choisi.

 

L’approche des Goyim de ce récit consiste au contraire à fonder la notion de choix arbitraire de la grâce absolue de celui que Dieu choisit. Or, le récit de la Torah dément cela : il y a des raisons pour lesquelles Abraham est choisi. Et c’est pourquoi la Torah nous donne une très longue préface de la carte d’identité d’Abraham pour nous dire qui est Abraham. Cela ne signifie pas qu’Abraham ne doit pas justifier l’identité qu’il a en potentiel, d’où ces 10 épreuves dont nous avons parlé. Il faut qu’Abraham fasse la preuve qu’il est bien Abraham, mais il n’y a qu’Abraham qui peut être choisi.

 

Et donc la contestation est de dire qu’il y a une espèce d’injustice à priori. On peut élargir d’ailleurs la formule de cette constestation qui consiste à dire: pourquoi « asher ba’har banou » ? Pourquoi ce choix gratuit de ce peuple plutôt qu’un autre ?

 

On retrouve d’ailleurs cela dans un Midrash qui fait parler Ishmaël se déclarant véritable aîné et véritable fils d’Abraham, car Isaac a eu sa circoncision à 8 jours sans mérite alors que lui c’est adulte à 13 ans...

 

Ce sont les deux contestations des religions bibliques qui affirme qu’il n’y a pas de mérite à l’élection d’Israël et que le mérite selon l’esprit va à ceux qui ont par eux-même accepté la parole de Dieu alors qu’elle est imposée à Israël. Alors il faut faire cette preuve.

 

Je reviens sur ce point précis : Le Satan réclame qu’Abraham fasse la preuve qu’il est au moins capable de la piété des Goyim.

Alors semble-t’il tout s’enclenche : Abraham est tenté de faire la preuve qu’il est capable de cette piété suprême qu’on trouve chez les Goyim : le premier né est offert en sacrifice en l’honneur de la divinité.

 

On pourrait se demander, revenu à ce stade culturel, où est le mérite d’un tel sacrifice ? C’était cela le sacrifice religieux banal chez les Goyim : offrir le 1er né en sacrifice !

Vous vous rappelez ce que disent les historiens des religions à ce propos.

 

De la même manière on pourrait se demander où est le mérite de la foi d’Abraham quand Dieu lui promet d’avoir un enfant ? Avoir un enfant c’est banal ! 

Donc c’est que les choses ne sont pas si simples…

 

Abraham si j’ose dire est tenté de conduire cette épreuve selon la « Halakhah » en usage pendant ce temps-là. Lorsque Dieu demande « Lehaalot Olah » il comprend « Halakhah leMaasseh : laassot olah », mais ce n’est pas ce que Dieu a demandé.

 

Il y a un verset que je vous ai cité la dernière fois de Jérémie (3:19) qui dit :

-אֲשֶׁר לֹא צִוִּיתִי, וְלֹא עָלְתָה עַל-לִבִּי

asher lo tsiviti vélo âltah al libi

…Que je n’ai pas ordonné et qui ne m’est jamais venu à l’esprit

 

Vous êtes en train de sacrifier vos enfants en croyant que c’est ce que j’ai demandé à Abraham » dit Rashi. Et je ne vous ai jamais demandé cela.

Regardez bien le texte c’est ce que Malbim souligne: « Lehaalot Olah » et non pas : laassot olah !

 

L’explication que je voulais vous citer est la suivante :

Abraham est ici interpellé : es-tu capable d’être pieux au moins à la manière des Goyim ?

C’est un sujet qu’on pourrait étudier pour lui-même. Il comporte deux dimensions qui me semblent importante, au moins à signaler:

Précisément la tentation des Juifs de conduire leur culte à la manière de celui des Goyim. Je ne veux pas dire que c’est pour faire cette prueve-là qu’ils font cela comme ça, mais on pourrait le mettre en évidence.  Et deuxièmement l’interpellation des Goyim eux-mêmes qui nous accusent – rappelez-vous les historiens romains - d’être le peuple le plus athée de la terre. Il faut dire d’ailleurs que les Juifs jouent à cela.  

 

Simplement je vous citerais un comportement à la mode chez les intellectuels juifs : si être croyant c’est l’être à la manière des Goyim alors autant être athée… Vous voyez comment cela se rattache au problème…

 

C’est dire qu’il n’en reste pas moins qu’il y a une revendication des Goyim par rapport à Israël : comment se fait–il que ce peuple théophore - « porteur de Dieu » - soit un peuple athée ?

 

Il y a là une double tentation du peuple d’Israël :

-          imiter la manière des Goyim d’être devant Dieu.

-          donner aliment à cette contestation du Satan qui porte la revendication des Goyim et qui souligne l’athéisme d’Israël peuple choisi par Dieu...

 

Midrash sur le Satan :

Rabi Yohanan a dit (Sanhédrin 89b) : Après quoi est-ce arrivé que Dieu ait demandé à Abraham « prends-moi ton enfant bien-aimé et élève-le en Olah » ? Après les paroles du Satan !

 

 

Chaque fois qu’il y a un doute sur un Tsadik, le Satan est celui qui formule à voix haute ce doute-là. Pour le Midrash, le Satan ne s’occupe que des Tsadikim. C’est une surprise car chez les Goyim le Satan ne s’occupe que des Reshayim. Les Reshayim, il les a déjà, il les laisse tranquille ! Là où il y a doute, le Satan intervient. Il est l’accusateur public au tribunal céleste.

 

Q :

R : Les 9 premières épreuves sont pour éprouver Abraham pour savoir s’il est le Tsadik de la Midat Ha’Hassed. La 10ème c’est pour savoir s’il peut être le point de départ de ce peuple qui doit être Tsadik de l’unité des valeurs : « VéAmekh Koulam Tsadikim » mais « Shéma Israël Hashem Eloqeinou Hashem E’had ». Ce n’est pas que Midat Ha’Hessed ou que Midat HaDin, en résumant car il y a 13 Midot, mais le Yi’houd HaMidot.

 

Abraham doit faire la preuve qu’il est le Tsadik de la Midat Ha’Hessed. En cela il est le commencement d’Israël mais pas encore Israël.

 

Seulement, il ne peut être vraiment le Abraham d’Israël - et pas seulement le « Ibrahim » d’Ishmaël - que si étant le Tsadik de la Midat Ha’Hessed, il est capable aussi d’être Tsadik de la Midat Hadin bien que ce ne soit pas sa spécialité. Le Tsadik de la Midat HaDin doit être Its’haq.

 

On retrouve cela chez Its’haq qui va être éprouvé 9 fois pour savoir s’il est le Tsadik de la Midat HaDin, et la 10ème fois pour savoir s’il est capable d’être aussi le Tsadik de la Midat Ha’Hessed. Sinon, ils ne sont pas dirigés vers Jacob-Israël qui est l’unité des valeurs.

 

Par conséquent, cette mise à l’épreuve nous la voyons. Rashi a cité parmi les Midrashim deux d’entre eux. Parc equ’un 3ème groupe de Midrashim disent les i’hourim d’aAbraham lui-même. Les Devarim de qui ? Les Devarim d’Abraham lui-même. Les Devarim sont alors ici ceux d’Abraham lui-même. « Cette enfant que tu m’a promis c’est lui que tu me réclames ? »

 

On indexe cela au mérite des pères : ils n’ont vu que des promesses sans voir le commencement d’une réalisation. On cite pour Abraham cela. L’enfant a été promis à Abraham mais c’est l’enfant qui lui est demandé ! Il a vécu ces épreuves-là et les a surmonté.

 

Par conséquent, dire à voix haute le doute possible sur l’intégrité d’Abraham en tant que Tsadik c’est le Satan qui s’en fait le porte-parole.

 

Je continue le Midrash :

... Le Satan qui portait accusation : De tout le festin qu’Abraham a fait pour fêter son fils, il n’a pas approché de Toi ni un taureau ni un bêlier ? Dieu lui a répondu : tout cela, il ne l’a fait que pour son fils et si Je lui avait dit : « zevakhoto léfanaï sacrifie-le devant moi ! » il ne l’aurait pas empêché.

 

 Malgré le mot de Zévar qu’on a ici, je reviens au Malbim,  c’est l’épreuve d’avoir à faire la preuve qu’on est capable de ce qui est demandé mais jamais la chose en elle-même.

 

Retoruvez ici ce verset de Jérémie avec Rashi qui cite le Talmud là-bas :

-אֲשֶׁר לֹא צִוִּיתִי, וְלֹא עָלְתָה עַל-לִבִּי

asher lo tsiviti vélo âltah al libi

…Que je n’ai pas ordonné et qui ne m’est jamais venu à l’esprit

 

« une chose qui n’est pas venue à l’esprit ».

Ici, Jérémie a une prophétie de To’ha’hah, une admonestation contre tous ces Hébreux pieux de ce temps-là qui faisant comme les Goyim sacrifiaient leurs enfants au Molokh parce que c’était cela la piété.

 

Je reviens á ce que je disais :

Il y a une interpellation des Goyim vis-à-vis d’Israël dont le Satan se fait le porte-parole : faites la preuve que vous être capables d’être pieux comme nous !

 

Et les juifs se laissent prendre à ce piège... 

 

Quel est le contenu de cette contestation ?

Le contenu de la contestation porte sur l’athéisme supposé du peuple d’Israël.

Or, les juifs jouent à cela…

 

קוּם הַעֲלֵהוּ לִי לְעוֹלָה בָרָה

עַל הַר אֲשֶׁר כָּבוֹד לְךָ זוֹרֵחַ

lève-toi et érige-le en Olah pur

sur la montagne sur laquelle pour toi le Kavod brillera

 

אָמַר לְשָׂרָה כִּי חֲמוּדֵךְ יִצְחָק

Il a dit à Sarah ton fils Isaac  

גָּדַל וְלֹא לָמַד עֲבוֹדַת שַׁחַק

Il a grandi et il n’a pas appris l’adoration du ciel

 

L’idolâtrie : sha’haq est un certain niveau des cieux she’haqim עֲבוֹדַת שַׁחַק c’est l’adoration du ciel, c’est-à-dire l’idolâtrie).

Q : Sha’haq et Ist’haq ?

R : C’est un joli Midrash parce qu’une fois dans tout le Miqra, Its’haq est écrit avec la lettre Sin en place du Tsadik. C’est à ce propos-là.

 

אֵלֵךְ וְאוֹרֵהוּ אֲשֶׁר לוֹ אֵל חָק

J’irais lui révéler ce qui est la vérité de Dieu pour lui

(C’est-à-dire sa loi)

 

Le mot de ‘Haq ici est très peu employé en hébreu et il a le sens de l’expression arabe : le ‘Haq la vérité absolue – en hébreu le ‘Hoq.

 

אָמְרָה לְכָה אָדוֹן אֲבָל אַל תִּרְחַק

Elle a dit : Va mon maître mais ne t’éloigne pas

עָנָהּ יְהִי לִבֵּךְ בְּאֵל בּוֹטֵח

Il a répondu « Que ton coeur ait confiance en Dieu»

 

שָׁחַר וְהִשְׁכִּים לַהֲלֹךְ בַּבֹּקֶר

Il se réveilla de bon matin et se leva pour aller au matin

                      וּשְׁנֵי נְעָרָיו מִמְּתֵי הַשֶּׁקֶר

                      Et avec lui les 2 jeunes gens « mortels du mensonge »

 

מִמְּתֵי הַשֶּׁקֶר  Il faut toute une paraphrase pour traduire cela : Il font partie de ceux dont la vie s’arrêtera à la vie terrestre – on les appelle les Métim – mais qu’on traduit en général par les mortels – il faut entendre « ceux qui n’ont pas Olam haba », parce qu’ils ne sont pas les hommes du Emet mais les hommes du Sheqer – mimetei hasheqer : Ishmaël et Eliezer.

 

יוֹם הַשְּׁלִישִׁי נָגְעוּ אֶל חֵקֶר

Le 3ème  jour ils se sont heurtés – sont arrivés à – ‘Heqer – destination

וַיַּרְא דְּמוּת כָּבוֹד וְהוֹד וָיֶקֶר

Et (Abraham) vit l’apparence de la gloire et la magnifiscence de ce qui qui a du prix

עָמַד וְהִתְבּוֹנָן לְהִמָּשֵׁחַ

Il s’est tenu debout et a réfléchi pour commencer le rite (de la cérémonie de l’onction).

 

יָדְעוּ נְעָרָיו כִּי קְרָאָם לֵאמֹר       

Ont su les deux jeunes gens qu’ils les avait appellé pour leur dire

אוֹר הַרְאִיתֶם צָץ בְּרֹאשׁ הַר הַמֹּר
Vous avez été appellé à voir la lumière qui scintille au sommet du mont Moriah

וַיֹּאמְרוּ לֹא נֶחֱזֶה רַק מַהְמוֹר

Ils ont répondu nous ne voyons qu’un trou - un abîme.

 

Il faut lire Mahamor avec un Sheva-Pata’h.  Ce mot existe une fois dans le Tanakh dans le Psaume 140 verset 11. Il existe au pluriel sous la forme Mahamorot, avec Shéva-Pata’h. Traduit par l’abime.

Abraham veut savoir si Ishmaël et Eliezer sont capables de percevoir ce que lui Abraham et Its’haq sont capable de percevoir, c’est-à-dire la manifestation de la gloire de Dieu sur le Har HaMoriah. Ils ne voient que l’horizon...

 

.../...

suite du texte ici...

 

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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 08:38
ROSH HASHANAH - ET SHAAREI RATSON - LA LIGATURE D'ITS'HAQ

 

 

עת שערי רצון

 

 

Etude des Sli’hot qu’on appelle la Akedat Its’haq qui reprend le récit de la Akedat Its’haq dans le Marzor lui-même.

 

Je vous ai promis de vous donner une petite  biographie de l’auteur : retenez que traditionnellement on l’attribue à Judah Halévi. Les critiques historiographes contemporains en se basant sur les acrostiches de chaque paragraphe nous donnent les noms : A’him Abass Yehoudah Shmouel.

 

Indépendament de cela le Rabin Kalifa a établi qu’il s’agit quand même de la famille de Judah Halévi. Et que ce nom est celui des trois frères avec celui de Yehoudah au milieu. Donc c’est probablement de Judah Halévi lui-même, quoique d’une façon générale le style n’est pas le sien. Mais ce poème a gardé une très grande notoriété dans toutes les communautés séfardim et a été adopté dans certaines communautés ashkénazes aussi.

 

Il y a un 2ème Piyout bâti sur le même modèle poétique qui est attribué à Maïmonide et qui lui n’a pas pour thème la Aqédat Yits’haq mais la Teshouvah les jours de Yamin Noraïm. Texte un peu plus difficile.

 

 

Je vous propose d’avoir sous les yeux le texte de la Akédat Its’haq dans Bereshit.

Bereshit Parshat Vayera Chapitre 22 versets 1. Pour pouvoir se référer aux versets eux-mêmes.

Nous verrons que dans le poème le sens exact d’après la tradition du Midrash et du Talmoud est repris dans le récit.

 

 

עֵת שַׁעֲרֵי רָצוֹן לְהִפָּתֵחַ

Et Shaarei Ratson léhiPatea’h

Lorsque c’est le temps pour les portes de la bienveillance le bon vouloir

 

Celui qui demande l’ouverture des Shaarei Ratson demande à être agréé dans sa prière :

 

יוֹם אֶהְיֶה כַפַּי לְאֵל שׁוֹטֵחַ

Yom ehyeh khapaï ...

Au jour où je serais tendant mes paumes vers Dieu

 

Il y a donc un moment privilégié dans le temps de Rosh hashana et dans le temps de Kipour, où dans le temps qui est visé ici, les Shaarei Ratson s’ouvrent.

Il y a ‘Hamishim Shaarim 50 portes différentes et l’une de ces portes entre notre monde et les mondes supérieurs est Shaarei Ratson.

 

Certains textes du Talmud déjà font allusion à cette notion qu’entre les mondes supérieurs et nous, il y a des Shaarim qui s’ouvrent ou qui se ferment suivant l’ordre du mérite.

 

Par exemple une Guémarah célébre [Baba Metsiah 59a – Brakhot 32b] dit :

Rabi Eleazar : « Depuis que le Beit hamiqdash a été détruit les portes de la prières ont été vérouillées, Comme le dit le verset Lamentations 3 :8 : "Même si tu cries, je n’entends pas ; ta prière est fermée." Mais les portes des larmes n’ont pas été fermées. Psaume 31
"Ecoute ma voix, Dieu, et entends ma plainte. Ne te rends pas sourd à mes larmes." »

 

La prière entraine très souvent les pleurs ou l’envie de le faire.

On raconte d’un grand ‘Hassid, le Tsadik de la communauté qui n’arrivait pas le soir de Kol Nidrei à commencer la Tfilah. Et la communauté s’impatientait. Et il annonce son incapacité car les Shaarei Tefilah sont fermées... Il leur dit : Allez dans la villes me chercher 10 brigands juifs.  

Ils les a mis autour de la Tévah et il a commencé la Tefilah qui est montée. On lui a ensuite demander des explications. Il a répondu : les portes étaient vérouillées, j’ai utilisé ceux dont c’est la spécialité d’ouvrir les portes en les forçant.

 

Et Shaarei Ratson léhiPatea’h

Pour Rosh Hashanah, ce moment est aprés la lecture de la Torah. C’est le moment du commencement du Moussaf. Après la lecture de la Torah et avant Bat Kehat Shofar qui est entre Sha’harit et Moussaf. Et pour le jour de Kipour c’est le moment de Min’hah.

 

D’après la tradition de la Kaballah, le Zohar en particulier, la Akédat Its’haq a eu lieu le jour de Kipour. Si nous avons le temps je reprendrais le compte du calendrier pour l’indiquer.

Je reprends la lecture :

 

Et Shaarei Ratson Léhipatea’h

Lorsque c’est le temps pour les portes de la bienveillance - shaarei ratson

Le jour oú je serais tendant mes paumes vers Dieu

 

אָנָּא זְכֹר נָא לִי בְּיוֹם הוֹכֵחַ

Ana zakhar na li beyom tokha’ha

De grâce rapelle le souvenir pour moi le jour de la To’ha’hah

 

Le jour de la réprimande, admonestation, le jour du jugement, le jour où il faut faire la preuve, le jour d’interpellation de réprimande...

 

עוֹקֵד וְהַנֶּעְקָד וְהַמִּזְבֵּחַ

de celui qui a attaché, celui qui a été attaché et l’autel sur lequel cela s’est passé

 

C’est le sens de Akedat Its’haq, le fait que Its’haq a été attaché sur l’autel - Laaqod                     

C’est-à-dire trois moment ou trois facteurs Oqed - HaNééqad - HaMizbea’h

Il y a 3 niveaux du mérite de la sainteté auxquels il est fait allusion.

C’est le refrain.

 

Nous avons déjà un peu parlé de ce thème la semaine derniére : le jour où nous sommes interpellés par la Midat Hadin nous demandons que le Zekhout du Tsadik de l’épreuve de la Midat HaDin soit rappellé en faveur d’Israël, en protection pour Israël.

   

Nous aurons à étudier après la lecture du texte le 1er thème indiqué par ce verbe Laaqod, ce qui s’est passé dans cette Akédah. Ce sera la premiére étude.

 

A la fin, l’allusion est ici que  Abraham a été éprouvé 10 fois. C’est une Mishnah du 6ème chapitre des Pirqey Avot. Et la dernière des 10 épreuves est celle de Akédat its’haq.

 

בָּאַחֲרִית נֻסָּה בְּסוֹף הַעְשָׂרָה

A la fin a été éprouvé à la fin des 10 (épreuves)

                      הַבֵּן אֲשֶׁר נוֹלַד לְךָ מִשָּׂרָה

                      Le fils qui t’a été enfanté de Sarah…

                      אִם נַפְשְׁךָ בוֹ עַד מְאֹד נִקְשָׁרָה

 

Cela renvoit au fait que très longtemps Abraham a hésité de comprendre, de savoir, que le fils promis dans la promesse de fécondité de sa postérité serait Ishmaël ou Its’haq. Cela se réfère au 2ème verset dans le ‘Houmash - Bereshit Vayera 22 :2

וַיֹּאמֶר קַח-נָא אֶת-בִּנְךָ אֶת-יְחִידְךָ אֲשֶׁר-אָהַבְתָּ, אֶת-יִצְחָק

, וְלֶךְ-לְךָ, אֶל-אֶרֶץ הַמֹּרִיָּה; וְהַעֲלֵהוּ שָׁם, לְעֹלָה, עַל אַחַד הֶהָרִים, אֲשֶׁר אֹמַר אֵלֶיךָ

Vayomer kach-na et-bincha et-yechidecha asher-ahavta et-Yitschak

velech-lecha el-erets haMoriah veha'alehu sham le'olah al achad heharim asher omar eleycha

(Dieu) dit : prend stp ton fils ton unique celui que tu aimes Isaac...

 

Regardez la progression : le Midrash nous dit qu’il fallait que Abraham se prépare d’étape en étape à l’épreuve elle-même, d’avoir à rendre à Celui qui lui avait donné Its’haq lui-même. Mais à travers même ce Midrash nous voyons qu’il y a les différents critères de sélection pour arriver à Its’haq.

 

Je cite le Midrash :

Quand Dieu lui demande :

-          « ton fils ! » Il répond : - « lequel ? les 2 sont mes fils !»

-          « ton unique ! » – « les 2 sont uniques pour leur mère ! »

-          « celui que tu aimes ! » – « les 2 je les aime ! »

-          et « Its’haq » – c’est le niveau final.

 

Donc on retrouve ici l’atmosphère de cet enseignement.

 

                      הַבֵּן אֲשֶׁר נוֹלַד לְךָ מִשָּׂרָה

                      Le fils qui t’a été enfanté de Sarah…

 

Et là il y aurait à reprendre la différence d’identité entre ces deux lignées, toutes deux ayant pour principe le même Tsadik Abraham. L’une qui va aboutir à Ishmaël et l’autre qui continue l’histoire des Toladot, à travers Its’haq.

 

Vous voyez donc que la forme même qui nous est donnée dans le texte est très directement reliée à l’enseignement traditionnel. Ce nest pas une information stam.

 

                      אִם נַפְשְׁךָ בוֹ עַד מְאֹד נִקְשָׁרָה    

                      Im Nefshkha bo ad meod niqsharah

Bien que ton Nefesh est très liée à lui… 

 

« Im » a ici le sens de Bien que comme souvent dans le Miqra.

L’expression est prise dans l’un des récits de l’histoire des patriarches mais pas d’Abraham. C’est avec Yaaqov pour Benyamin: Venafsho kshurah venafsho.

Le Nefesh du fils est attaché au Nefesh du père.

C’était lorsque Judah plaide pour que Joseph ne fasse pas descendre Binyamin d’Erets Knaan en disant :

 

Vayigash 44 : 30

וְעַתָּה, כְּבֹאִי אֶל-עַבְדְּךָ אָבִי, וְהַנַּעַר, אֵינֶנּוּ אִתָּנוּ; וְנַפְשׁוֹ, קְשׁוּרָה בְנַפְשׁוֹ.

Ve'atah kevo'i el-avdecha avi vehana'ar eynenu itanu venafsho kshurah venafsho.

(C’est Judah qui dit à Joseph :) 

Et maintenant, en retournant chez ton serviteur, mon père, nous ne serions point accompagnés du jeune homme et son Nefesh est attaché à son Nefesh !

 

Cela veut dire : Si Jacob voit que Binyamin n’est plus là, il risque d’en mourir. La fin de Biniamin serait la fin de Jacob.

 

Avant de voir ici le lien qu’il y a ici entre le Nefesh de Yts’haq et le Nefesh de Abraham, nous avions appris à propos de Yaaqov et Benyamin que Benyamin représente la dernière chance d’Israël. L’expression venafsho kshurah venafsho n’est donc pas une information Stam des liens affectifs qui les lient et dont on voit ces implications littéraires auxquelles elle pourrait donner lieu, mais c’est que Benyamin représente la dernière chance d’Israël. Si Benyamin disparait, il n’y a plus d’Israël ! Le Nefesh de Jacob dépend du Nefesh de Benyamin.

 

Et cela jour un très grand rôle ensuite dans la lutte des deux tendances messianiques dans l’histoire d’Israël, celle qui va du côté de Joseph et celle qui va du côté de Judah : c’est là où se trouve Benyamin que passe l’avenir messianique de l’histoire d’Israël…

 

Alors, nous avons le même problème ici :    

 

                      אִם נַפְשְׁךָ בוֹ עַד מְאֹד נִקְשָׁרָה    

                      Im Nefshkha bo ad meod niqsharah

Bien que ton Nefesh est trés liée à lui… 

 

Bien que ton Nefesh est très liée à celle de Its’haq, mets-la en question dans cette épreuve.  Cela veut que si Its’haq ne continue pas l’identité d’Abraham, Abraham disparait. Parce que Abraham est la première étape de l’identité d’Israël.  Si elle ne mène pas à l’identité Its’haq la Bible n’aurait jamais parlé d’un Abraham qui aurait engendré Ishmaël. Elle n’en parle que parce que les engendrements ont abouti jusqu’à Israël. Et donc le Nefesh d’Abraham est lié - Qshourah - au Nefesh de Its’haq. Cela veut dire que la mise en question d’Its’haq met en question Abraham.

Vous voyez ce qu’il y a soujacent dans l’expression.

 

Pourquoi la Torah nous raconte-t’elle l’histoire d’Abraham ? Parce qu’elle devait raconter l’histoire de Its’haq ! Et pourquoi raconte-t’elle l’histoire de Its’haq ? Parce qu’elle devait raconter l’histoire de Jacob...

 

L’histoire d’Abraham nous est racontée comme une préface préhistoire de l’histoire de Jacob qui est Israël. Alors un Abraham qui aurait donné Ishmaël et non pas Its’haq aurait disparu du récit. Il aurait été dans un quelconque Midrash des Toladot qui auraient repris à un certain moment pour donner un Israël vraiment. Le Tsadik de la Midat Ha’Hessed qui n’aurait pas donné le Tsadik de la Midat HaDin - Abraham–Yits’haq - n’aurait pas été raconté par la Torah comme quelque chose d’exceptionnelle. Il y aurait eu un Remez à propos des Tsadikim depuis Adam Harishon...

 

Au même titre que nous savons par les Midrashim qu’il y a aussi eu des Tsadikim, des ‘Hassidim, des Neviim, mais qui n’ont pas fait partie de la lignées des Toladot qui ont mené à Israël.

 

Je vais vous dire comment le Midrash exprime ce même thème : Cela veut dire que la gravité de l’épreuve c’est qu’il s’agit de rendre à Dieu ce fils de la promesse qui a été si difficile à engendrer et à mettre au monde. A la limite, il y a le fait que cela annule par l’absurde tout l’enthousiasme de sainteté qu’il y a eu jusque-là. L’énorme capacité de fidélité d’Abraham à la promesse de Dieu va s’annuler dans cette épreuve-là. Cet enfant que Tu m’as promis Tu me le redemande en sacrifice ? Par conséquent, cela annule dans l’absurde tout ce qui s’est passé auparavant.

 

Après nous verrons la logique et la cohérence de cette mise à l’épreuve.

 

קוּם הַעֲלֵהוּ לִי לְעוֹלָה בָרָה

                      Lève-toi et érige-le en Olah (holocauste sacrifice qui tout entier brûlé et monte) pur

                     

Ici l’auteur a tenu compte d’un enseignement que va reprendre le Malbim en nous disant dans le Pshat du verset de Bereshit Vayera 22:2 :

 

וַיֹּאמֶר קַח-נָא אֶת-בִּנְךָ אֶת-יְחִידְךָ אֲשֶׁר-אָהַבְתָּ, אֶת-יִצְחָק

, וְלֶךְ-לְךָ, אֶל-אֶרֶץ הַמֹּרִיָּה; וְהַעֲלֵהוּ שָׁם, לְעֹלָה, עַל אַחַד הֶהָרִים, אֲשֶׁר אֹמַר אֵלֶיךָ

Vayomer kach-na et-bincha et-yechidecha asher-ahavta et-Yitschak

velech-lecha el-erets haMoriah veha'alehu sham le'olah al achad heharim asher omar eleycha

(Dieu) dit : prend stp ton fils ton unique celui que tu aimes Isaac...

veha'alehu sham le'olah Littéralement : Fais le monter en Olah

 

Il n’est pas du tout indiqué qu’il doit y avoir sacrifice dans le sens de She’hitah. Pourquoi ? Parce que l’expression du Miqra pour dire le sacrifice de Olah c’est Laassot Olah et non pas comme ici Léhaalot Olah. Faire monter en Olah.

 

Par conséquent, dès le début nous sommes avertis qu’il se passe là quelque chose d’autre que le fait de répondre à cette interpellation d’ « assomption » n’a pas à se faire par un sacrifice. Cela c’est la Haslakhah de ce temps-là si j’ose dire. C’est la coûtume de ce temps-là que pour offrir son fils à Dieu on l’égorgeait. Ce n’est pas cela qui est forcément demander par le verset qui aurait précisé : « Assoh Olah tu le feras Olah » et non pas « tu le feras monter en Olah ».

 

Un Midrash explique qu’il fallait l’envoyer à la Yeshivah, c’était là l’holocauste…

D’ailleurs on sait qu’à la fin de la Aqédah, Isaac va passer 12 ans à la Yeshivah de Shem et Ever...

 

קוּם הַעֲלֵהוּ לִי לְעוֹלָה בָרָה

 

On voit l’intervention du Midrash qui nous dit que Dieu avait d’une certaine manière besoin d’Abraham :  Vayomer kach-na prends-le je t’en prie-aide-moi  dit Rashi en citant le Midrash.

Dieu avait besoin qu’Abraham démontre par son témoignage qu’il était capable aussi de la religiosité des Goyim. Parce que la grande contestation du Satan en haut c’est de comparer Israël aux païens. Alors il faut faire la preuve de la capacité d’être religieux comme les Goyim. Alors qu’il nous faut aussi faire la preuve d’être capable de l’être mais sans l’être.

 

Le Satan dirait : « Les Goyim te construisent des cathédrales, mais Tes Juifs en sont incapables ? » Alors les Juifs doivent faire la preuve qu’ils sont capables de construire des grandes synagogues. Mais de ne pas aller y prier...


.../...
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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 13:23
Naissance d’Isthaq création du monde et Roshashanah (1987)

 

Face B - Durée : 33,0 minutes

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/la_naisance_d_isaac_et_la_creation_du_monde/cours_1

 

 

 

…/…

Il y a donc à la création du monde une impossibilité et il faut donc une alliance entre Dieu caché et l’homme pour construire un monde vrai, parce qu’un monde sans Dieu n’est pas un monde.

 

Le Rav Na’hman de Braslav disait qu’un monde sans Shekhinah n’est pas un monde mais un Guéhinam.

 

Selon l’expression du Talmud : à partir du moment où le monde fonctionne comme la nature, le Talmud (Avodah Zarah 54b): définit le déterminisme naturel par l’expression : Olam KeMinhago Noheg. (le monde poursuit sa nature normale) Le Minhag haolam. 

 

Le Midrash a déjà indiqué que les lettres du mot Minhag sont les mêmes que celles du mot Guéhinam. Cela veut dire le monde de Olam keminhaguo nohég zeh guéhinam.

 

De la même manière un monde sans l’homme n’est pas un monde : la preuve c’est que Dieu a voulu que l’homme habite le monde. Enfin Dieu sait pourquoi un monde sans l’homme n’est pas un monde. Et nous avons des sources à ce sujet : « Dieu a décidé qu’il préférait être dans les mondes d’en-bas et non dans les mondes d’en-haut » Dans les mondes d’en-hautil n’y a pas d’homme, et sans l’homme on s’ennuit, dans les mondes d’en-bas, il y a l’homme et aussi le mal....etc.

 

Voilà donc le problème.

Il faut donc une alliance pour pouvoir créer le monde, parce que l’existence du monde est une impossibilité. Et on pressent déjà que le thème de « Bereshit bara Elohim et hashamayim veet haarets » et le thème de « véhashem paked et Sarah » (Bereshit 21:1) ont le même contenu.

 

J’en arrive au 2ème volet de la comparaison :

Nous avons une telle familiarité avec les naissances d’enfants qu’on ne se rend plus compte qu’à chaque fois c’est le même problème qu’avec la naissance d’Isaac.

 

Seulement, la Torah nous a raconté  la naissance d’Isaac pour nous faire comprendre toute naissance. En principe à priori, toute naissance est aussi impossible que la naissance d’Isaac. Le commencement du monde d’un homme, le commencement de l’histoire d’un homme, pose le même problème que Briat HaOlam: il n’y avait rien et subitement il y a.

 

Nous sommes familiers à la signification traditionnelle du problème, il y a un passage très célebre de Descartes à ce sujet, mais nous l’expliquerons selon notre propre sensiblité : il est bien évident que si on croit qu’un homme, c’est son corps on ne comprend rien à ce problème.

 

On ne verra pas une création ex-nihilo Yesh meayin mais uniquement que ce sont les parents qui ont collaboré à fabriquer un corps qui est ce qu’il est selon sa carte d’identité génétique...etc.

Mais il est bien évident qu’un homme n’est pas son corps. A partir de là, il est bien évident qu’il s’agit d’une création ex-nihilo.         

Il y a expérience au niveau pratique lorsque l’on a un enfant et qu’on devient à son tour père et surtout mére. On sait très bien que quelqu’un apparait-là qui n’était pas là. On le comprend d’autant mieux comme grand-père ou grand-mère. Parce que jusque-là on a l’impression de jouer à la poupée. C’est là que cela commence à devenir sérieux. Et ce quelqu’un qui vient vient avec son monde tout entier et se fiche éperdument de sa préhistoire.

 

Donc c’est la même réalité : l’une au niveau de l’histoire du Olam et l’autre au niveau de l’histoire du Adam.

 

J’espère vous avoir donner suffisamments d’indications pour avoir des éléments de réponse à notre question:

Pourquoi à Rosh hashanah, commence-t’on par la naissance d’Isaac au lieu du Maasséh Bereshit ?

 

*****

 

Des questions ?

Comme dit la Gémarah, ne pas poser ses questions quand il faut les poser, cela s’appelle Guézel !

 

Q : Sur le verset : « Eleh toldot hashamayim vé haarets béhibéaream » quelqu’un a dit béAbraham,

R : C’est le Midrash.

Q : ... Abraham alors qu’ici c’est Its’haq ?

R : Je répond très rapidement : La réponse est dans le mot Toldot : les Toldot ce n’est pas Abraham. Le mot n’apparait vraiment dans la Torah qu’à partir de Isaac. Aussi avec Noa’h mais la Parashah de Noa’h s’appelle Noa’h et pas Toldot.

Je vous rappelle le ‘Hidoush que l’on a étudié à ce sujet qui est très joli. Je vous lis le verset:

Gn. 6:9:

אֵלֶּה תּוֹלְדֹת נֹחַ--נֹחַ אִישׁ צַדִּיק תָּמִים הָיָה, בְּדֹרֹתָיו

אֶת-הָאֱלֹהִים, הִתְהַלֶּךְ-נֹחַ.

Eleh toldot Noa’h Noa’h ish tsadiq tamim hayah bédorotav

Et Elohim Hitehalekh Noa’h

 

Le ’Hidoush en question dit ceci:

נֹחַ אֵלֶּה תּוֹלְדֹת נֹחַ

Eleh toldot Noa’h Noa’h. Nekouda.

Cela veut dire : voilà les Toldot de Noa’h : c’est Noa’h ! Cela veut dire qu’il se multiplie par copie plus ou moins conforme, on les appelle les Bnei Noa’h. Et ce ne sont pas les véritables engendrements les Toldot vraiment. C’est de la multiplicaiton démultiplicaiton, la machine à photocopier. Des duplicata…

Alors la Massoret a indiquée cela de façon très claire.

On aurait du dire Parshat Toldot, mais elle la nomme Parshat Noa’h et non Parshat Toldot.

 

La Parashat Toldot c’est Its’haq ben Abraham. On est en plein dans le sujet.

Je ne reprends pas l’analyse de Behibaréam - BéHé Baréam : Al tiqré béhibaréam elav béAbraham : Ne lit pas behibaréam mais BéAbraham.

Mais simplement très rapidement : tout le problème tourne autour de cette lettre Hé écrite en petit dans le verset. Sans le petit Hé là, il faudrait lire « Eleh toldot hashamayim vé haarets béboram ».  Béboram c’est le transitif. Le sujet c’est le Créateur seul. Tant qu’Abraham s’appelait Abram il y avait écrit « beboram » Seul Dieu est sujet de la Création. Dès qu’Abraham apparait il y a Béhibaréam, et le mérite est déjà aussi du côté de la créature.

Béhibaréam est un mode verbal dénommé « nifral » où l’objet collabore comme sujet avec le sujet.

Béhibaréam => par le fait d’avoir été créé mais le sujet c’est le créature.   

Béborham => par le fait de les avoir créé mais le sujet c’est le Créateur.

 

Exemple : L’expression traditionnelle talmudique est « Min briato shel olam »   on ne dit pas « briat haolam » (le sujet c’est Dieu qui a créé) cela vient du olam : briato shel olam.

 

***

 

Je reprends l’analyse :

Le théme du la création du monde et de la naissance d’Isaac sont identiques à deux niveaux différents. Il y a autant d’impossibilité c’est vraiment Briah Yesh Mi Ayin. Et c’est là qu’on comprend comment l’analogie s’exprime au niveau de la Midat HaDin : Puisque le monde doit être justifié à postériori d’avoir été créé, c’est la Midat HaDin qui préside à la création :

« Bereshit Bara Elohim ».

 

Nous avons la Midah opposée : « VéHashem Paked et Sarah » mais là, la Pkidah, c’est au nom de Hashem, la Lédah c’est au nom de Elohim. Vous voyez la différence, la Midat HaDin.  

 

Q: Pourtant le verset « Olam ‘Hessed Libané » ?

R: Il y a un verset qui dit « Olam ‘Hessed Libané » « le monde est construit par ‘Hessed ». ‘Hessed c’est la Midah de grâce, de charité. Cela veut dire qui ne réclame pas de mérite. Exactement à l’opposé de la Midat HaDin : il faut rendre compte, payer et c’est justifié à postériori. C’est l’histoire du Tikoun Haolam qui commence par ce verset. « Olam ‘Hessed Libané » C’est ce qu’on appelle dans la Qabalah : Binian HaOlam. Davka ! Le Binian haolam commence par ‘Hessed.

Briat HaOlam c’est plus haut et provient de Binah. La Briat HaOlam c’est par la Midat hadin. Et le Tikoun HaOlam commence par Midat ‘Hessed.

Vous l’avez dans les mot :   Olam ‘Hessed Libané  c’est le Tiqoun HaOlam, le Binian HaOlam.

Briat haOlam, c’est Midat haDin

Le Shoresh de la Briah c’est dans le Olam HaBriah qui est le Shoresh de la Midat HaDin.

Alors que le Shoresh du Tikoun HaOlam est beaucoup plus haut que Briah, c’est ‘Hessed Elyon qui est avant Keter, c’est-à-dire beaucoup plus haut. Dans la Maharshavah, Koulo ‘Hessed, dans le Maasséh Midat HaDin, mais le Tikoun commence par ‘Hessed.

 

Nous avons là un exemple très important du point de vue de l’étude : il faut étudier la question dans les termes même où elle est posée. La réponse est finalement très simple : c’est la différence entre Briat HaOlam et Binian HaOlam. Binian HaOlam ce n’est pas Briah, c’est Tikoun HaOlam.

 

Le verset dit:  

Vayomer Elohim Yéehi Or                     =>  ‘Hessed

Vayhi Or                                                 => Gevourah

Vayar Elohim Et-HaOr Ki-Tov              => Tiferet

Vayavdel Elohim Beyn Ha'Or                => Netsa’h

Ouvein ha’hoshekh                                 => Hod

(Vayikra Elohim La-Or Yom Vela’hoshekh Kara Laylah)

Vayhi Erev                                               => Yessod

Vayhi Voqer                                             => Malkhout

tout cela c’est Yom E’had

Mais cela c’est le Tikoun HaOolam et non pas le Briat HaOlam.

La conséquence de Briat haolam c’est Tohou Vavouhou

Le Tikoun HaOlam commence par Vayomer Elohim Yéhi Or. 

Alors le Tikoun HaOlam commence par Abraham, mais le Shoresh de Briat HaOlam c’est Davka  Its’haq -  Midat HaDin. Puisque ‘Hessed est sous ‘Hokhmah mais que Gvourah est sous Binah.

 

***

 

Q : inaudible.

R : Abram est vraiment  en train de devenir Abraham à partir d’Abram quand il est capable de dire de sa femme qu’elle est sa soeur. C’est là que Its’haq peut naître. Ce n’est pas la littérature occidentale du couple qui engendre et le dialogue fécond, cela c’est de la philosophie. Mais il faut d’abord construire la Briah authentique du point de vue morale.  

Je vous rappelle le thème en question : Tant que lui ne peut pas lui dire à elle « tu es ma soeur », elle ne peut pas enfanter. On ne s’occupe pas ici de la reproduction à l’identique. On s’occupe des Toladot qui doivent mener au Mashia’h. Alors tant qu’on n’arrive pas à ce niveau de progrès dans son identité, l’enfantement est arrêté. 

 

C’est Jacob qui dévoile cela à Ra’hel quand il dit [Gn. 30:2]:

וַיֹּאמֶר, הֲתַחַת אֱלֹהִים אָנֹכִי, אֲשֶׁר-מָנַע מִמֵּךְ, פְּרִי-בָטֶן

Hata’hat Elohim Anokhi Asher-mana mimekh pri-vaten.

Suis-je à la place de Dieu qui t’a empêché d’enfanter ?

 

Cela veut dire que c’est Dieu qui empêche l’enfantement tant qu’il risque d’être un brouillon d’approximation. C’est la différence entre Ishmaël et Its’haq. Ishmaël n’est pas Its’haq parcq u’il est une approximation. Pour engendrer l’approximation, n’importe quelle princesse suffit. Hagar d’après le Midrash est la femme du Pharaon. En terme de société, cela signifie que n’importe quelle société comme matrice de civilisation peut enfanter Ishmaël par Abraham. Abraham peut faire Ishmaël dans le monde, à travers n’importe quelle société.  Il se trouve qu’à l’époque la société fécondable c’était Mitsraïm. Alors le Midrash dit tranquilement que Hagar est fille du Pharaon. Ce n’était pas Abram qui était empêché puisqu’il pouvait avoir Ishmaël. C’est facile d’obtenir Ishmaël. C’est donc Sarah qui est empêchée, parce que tant qu’elle n’est pas au stade d’enfanter Isaac alors elle enfanterait aussi Ishmaël et ce serait la catastrophe. Imaginez qu’Ishmaël soit Israël ! D’ailleurs il ne demanderait pas mieux ! Vous voyez donc que c’est cette histoire que nous vivons.

Q : Comment Sarah est-elle arrivée au niveau ?

R : Abraham a commencé par dire « tu es ma soeur », mais il faut aussi qu’elle dise « il est mon frère ». 

 

 

***

 

Rite Sfardi : 4-5 Sli’hot prennent pour théme la Aqédat Its’haq, il y en deux très connus à Rosh hashanah et à Kipour.  Une est attribuée à Maïmonide qui est un texte difficile de grande poésie, et une autre à Judah Halevi bien qu’en principe elle est attribué à 3 frères espagnols dont on ne sait rien d’autre si ce n’est qu’ils aient écrit cela : les frères Abbass. Le Rav Kalifah de Jérusalem a établi qu’il s’agirait de Judah Halévi. C’est le texte le plus populaire en tout cas. On choisira l’une ou l’autre pour l’étudier avec le texte de la Torah.

 

***

 

Pour finir le cours on va reprendre le théme pour aller plus loin.

Je vous explique le schéma, la structure même de l’histoire de Isaac même, en tant qu’il est le Tsadik par rapport à la Midat HaDin.

 

Il ne devait pas naître et il est né, il devait mourir et il n’est pas mort.

 

Ce sont exactement nos deux Parashiot de Rosh hashanah :

ð  Sa naissance impossible c’est le théme de la création du monde, c’est un miracle dans le sens strict.    

ð  Le théme inverse avec Akedat Its’haq : il devait être « sacrifié » et puis il est sauvé.

 

Il est justifié par rapport à la Midat hadin. Celle-ci exige que je paye le prix de l’être que le Créateur, en tant que Dieu d’Abraham, m’a donné en cadeau. Il a suffit qu’il soit capable de cela pour que Dieu dise à Abraham : « maintenant Je sais ». 

 

Seulement, du point de vue du texte hébreu, malgré tout, l’épreuve est pour Abraham et pas pour Isaac. Parce que pour Isaac ce n’est pas une épreuve : il est le Tsadik de la Midat HaDin. Lorsqu’il sera éprouvé ce sera par la Midat Ha’Hessed, et il va échouer. De la même manière que lorsque Abraham est épouvé par la Midat HaDin, il risque d’échouer. Puisqu’il était prêt à le sacrifier.

Cf. les nombreux Midrashim autour de ce théme.

 

Remarquez tout simplement qu’après cette scène, la révélation à Abraham s’arrête et cela passe à la révélation à Isaac. Et même la dernière révélation où Dieu dit à Abraham « ne lui fait rien !», c’est par un Malakh et non plus directement. Il a surmonté la 10ème épreuve ; mais le trébuchement reste possible : si Dieu ne l’avait pas arrêté, il faisait un sacrifice...

Pourquoi ? Parce que ce n’est pas sa Midah. Lorsque Abraham est éprouvée il est éprouvée par la Midah opposée pour que l’unité des valeur soit prouvée. Les 9 premières épreuves adviennent pour savoir s’il est ‘Hassid.  Ce sont les épreuves de la Midat Ha’Hessed. Un fois sûr qu’il est ‘Hassid presque complétement, l’unité des valeurs réclame qu’il soit éprouvée par la Midat Hadin.

De même pour Its’haq.

 

Un verset de Jérémie dit : Abikh harishon atah oumishkha pashroubi

Les commentateurs disent : Abikh harishon c’est Abraham : je n’ai pas dit de le sacrifer, tu as voulu le sacrifier. Oumishkha pashkhoubi => c’est Its’haq qui a aimé Esaü.

 

Vous voyez comment la Midat HaDin est malhabile dans l’épreuve à la Midat Ha’hessed. Il aime son fils Esaü ! On voit à quel point c’est énorme, mais quel fils ? Esaü !

 

Le trébuchement d’Abraham c’est dans l’épreuve par la Midat HaDin : il va le sacrifier.

Le trébûchement de Its’haq c’est dans l’épreuve de la Midat Ha’hessed : il aime Esaü.

 

C’est la base du probléme difficile que nous avons à résoudre : celui des Bnei Israël qui ne sont pas que Bnei Abraham ou que Bnei Ist’haq mais Bnei Yaaqov qui s’appelle Israël parce que fils d’Isaac,  fils d’Abraham.

 

Quand les Bnei Israël jouent à Abraham, c’est la catastrophe.

Quand les Bnei israël jouent à Ist’haq, c’est la catastrophe.

Il faut jouer à être les enfants de Jacob.

 

Si Abraham vivait comme Abraham parmi nous, il serait le fondateur de Shalom Akhshav !

Si Yits’haq vivait parmi nous il prendrait la tête du mouvement de Kahaga (?) !

Mais nous sommes les Bnei Israël !

 

Alors cela va de soi que ce n’est pas une épreuve pour Isaac. Isaac parlerait ici comme Rabbi Akiva : « toute ma vie j’ai attendu cela... »

 

Lu une fois dans Mikhtav miEliyahou du Rav Dessler, j’ai lu la citation d’un Midrah qui dit que dommage que le sacrifice ne se soit pas fait, il y aurait eu déjà  la Kaparah du monde. Ce Midrash a été mal utilisé par les élèves du rav Dressler. Il est utilisé de manière christianisante. Parce que c’est ce que disent les Chrétiens : l’histoire du sacrifice d’Isaac réussi et qui aurait sauvé le monde.

 

Le Midrash en réalité ne dit pas qu’Its’haq a été tué mais seulement que son Nefesh l’a quitté, pas sa Neshamah. C’est ce que Sarah a vu de loin...

 

Effectivement, lorsque Its’haq n’était pas encore ligoté sur l’autel, son Nefesh engendrait Essav. Mais lorsqu’il a perdu son Nefesh, alors il engendre David, ce qui est la Midat HaDin du Tsadik alors que Essav est la Midat HaDin du Rashâ.

 

Dans tous les cas, il faut retenir que la Torah dit que c’est l’épreuve d’Abraham : parce que pour Isaac ce n’est pas une épreuve. Lorsque Isaac est éprouvé, c’est Davka par la Midat Ha’Hessed. Comme l’homme de la rigueur absolue aime t’il ? Il aime des gens pas aimables, parce que ce n’est pas sa Midah.  

 

Q : inaudible.

R : En hébreu il n’y a pas écrit « VaElohim paked et Sarah » ce serait les naissances qui s’effectuent sans difficulté  mais il y a écrit « VéHashem paked et Sarah ». Ce verset est énorme. Comme dit le Talmud, quand il ne veut pas nous faire peur : si ce verset n’était pas écrit on ne pourrait pas le dire. Regarder ce qu’il y a écrit : « Vehashem paked et Sarah ». Comment un théologien chrétien lirait cela ? « et le Seigneur a fécondé Sarah... » purement et simplement !

 

Le problème est enseigné par un Midrash très familier : lorsque l’homme est vraiment Ish-époux et que la femme est vraiment Ishah-épouse alors leur union fait apparaitre le nom de Yah - la Shekhinah est parmi eux. Sinon la Shekhinah fuit et il reste Esh-Esh.

Ici on a « Vehashem paked et Sarah » alors les Toladot peuvent commencer.

 

Je vous cite, pour terminer, un enseignement qui fait un autre rapport avec Maasseh Bereshit de rabbi Yehoudah El’hassid dont j’ai parlé à propos de la Teshouvah.

Il y a 3 grands noms dans l’école des ‘Hassidim allemands de rite ahkenaze  

Shmouel ‘Hassid - rabbi Yehoudah El’hassid – et rabi Eleazar miWorms. 12ème et commencement du 13è siécle famille des Rokéa’h.)

 

Dans le sefer ha’hassidim  rabbi Yehoudah El’hassid pose la question suivante : pourquoi dans la Meguilat Ester le Shem Havayah n’apparait pas sinon par allusion ?

Il répond que c’est parce que le Shem Havayah n’apparait qu’à propos des Toladot . Or les engendrements s’arrêtent avec Ester. Je vous cite le verset :

 

2:4

  אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, בְּהִבָּרְאָם:  בְּיוֹם, עֲשׂוֹת יְהוָה אֱלֹהִים--אֶרֶץ וְשָׁמָיִם

Eleh toledot hashamayim veha'arets behibare'am beyom asot Hashem Elohim erets veshamayim.

 

Le nom de Hashem n’apparait dans le récit de la Torah qu’à propos des Toladot. Cela commence donc en principe avec Adam harishon. Zeh sefer toldot haAdam

En réalité, cela commence avec Its’haq. Donc le Shem Havayah apparait avec la naissance d’Its’haq : vehashem paked et Sarah

Et se cache avec Ester qui devient la femme d’Assuérus.    

 

Remarquez dans le Maassé Bereshit 32 fois le nom de Elohim mais la 26ème fois c’est quand le verset 26 dit :

וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים, נַעֲשֶׂה אָדָם

Vayomer Elohim naassé Adam.

Il y a donc un Remez que c’est le Shem Havayah qui apparait parce que les Toladot vont commencer.

 

Cela peut peut-être relié à ce que je disais tout à l’heure à propos de David :

Il y a 13 fois le mot de Toladot dans tout le Tanakh

La 1ère fois au verset 4 du chapitre 2:
 אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, בְּהִבָּרְאָם

Eleh toledot hashamayim veha'arets behibare'am.

Le mot de toldot est écrit Malé avec toutes ces lettres et ensuite c’est toujours écrit ‘Hasser, il manque une lettre Vav ou les deux.

 

La 13ème fois c’est pour la naissance de David (Rout- Ruth 4:18)  où le mot de Toldot est de nouveau écrit Malé. תוֹלְדוֹת

Pour rappeler qu’il s’agit des Toldot du Mashia’h.  

 

Là où le mot de Toldot est  ‘Hasser bé’Hasser il manque les deux vavim  pour Toldot Ishmaël.

( Voir 11 références ici : http://akadem.org/photos/contextuels/4689_Doc1_Toldot_1.pdf)


<Fin> 

********

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 12:22
Naissance d’Isthaq, création du monde et Rosh hashanah (1987)

 

 

 

Face A - Durée : 46,4 minutes

 

 http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/la_naisance_d_isaac_et_la_creation_du_monde/cours_1

Je vais essayer d’abord de vous donner une petite introduction concernant le fait que la Massekhet a choisi le récit de la Torah concernant l’histoire de Yits’haq comme Sidra ou Parasha du jour de Rosh Hashanah.

 

Comme vous le savez Rosh Hashanah c’est le commencement de l’année d’après le calendrier rituel des Avot. D’après le calendrier rituel de la Torah elle-même à partir de la sortie d’Egypte, le commencement de l’année c’est le mois de Nissan. Alors que Rosh Hashanah c’est le commencement de l’année au mois de Tishri.

C’est une chose peu connue ou peu étudiée que la Torah situe toutes les Mitsvot concernant le mois de Tishri au 7ème mois. Puisque au moment de la sortie d’Egypte vous avez cet enseignement déjà dans la Parashat Ha’Hodesh qui se trouve au début du livre de Shemot racontant la sortie d’Egypte : c’est le mois de Nissan qui est choisi comme étant le commencement de l’année. 

 

En fait, lorsqu’on étudie la Massekhet Rosh Hashanah dans le Talmud on sait qu’il y a 4 commencements de l’année. Pour le moment je vais parler que de ces deux principaux. Le commencement de l’année qui commence à Nissan et le commencement de l’année qui commence à Tishri.

 

C’est un sujet très large que vous pourrez suivre dans les cours concernant le calendrier en général, en ne parlant que d’un point très précis, c’est cette surprise que l’on peut avoir, si on n’est pas suffisamment au courant des sources plus anciennes, qu’il aurait eu deux calendriers hébreux. L’un commence à Tishri et l’autre qui commence à Nissan.

Or, le récit de la Torah est le récit donné à la génération de la sortie d’Egypte. 

Donc pour la génération de la sortie d’Egypte le commencement de l’année est à Nissan. Et voilà que la Torah elle-même définit notre Rosh Hashanah comme étant le Rosh ‘Hodesh du 7ème mois !

 

L’explication est très simple. Il y a eu deux périodes différentes de notre histoire. La 1ère est la période des Avot, et le calendrier au temps des Avot était le calendrier où le commencement de l’année est à Tishri. Ensuite, la 2ème période qui n’est pas terminée mais finira aux temps messianiques (qui commencent déjà mais c’est un autre problème, bimhéra béyaménou)  c’est à partir de la sortie d’Egypte, c’est le temps de Banim. La Torah s’adresse aux Bnei Yisraël : « Daber el Bnei Yisraël… » Et elle rappelle les révélations des promesses qui ont été faites aux Avot.

 

Le temps de Avot est encore intégré dans le temps universel, qui lui commence à Tishri.

La commémoration du 1er Tishri, c’est la Création du monde. Alors que la commémoration de Nissan, c’est la sortie d’Egypte, c’est-à-dire le commencement de l’histoire d’Israël comme nation.

 

C’est un problème qui a énormément de dimensions d’études à travers tel ou tel texte, surtout les commentaires de la Torah, et il faut réintégrer le passé immédiat de cette histoire d’Israël qui apparemment devrait commencer au temps des Patriarches, mais qui pour la Torah commence en réalité à la sortie d’Egypte.

 

La réponse essentielle c’est que l’histoire d’Israël commence vraiment quand Israël est une nation. Alors qu’Israël est encore à l’échelle des individus qui commencent avec Abraham, ce n’est pas encore le temps de révéler la Torah. Ce qui signifie que pour la Torah, l’entité Israël à qui la Torah s’adresse, ne commence qu’avec le temps des Bnei Israël.

 

C’est pourquoi ensuite on réintégre le fait que les Patriarches ont déjà reçu des Mitsvot mais pas la Torah. C’est un sujet en lui-même : Adam harishone a reçu une Mitsvah ensuite Noa’h a reçu les Shevat Mitsvot des Bnei Noa’h, ensuite Abraham a reçu une Mitsvah... Jacob a reçu une Mitsvah… mais la Torah c’est vraiment au temps de la sortie d’Egypte...

 

Ce problème est étudié en particulier par le Maharal dans le Gvourot Hashem lorsqu’il pose la question de savoir pourquoi la Torah n’a pas été déjà donnée au 1er homme Adam harishone ? Et si déjà on a une réponse, qu’il nous donne, pourquoi la Torah n’a-t’elle pas été donnée à Avraham ?

Le Maharal met en forme là, les enseignements précédents qu’il a systématisé, pour nous faire comprendre que la Torah ne s’adresse à Israël que lorsqu’Israël est un Klal. On retrouve-là déjà le vocabulaire du Rav Kook.

 

C’est aussi un sujet en lui-même : la Torah ne s’adresse comme Mitsvah à l’individu qu’à travers le Klal Yisraël. Tant que le Klal Israël n’est pas constitué, et il ne se constitue qu’à la sortie d’Egypte sous la direction de Moïse, la Torah ne s’adresse pas en tant que Mitsvah à l’individu.

 

Les Avot, et après le temps des Avot, Abraham, Yits’haq et Yaaqov, la tribu de Lévi tout entière et les Rashéi Sanédraot des autres tribus, ont vécu d’après la Torah, mais pas dans la dimension de la Mitsvah. C’est-à-dire obligation que l’on doit appliquer pour être quitte de l’obligation.

(J’ai traduit en français 4-5 mots importants mais le mot important c’est Mitsvah dans le sens de ‘Hiyouv, ‘Hovah.)

 

On a l’habitude d’expliquer ce problème en disant que les Avot, jusqu’au temps de la sortie d’Egypte et de Moïse, ont vécu la Torah sous forme de Middah – leur modalité d’être.

 

L’individu des Bnei Israël reçoit l’obligation de cette « manière d’être », à travers l’obligation de la ‘Hovah, de la Mitsvah ; mais à travers le Klal de la société d’Israël. 

 

J’ai donné cet exemple pour montrer la différenciation de 2 époques : nous ne vivons pas le temps des Avot, nous vivons le temps des Banim, et donc à partir de la sortie d’Egypte, le temps est organisé d’après la structure du calendrier de l’année, à partir de Nissan.

L’événement fondateur de commémoration est la sortie d’Egypte, le commencement de l’histoire d’Israël. Et la parenthèse portait sur le fait que l’histoire d’Israël est l’histoire du Klal Israël. Avant c’est une préhistoire.

 

Si l’histoire des Patriarches n’avait pas abouti à l’histoire du Klal Yisraël, la Torah ne l’aurait pas raconté. Cela se serait résorbé comme les tentatives depuis le 1er homme de faire exister le Klal Yisraël et qui ont échoué avant Avraham. Elles ont été résorbées dans le récit et ce n’est que le Midrash qui les réintègre.

 

Donc, nous avons, indépendament des 4 polarités des Arbâ Rosh hashanim des 4 commencements de l’année, je ne parle que de ces deux-là : deux calendriers hébraiques qui s’entremêlent :

 

ð   le calendrier de l’histoire universelle dont l’événement fondateur de commémoration porte sur la Création du Monde.

 

ð   Le calendrier de l’histoire d’Israël dont l’événement fondateur de commémoration est la sortie d’Egypte. 

 

C’est pourquoi nous avons dans énormément de textes liturgiques en particulier le Qidoush :

« Zekher Lémaassé Bereshit » ou « Zekher litsiat Mitsraïm »

 

A un certain niveau, c’est la même signification de commencement mais dans deux registres différents : le commmencement de l’histoire universelle où vient se ranger des événements de l’histoire d’Israël mais en filigrane, et le commencement de l’histoire d’Israël où également viennent se ranger aussi des événements de l’histoire unniverselle mais en filigrane.

 

Nous avons ainsi deux années à commémorer simultanément, en réalité 4.

 

Ce paradoxe apparent que le commencement de l’année c’est bien Rosh ‘Hodesh Tishri  - que l’on nomme jamais ainsi mais sous l’appellation Rosh Hashanah - ce paradoxe que le commencement du point de vue de « Zekher léMaassé Bereshit » c’est bien Tishri, alors que la Torah parle de « Ha’Hodesh hazéh la’hem Rosh ‘hodashim » en parlant de Nissan. Parce que c’est la Torah d’Israël.

 

Et ce que je disais précédemment, c’est que le temps des Avot, d’une certaine manière, est encore dans le temps de la nuit universelle dont il n’émerge qu’à la sortie d’Egypte.

 

Pour le dire autrement dans un autre vocabulaire:

Le calendrier qui commence à Tishri c’est le calendrier de la civilisation d’où les Avot sont sortis -  la civilisation chaldéenne – alors que le calendrier de la civilisation d’où les Banim sont sortis – la civilisation égyptienne - commence à Nissan. C’est un autre registre d’analyse mais cela se recoupe finalement dans le contenu et revient au même.

 

Votre question pour la situation des Sidrot de Rosh hashanah dans le Sidour, dans le Ma’hzor plus exactement, puisque vous savez que le Sidour des fêtes s’appelle le Ma’hzor tant chez les Séfardim que chez les Ashkénazim avec des emplois différents du mot de Ma’hzor. Ma’hzor cela veut dire le cyle qui revient.

 

Finalement notre problème c’est que au lieu de commencer à lire le commencement de la Torah Bereshit Bara Elohim.... (lecture qui ne se produira qu’à Sim’hat Torah) on lit l’histoire de la naissance d’Isaac, le 1er jour.

Cela commence par וַיהוָה פָּקַד אֶת-שָׂרָה   Et Hashem se souvint de Sarah… au chapitre 21. Et puis Aqédat Its’haq le 2ème jour, le récit du « sacrifice d’Isaac ». Non pas le « sacrifice d’Isaac »  mais c’est le sacrifice l’épreuve d’Abraham : il y a écrit (Gn. 22:1) :

וְהָאֱלֹהִים, נִסָּה אֶת-אַבְרָהָם  

Vé-HaElohim nissah et Avraham 

Et Elohim éprouva Abraham.

Et non pas Isaac. La traduction ne traduit rien mais trahit beaucoup.

Il faudrait dire Aqédat Its’haq - ligature d’Isaac.

 

La question est :

Pourquoi pas commencer par la Sidra de Maasseh Bereshit ? Et après la réponse, question dans la question : Pourquoi pas par l’histoire d’Abraham plutôt que celle d’Isaac ?

C’est très paradoxal. On comprendrait qu’on commence l’histoire des Patriarches à Pessa’h. Mais pourquoi commencer par l’histoire des Patriarches à Rosh Hashanah de Tishri ? Cela a l’air paradoxal. Et s’il y a réponse pourquoi commencer par Isaac davka et pas par Abraham ?

 

C’est donc qu’il y a un lien dans le contenu de ce récit avec le thème de Rosh hashanah. Je vous le rappelle brièvement : Tous les jours commémoratifs du calendrier commémorent, indépendamment de leurs significations spirituelles, métaphysiques ou religieuses traditionnelles, un événement historique. Quels que soient les cas où il y aurait exception, c’est une apparence, car on trouve  toujours un événement historique.

 

Rosh hashanah, c’est l’événement historique par définition : la Création du monde. C’est un événement historique. C’est avec la Création du monde que le temps commence mais c’est déjà dans le temps. Comment commence le 1er verset ? Bereshit Bara Elohim…

 

Rabénou Be’hayé était un élève de l’école de Na’hmanide, vers le 11ème siècle, note un enseignement de la Kabalah qui voit dans le mot de Bereshit le Notarikon de Alef BéTishri 1er de Tishri.

 

Mais dans cette note un peu particulière parce que Tishri n’est pas un mot hébreu mais araméen, nous savons par tradition que Tishri commémore la création du monde. Ce qui est dit de façon très explicite dans les prières de Rosh hashanah.

 

Comment relier cela avec le récit de l’histoire d’Isaac ?

 

On trouve un début de solution dans le fait que la Torah shébikhtav l’appelle Yom hazikaron et la Torah shébéalpeh l’appelle Yom hadin.

 

L’évangile de Saint-Jean dit : « Au commencement était le Verbe »

Ce qui est différent de l’expression traditionnelle hébraïque que Dieu a créé le monde par Sa parole. Parce que ce mot de Verbe est en réalité dans les sources chrétiennes le mot de Logos. En français Logos se traduit par « Verbe » mais c’est différent de parole en hébreu.

 

En termes juifs on devrait dire au contraire : « Au commencement était l’adverbe » et non pas le Verbe. Bereshit est un adverbe. Pas n’importe lequel : l’adverbe « au commencement de ».

 

Et donc, l’événement historique qui est commémoré à Rosh hashanah c’est bien l’événement du commencement.

 

Il faut retenir la correspondance entre la manière dont la Torah Shébikhtav désigne ce jour de Rosh Hashanah en l’appelant Yom hazikaron et la manière dont la Torah Shébéalpeh le désigne : Yom HaDin. Il y a une correspondance entre les deux que je vous indique rapidement.

 

Dans notre question, nous cherchons un lien positivement direct entre les deux événements : en quoi la naissance d’Isaac et la création du monde sont-elles analogues ?

 

Q : inaudible… (?) Pessa’h est la sortie d’Egypte et concerne Israël…  Les Goyim sont-ils concernés par Rosh hashanah à travers la Torah ?

R : Toute la liturgie de Rosh hashanah en tient compte : c‘est le monde entier qui est jugé à Rosh hashanah.

Q :  inaudible (?)

R : Etant donné que seul Israël est Metsouvé et comme les Goyim et même les Shivat Mitsvot Bnei Noa’h ne sont pas Metsouvim dans le sens d’Israël, par conséquent c’est délégué à Israël. C’est Israël qui entre en jugement comme délégué de l’humanité entière. D’où la question que je pose : comment comprendre que l’on commence à Isaac ?

 

Avant d’arriver à la question elle-même, je vous donne deux indications :

D’une part, une des clefs de réponses se trouve dans la Haftarah de Rosh hashanah qui est le 1er chapitre du livre de Shmouel : la naissance de Shmouel.

 

Et deuxièmement, préalablement nous allons reprendre la commémoration de l’événement historique et c’est relié au problème du jugement : la Torah shébikhtav dit Yom hazikaron.

Zikaron c’est le superlatif de Zekher qui veut dire « souvenir », mais plus exactement « mémoire » dans un sens un peu renouvellé d’une littérature israélienne contemporaine mais que nous avons appris avec mon maitre Jacob Gordin bien avant. « Zekher » cela ne veut pas seulement dire « se souvenir » en tant que quelque chose est de l’ordre du passé mais tout le contraire, car si je me souviens d’un souvenir en tant que souvenir je le rends d’autant plus passé. « Zekher » signifie « aujourd’hui remémorisé au présent ce qui avait été au passé ». C’est un sens hébreu bien particulier : lezakharta ne signifie pas « tu te rappeleras » dans le sens de ne pas avoir oublié mais cela signifie « tu rendras présent par la commémoration ce qui avait été de l’ordre du passé ». Cela est vrai pour toutes les commémorations.

 

Par exemple, au moment du Seder de la sortie d’Egypte,  je ne me rappelle pas de la sortie d’Egypte de mes ancêtres, mais je sors d’Egypte au niveau où je suis des identités d’Israël, jusqu’au moment de la sortie définitive que l’on appelle la Géoula définitive.

 

Cela se traduit même par les Mitsvot elles-mêmes : les Mitsvot nous font vivre, et non pas seulement revivre seulement, l’événement commémoré.

 

Si c’est l’idée simple de commémoration, nous aurions dans le Seder de Pessa’h, une sorte de Zekher dans le sens non juif du terme hébreu: nous aurions un symbole de rappel du repas de nos ancêtres à la sortie d’Egypte. Nous aurions sur le plateau de la Matsah tout en mangeant du pain et puis nous aurions symbolisé… Certaines synagogues juives qu’on appelle « libérales » procédent comme cela. Un rite religieux avec une Matsah symbolique.  Vous savez d’ailleurs ce qu’il en est devenu chez les Chrétiens. Dans la mentalité chrétienne, l’ostie prend une autre dimension encore : « Symbole priez pour nous ! »

Autre exemple : le jour de la commémoration de l’indépendance en Amérique où l’on reprend symboliquement le repas des premiers émigrants dans le Mayflower.

 

Zikaron c’est la mémoire totale – la mémoire depuis le commencement : rien n’a été oublié. Si le monde a un Créateur la mémoire est totale. C’est là l’expression de la Torah Shébikhtav.

Ce jour-là s’appelle le Yom haZikaron.

 

Pour la Torah shébéalpéh, c’est Yom hadin : parce que tout simplement lorsqu’on est jugé on l’est par sa mémoire. Le jugement de Rosh hashanah – celui du Yom HaDin - est le jugement par excellence parce qu’on y est jugé par le Zikaron, la mémoire, par excellence. La relation entre les deux est claire.

 

On voit à quel point on est loin du jour de l’an des Goyim, qui serait plutôt Pourim et non pas Rosh hashanah.

 

L’implication est très simple : c’est le jugement par excellence, car il s’agit de la mémoire par excellence. Qui est le juge ? C’est la mémoire !

 

Les psychologues modernes ont entrevu ces choses-là dans leur panique, leur terreur, de ce qui se passe dans l’inconscient. Il s’y trouve la mémoire totale et donc le jugement total, la loi, le père etc. le Créateur...

 

2ème question :

 

Pourquoi n’est-ce pas le Maassé Bereshit que l’on lit à Rosh hashanah ?

Il nous restera un problème qu’on étudiera à Hoshana Raba : Pourquoi recommence-t’on à lire la Torah à Shemini ‘Hag Ha-Atseret qui s’appelle Sim’hat Torah ? C’est un problème autre.

 

Je reprend la question en m’aidant du Maharal cité précédemment: pourquoi, si déjà on commence par l’histoire des Patriarches, ne pas commencer par Abraham ?

 

Je vais vous donner quelques indications du récit lui-même, très brèves :

Abraham sort du texte existant déjà : il sort d’une préhistoire où il s’appelait Abram et il était déjà né quand il rentre dans le texte. On ne nous fait pas assister au commencement. Isaac commence à exister à travers le récit, alors que pour Abraham, le récit prend son histoire en marche. Il y aurait là toute une analyse à faire mais je vais l’éclairer par une analyse du Talmud qui étudie une des obligations de la Torah interdisant le retour en Egypte. C’est là encore un sujet pour lui-même.

Cela signifie que la sortie d’Egypte est irréversible. S’agit-il des voyages de tourisme dans l’Egypte contemporaine ? Et quid des communauté juives en Egypte depuis la destruction du temple ? Et même en particulier Maïmonide a été le grand rabbin d’Egypte en son temps ?  

 

Juste après la guerre j’ai reçu une lettre dans un français très fleuri du 18ème siècle de la communauté juive d’Alexandrie pour me demander d’être grand rabbin d’Alexandrie, je l’ai échappé belle. J’ai répondu - j’étais naïf à l’époque, je le suis resté un peu – que j’étais trop jeune à l’époque, mais je ne me rendais pas compte à quel point je l’ai échappé belle ! Grand rabbin d’Alexandrie, par les temps qui court !

Je devais remplacer un grand rabbin Ventura.

http://sefarad.org/diaspora/egypt/vie/egypt.php/id/17/

Il leur fallait quelqu’un parlant français, ashkénaze ou séfarade ce n’était pas important mais quelqu’un parlant français. Ils parlaient le français. Vous voyez, on rentre dans les mystères de la providence concernant l’histoire des nations. L’Egypte et le français quel rapport ?Je veux dire pour être rabbin, il fallait déjà parler l’hébreu, à l’époque on ne savait pas cela… Cela ne les préoccupait pas. A l’époque c’était très rare les rabbins qui parlaient hébreu…   

 

Retour au sujet : Le problème est sérieux. Est-ce que les Israéliens aujourd’hui ont le droit de faire du tourisme en Egypte ? C’est un autre problème. Est-ce qu’on a le droit de retourner en Espagne ? en Allemagne ? et finalement dans le monde entier ? C’est un problème de Halakhah qui s’étudie pour lui-même.

 

Mais à ce propos le Talmud enseigne que la sortie d’Egypte est irréversible : on ne revient pas en arrière. Vous voyez que J’ai changé de registre : Cela veut dire que la Midah - la qualité, la valeur, la vertu - que nos ancêtres ont acquis dans leurs épreuves du récit de la sortie d’Egypte est irréversible. Or, elle correspond à l’histoire d’Abraham.

 

Je vous rappelle quel est le thème :

Les 3 grands exils sont parrallèles à l’histoire des 3 patriarches :

Abraham, l’Egypte – Ist’haq, Babel – Jacob, Rome : les trois grandes civilisations que nous avons traversé.

 

Or nous avons là une indication importante c’est que l’acquis de la vertu d’Abraham est irréversible. Et que notre mise en jugement commence avec la Midah de Yits’haq. Il y a déjà là un commencement de réponse, formelle en tout cas.

 

Peut-on avancer ou avez-vous des questions là-dessus ?

Moi à votre place j’aurais milles questions ! Vous allez me dire qu’on n’a pas eu les mêmes professeurs….

 

Dans le contenu du problème, essayons de mieux comprendre plus loin en quoi le récit de la naissance d’Isaac, c’est « comme » la création du monde ? Tout le problème est dans ce « comme ».

 

Nous avons là un récit qui concerne l’histoire de l’humanité et nous comprenons comment, par rapport à ce que représente Rosh Hashanah pour nous, cela commence à la naissance d’Isaac et pas à la naissance d’Abraham.

 

Cela pourrait être enrichi de différentes manières : le thème central de ce que l’on peut trouver à ce sujet dans les explications traditionnelles c’est que l’acquis d’Abraham est irréversible.

 

Autre exemple : le Talmud dit [T.B. Moed Katan 25a]  :

Quelqu’un qui est cruel ne descend pas d’Abraham

Quelqu’un qui dans sa vie n’a pas cette Midah de ‘Hessed d’Abraham, le Talmud dit qu’il est évident qu’il ne descent pas d’Abraham. Cela veut dire que l’acquis de la vertu du ’Hessed d’Abraham est irréversible.

 

Je reprend le tableau de ce parrallèle :

A l’échelle individuelle, le problème vient de la question de savoir pourquoi Israël ne provient pas d’un seul fondateur mais de trois. Un fils de l’autre fils de l’autre. Un problème dont on est tellement familier que l’on ne voit pas la question elle-même. N’importe quelle nation va se réclamer du fondateur de la tradition : là nous en avons 3 !

 

Il y avait donc à l’échelle individuelle une mise à l’épreuve de l’équation d’identité pour arriver à l’identité Israël. Il y avait trois vertus dont il fallait faire la preuve. L’ordre est à la fois métaphysique, logique et historique :

 

ð   la vertu du Tsadik qu’avait été Abraham, et cela ne suffit pas pour être Israël,  

ð   puis celle du Tsadik qu’a été Ist’haq mais cela ne suffit pas encore mais il y a progrès pour être Israël,

ð   puis la vertu du Tsadik qu’a été Jacob pour arriver au fait que Jacob fils d’Isaac fils d’Abraham reçoive le nom Israël.

 

Cela s’est produit à l’échelle des Tsadikim fondateurs de notre identité à l’échelle individuelle. Et voilà que l’histoire d’Israël en tant que « Bnei Israël » va commencer. Et nous traversons un histoire dont la signification est parallèle, à l’échelle collective:

 

ð   Dans l’exil d’Egypte nous avons vécu l’histoire d’Abraham,

ð   Dans l’exil de Babel nous avons vécu l’histoire d’Isaac,

ð   Dans l’exil de Rome, qui s’achève de notre temps, nous vivons l’histoire de Jacob.

 

Nous avons été interpellés, en tant que société, de l’interpellation à laquelle ont répondu les 3 Avot successivement.

 

Dans ce vocabulaire nous retrouvons la proposition précédente : l’acquis de la vertu d’Abraham est irréversible, c’est parallèle à « on ne revient pas en Egypte ! »

 

Il nous reste à voir en quoi la naissance d’Isaac est « comme » la création.

Vous verrez comme d’habitude que la réponse est très simple. Il va rester de l’inexpliqué par manque de temps à travers la question posée : comment comprendre que davka à Rosh hashanah on devrait raconter l’histoire du monde et qu’on raconte l’histoire d’Israël ? C’est dans cette question globale que j’ai posée la question du Maharal : et si déjà, pourquoi pas commencer par Abraham ?

Je viens d’y répondre.

 

L’interpellation d’identité à l’échelle de la collectivité d’Israël est irréversible et a été acquise et justifiée irréversiblement à la sortie d’Egypte. D’où l’importance du commandement : on ne revient pas en Egypte. Au niveau touristique, c’est autre chose.  

 

La question est donc maintenant sur le fond de la correspondance. Et je vous ai donné comme indication le contenu de la Haftarah de Rosh Hashanah : La naissance de Shmouel et la prière de ‘Hannah.

 

Je vous rappelle le thème général :

Il y a un récit qui traverse tous les récits : les mères d’Israël ne peuvent pas enfanter avant d’enfanter. Sarah, Rivcah, ne peuvent pas enfanter avant d’enfanter, avec Léah c’est facile. Ensuite Ra’hel ne peut pas enfanter avant d’enfanter. Et on retrouve ce même récit avec ‘Hannah, mère de Shmouel. Chaque fois qu’il faut mettre au monde la mutation d’identité qui nous fait progresser dans les engendrements, dans les Toladot, il y a barrage, empêchement.

 

Et si nous prenons les choses à la racine, c’est un thème propre à la tradition hébraïque, inconnu ailleurs. Si j’avais le temps je vous montrerais ce que les Chrétiens ont fait de ce thème-là. Ce qu’ils appellent eux « la sainte table ».

 

Dès le début on s’aperçoit que la naissance d’Isaac est à priori impossible. Comme la création du monde. A ces deux niveaux, c’est la même impossibilité qu’il faut surmonter.

 

J’expliquerais très rapidement pour la création du monde elle-même et nous comprendrons la correspondance, le lien avec la naissance d’Isaac.

 

Je vous donne déjà le lien : puisqu’à priori c’est impossible, il faut le justifier. D’où la prépondérance de la Midat HaDin pour ces deux problèmes-là : création du monde et naissance de l’enfant. Et après on retombe sur les données de tout à l’heure : étant donné qu’Israël - au niveau Yts’haq - a fait la preuve qu’il était Tsadik par rapport à la Midat HaDin, c’est ce mérite-là dont on va se réclamer le jour du jugement à la commémoration de la création du monde.

Voilà, j’ai essayé de vous rendre la correspondance la plus simple possible. 

 

Comprenons-le d’abord pour la création du monde et on comprendra ensuite pour la naissance d’Isaac.

 

Pour la création du monde, ceux qui ont suivi le séminaire de l’année dernière sur la Kabalah ont déjà des indications, mais je rappelle le principe le plus simple concernant notre problème :

Si Dieu est, Il est tout, et il n’y a pas de place pour le monde, la création du monde est impossible. L’existence du monde est impossible. Ou alors comme pour certains philosophes qui n’ont pu résoudre le problème, c’est le monde qui est Dieu, et c’est plein de difficultés : c’est la perspective du panthéisme, ou du palenthéisme, c’est à peu près la même chose sauf que le mot un peu plus savant pour y inclure Spinoza.

 

[Puisqu’on en parle dans les milieux rabbiniques, on a jamais lu Spinoza qui fait trop philosophique. On a toujours dit « ben hakots » « le fils de l’épine ». Spinoza cela veut dire le fils de l’épine. La malédiction de la terre après la faute du 1er et du 2ème  homme : Gn. 3 :18 :

וְקוֹץ וְדַרְדַּר, תַּצְמִיחַ לָךְ

et la terre ne te donneras que des ronces et des épines : alors les rabbins y ont vu Spinoza, comme Ben Hakots...] 

 

Si Dieu est, il n’y a pas de place pour le monde.

Le mystère auquel veut répondre la Torah en commençant par dire :

בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים, אֵת הַשָּׁמַיִם, וְאֵת הָאָרֶץ

Ce n’est pas un problème théologique. Ce n’est pas quelles conditions théoriques donner à l’idée de Dieu pour que Dieu existe,  ou quelles conditions théoriques donner à l’idée de l’homme pour que l’homme existe, mais c’est quelles conditions théoriques donner au monde pour que le monde existe. Ce qui préoccupe l’homme de la Torah ce n’est pas la théologie - l’existence de Dieu - dont il est sûr. Ce n’est pas la philosophie - l’existence de l’homme - c’est l’existence du monde. C’est cela qui fait problème et cela qui fait mystère. L’existence du monde est perçue par le Talmid ’Hakham, par l’homme de la Torah, comme impossible.

 

Parce que de deux choses l’une :

ð   soit le monde est le fantasme de notre perception et c’est l’homme qui existe,

ð   soit Dieu est et il n’y a pas de place pour le monde.

 

Donc, pour les raisons qui sont les Siennes, si Dieu qui est tout (le mot de « tout » me gène il faudrait dire l’Infini car le mot de « tout » renvoit à la totalité qui a une limite) l’infini, décide de créer un monde, il y a un problème insoluble à résoudre.

 

Dieu en tant que Créateur va contracter une alliance avec l’homme pour pouvoir faire exister le monde : lorsqu’il y a une alliance, c’est qu’il y a un ennemi commun. Ici, il ne s’agit pas d’ennemi mais d’une impossibilité commune à résoudre.

 

Dans le récit du Maasséh Bereshit pendant les 6 premiers jours, la Torah nous parle d’un monde où le seul sujet est Dieu, il n’y a pas d’homme. Ensuite Dieu cesse d’intervenir comme Créateur, et le 7ème jour commence : le sujet de l’histoire du monde c’est l’homme et Dieu se cache. Cela signifie que dans le monde de Dieu il n’y a pas de place pour l’homme: Si Dieu est il est tout.

 

Les rabbins du Midrash, surtout de la Kabalah, ont donné une image pour aider à comprendre cela: l’être de Dieu est l’être absolu: dans le soleil il n’y a pas de place pour une bougie. Dans l’être absolu, il n’y pas de place pour l’existence de la présence de l’homme qui serait brûlée, noyée, engloutie.

 

Pour la même raison, inverse mais analogue, dans le monde de l’homme, il n’y a pas de place pour Dieu: l’homme nait athée. On ne peut pas le reprocher aux Goyim. C’est le grand problème de savoir ce qu’il vaut mieux pour eux: être athées ou être idolâtres ? Parce que dès qu’ils ne sont pas athées, ils inventent des idoles ! Mais l’état naturel de l’homme, c’est donc d’être athée. Pour la même raison : là où se trouve la bougie, il n’y a pas de place pour le soleil. Dans le monde de l’homme, il n’y a pas de place pour Dieu !

 

Il y a par conséquent toute une stratégie du Créateur – les 6 jours puis le 7ème - par laquelle Dieu aménage un monde pour l’homme, pour ensuite,  je ne dirais non pas « s’en retirer » parce que trop de philosophies ont utilisé cela à mauvais escient, mais pour ensuite se cacher comme dit la Torah (« El mistater ») , il se cache et alors commence l’histoire du monde dont le sujet est l’homme.

 

Et le problème qui est l’objet de l’alliance entre le Créateur et l’homme (suivant la terminologie de André Neher), c’est d’arriver à construire un monde où l’homme et Dieu puissent être présent ensemble.

 

Et on n’a pas fini, dans cette alliance, de résoudre la difficulté : cela s’appelle en hébreu la sainteté. C’est-à-dire qu’il n’y a que dans la sainteté que l’homme et Dieu puissent être présents.

Vous voyez que ce thème est en plein dans le problème des Yamim Noraïm.

 

Donc, pendant les six 1er jours Dieu est seul dans le monde qu’il commence à aménager pour que l’homme puisse l’habiter. Dès que l’homme entre dans l’histoire du monde, Dieu se cache ; et alors commence l’histoire du monde dont le sujet est l’homme. Cela commence au chapitre 2 verset 4 de la Genèse :

אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, בְּהִבָּרְאָם:  בְּיוֹם, עֲשׂוֹת יְהוָה אֱלֹהִים--אֶרֶץ וְשָׁמָיִם

Eleh toldot shamayaim vaarets behibaream...

 

C’est l’histoire du monde où l’homme est sujet et où Dieu s’est caché. Et comme disait le rav Kouk, de temps en temps il y a un clin d’oeil, incognito, pour dire : « Je suis là », « Je veille » (en français « Je surveille » c’est relié au Yom Hadin).

 

 

 

.../...

lire la suite ici 

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 11:39

Premier Jour de Roch Hashana : engendrement et jugement

 

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/roch_hachana_premier_jour_des_engendrements_et_jugement/cours_1

Durée : 43,9 minutes
Face A

[ Inversion des cours sur Toumanitou ! Cela commence a la Face B et poursuit sur Face A ]

 

…/…

la racine Bara même en araméen cette langue la plus proche de l’hébreu, cette racine existe et elle ne signifie pas créer, elle signifie « mettre en dehors », alors qu’en hébreu elle signifie « créer à partir du néant ». Il y a une analogie, au niveau de l’imagerie intellectuelle même, entre « mettre en dehors » et « faire exister » : ek-sistere en latin signifie « situer à l’extérieur » : j’existe en tant que j’existe hors de quelqu’un d’autre. C’est ce que véhicule la notion latine « d’existence » qui est différente de la notion « être ».

 

Il n’en reste pas moins que nous sommes en présence, pour la pensée humaine livrée à ses propres forces, d’une impossibilité. Pour la pensée rationnelle et la pensée humaine, c’est d’abord la sécurité des lois de la raison. Ceci dit, il y a d’autres cohérences que celle de la pensée rationnelle, et cela peut être de la pensée vraie. Mais en tout cas pour la pensée rationelle, la notion de commencement ne fait pas partie de la pensée humaine. Parce que la notion de commencement prise au sérieux, c’est celle du commencement de, apparaître à partir de rien : il n’y avait rien et il y a. Yesh Méayin en hébreu. Ayin= il n’y a rien. Yesh= il y a. Mais C’est une notion à laquelle nous sommes familiers par l’éducation biblique, mais au point qu’on a oublié que ce n’est pas une notion rationnelle.

 

Il y a un autre mystère, c’est celui de la naissance d’un enfant, et c’est un mystère beaucoup plus grand. Dans l’apparence, c’est un corps qui a engendré un corps avec la collaboration d’un autre corps. Mais en réalité, c’est une apparition, à partir d’un néant absolu, d’un être différent !

Ceux qui ont eu des enfants le savent:  la venue d’un enfant au monde, c’est un monde qui vient au monde ! Il est là et n’a rien à voir dans sa vie intérieur qui est son « jardin secret » comme disent les poètes, avec les corps qui lui ont donné naissance. C’est pourquoi la Torah prévoit un respect des parents. Parce que c’est grâce aux corps des parents que l’âme de l’enfant est venue au monde.

 

D’ailleurs, ce mot de respect enveloppe toute une série de lois et de prescriptions de la Halakha à ce sujet, mais la base c’est de respecter le corps des parents. Il y a une expression très familière aux rabbins. On respecte quelqu’un en respectant premièrement son corps car c’est grâce au corps qu’il y a une présence. Ce à quoi je fais allusion, ce qu’en termes simples on appelle l’âme de la personne qui apparait à la naissance, c’est la présence de quelqu’un qui est autre et n’a rien à voir avec ceux qui lui ont donné naissance au niveau corporel.

 

C’est pourquoi la Guémara va dire : à chaque naissance trois associés : le père, la mère et Dieu lui-même. Le père et la mère ont fait les corps et c’est Dieu qui donne la présence.

Or, bien sûr qu’il y a un lien. On dira à la limite, je schématise beaucoup car tous les cas particuliers sont possibles, dans l’apparence en tout cas : pas n’importe quelle âme ne vient dans n’importe quel corps. Effectivement, le corps est le véhicule de la présence de l’âme et donc le corps va conditionner à postériori la manière de la présence de cette âme au monde.

Donc dans tous les cas c’est très lié mais pour le comprendre je distingue ces notions. La naissance d’un enfant est autant mystérieuse que la création du monde. Voilà, c’est la première réponse à un niveau formel.

 

Pour relier ces deux notions, je dirais très rapidement : en fait le jour de Rosh Hashanah désigne le jour de la commémoration de la création du monde, mais il faut préciser qu’en fait, il commémore le 6ème jour de la création du monde.

 

L’homme apparait au 6ème jour du récit qu’on appelle le récit de la création.

Et la liturgie de Rosh Hashanah (vous le verrez surtout à Moussaf dans le passage que je vais vous citer) ne dit pas que Rosh Hashanah est Hayom Briat HaOlam mais Hayom harat olam - Jour de la naissance du monde.

 

Le 6ème jour du récit de la création du monde, c’est la création de l’homme.

 

Essayer de bien relier ces deux notions : En fait le jour de Rosh hashanah, dans beaucoup d’expressions traditionnelles, l’histoire du monde commence avec le 1er homme. Ce qu’il y a avant c’est la préhistoire du monde de l’homme.

 

Je voudrais arriver à formuler le lien entre ces deux notions de création de l’homme et création du monde. Il s’agit de la création du monde de l’homme qui n’apparait qu’avec l’homme.

 

Pour donner une explication formelle :

S’il n’y a pas de conscience humaine pour percevoir le monde extérieure, le monde extérieur a une toute autre manière d’exister qu’il a dans notre représentation, tellement autre que par rapport à notre propre représentation c’est un néant.

Un événement du monde extérieur qui n’est pas perçu par une conscience, à travers les catégories de la conscience que sont l’espace et le temps (et nous devons cette analyse en particulier à Kant – on ne peut pas penser ce problème comme on le pensait avant, en tout cas dans le monde philosophique)  le monde extérieur que nous nous représentons, n’est ce qu’il est, que perçu par une conscience humaine. Donc, cette référence au 1er jour du monde, c’est la référence au 1er jour du monde de l’homme. Or, le monde apparait le 6ème jour du récit.  

 

Il y a une indication dans la liturgie ashkénaze: les Seli’hot sont lues à partir du 25 Eloul. Et à partir du 1er Eloul dans le rite Séfarade. Cela se réfère au verset : « Yéhi Or qu’il y ait lumière », et Yéhi a pour valeur numérique 25.

 

Et donc la 1ère réponse à notre question :

Pourquoi est-ce le récit de la naissance d’Isaac qui est relié au commencement du monde ?

C’est parce que c’est le commencement de l’histoire d’Israël dans le récit dévoilé tel que nous l’avons dans la naissance d’Isaac et pas celle d’Abraham qui d’une certaine manière représente la fin de la préhistoire d’Israël. Et l’histoire d’Israël va vraiment commencer avec la naissance d’Isaac d’après cette analogie qui fait que l’événement lui-même est de même nature : La naissance d’un enfant est toujours un mystère quelque soit l’enfant, nous l’apprenons de la aissance d’Isaac.

 

Il y a une telle prodigalité de ce miracle de la naissance de l’enfant dans l’histoire des hommes, que l’on a perdu la familiarité avec ce miracle en tant que miracle. On le perçoit de nouveau quand il y a impossibilité d’avoir un enfant. Alors on se rend compte à quel point avoir un enfant est un miracle.

 

Une telle prodigalité du miracle empêche de voir le miracle du miracle : c’est ce fameux thème du petit prince que je vous cite souvent :  dans le chapitre où il parle d’une planète où il y a une seule rose : on sait ce qu’est une rose ! La prodigalité de la valeur masque la valeur. (La rareté en fait la valeur) Mais chaque valeur est singulière.

Chaque rose est en fait unique et seule, dans l’expérience que l’on en a.

 

Le Midrash met en lumière le fait que chaque naissance quelqu’elle soit est aussi miraculeuse que la naissance d’Isaac. Or, on sait très bien que la naissance d’Isaac est la naissance d’un enfant qui ne pouvait pas naître. C’est cette promesse donnée à Abraham, et la foi biblique commence dans la foi d’Abraham, que cette promesse qu’il aurait un enfant s’accomplira. C’est-à-dire qu’une préhistoire aboutissant à la stérilité absolue s’entend dire le commencement de fécondité, et Isaac se fait attendre, et ce n’est qu’en fin de compte qu’il y a possibilité pour Abraham et Sarah d’enfanter Isaac. C’est là que l’histoire des engendrements d’Israël commence. Par définition, puisque Isaac est le 1er fils de l’homme, l’homme étant Abraham. Et c’est l’histoire du fils de l’homme qui commence avec Isaac.

 

Q : On est passé de la création de l’homme en général, de l’humanité, à celle d’Israël ?

R : Il s’agit de l’histoire d’Israël qui surgit du dedans de l’humanité. L’histoire de l’homme ne va prendre sa signification messianique qu’à partir de la naissance d’Isaac. Et dès ce moment même, l’histoire de l’homme depuis l’origine du 1er homme va se transformer en préhistoire de l’histoire du fils de l’homme. Et il s’agit de l’histoire du fils de l’homme qui nous est racontée en tant que préface à la Torah comme Loi. Tout ce qui nous est raconté avant la naissance d’Isaac, au niveau du problème qui s’est posé à nous parce qu’il y a d’autres seuils, devient préhistoire dès la naissance d’Isaac… En fait le seuil important ce sera le Rosh Hashana de Pessa’h à la sortie d’Egypte. C’est à la sortie d’Egypte que la descendance des Patriarches devient la nation d’Israël à qui la révélation est faite. Mais cette identité de la nation d’Israël, à qui la révélation sera faite, se prépare dans les  engendrements de la famille des Patriarches, lesquels engendrements ne commencent qu’avec la naissance d’Isaac. Je vais vous donner tout de suite une référence dans le texte.

 

Parashat Noa’h :

 

A la naissance de Noa’h au chapitre 6 verset 9

Il nous est d’abord décrit l’histoire des 10 premières générations humaines depuis Bereshit jusqu’à ce verset 9 du chapitre 6. La naissance de Noa’h

Il y a une première tentative de l’histoire humaine qui aboutit à l’échec total. Le déluge. C’est vraiment effacé. Il y a un rescapé Noa’h qui va commencer les engendrements de l’identité humaine.

 

Dès que nous percevons l’histoire de l’homme dans la perspective des engendrements, cela nous renvoie à un sujet très important : c’est que l’histoire de l’homme n’a de signification qu’en vue de la mise au monde du « fils de l’homme ». En hébreu c’est le même mot qui dit « histoire » et « engendrements », le terme Toldot. On est très familier à cela que l’histoire de la bible c’est un récit de généalogies.

 

Il y une modification de l’identité humaine depuis le 1er homme jusqu’à la réalisation de cet objectif qui est l’objectif messianique de l’homme réussi, l’homme vivable, qui sera l’homme vivant.

 

Tout ce passe comme si la perspective de ce récit nous montre que toute l’histoire de l’humanité est un effort d’engendrer l’homme pour qui le monde a voulu être créé et que le texte du récit appelle le « fils de l’homme » : l’histoire de l’humanité, c’est l’histoire de l’engendrement du fils de l’homme.

C’est pour le fils de l’homme que le monde a été créé. Si c’était pour l’homme que le monde avait été créé c’est un échec. Or, il est bien évident que dans la cohérence biblique il ne s’agit pas d’échec.

 

Je veux dire que l’homme nous apparait dans son histoire comme absolument inapproprié à la réalité qui est celle de ce monde.

 

Si le monde de l’homme c’est le dernier mot de la création alors c’est un échec. Parce qu’il y a le problème posé à l’histoire humaine : la coexistence des individus, la coexistence des frères. C’est le problème de l’histoire humaine qui n’a pas de solution. Le récit biblique est le récit des différentes  tentatives de résoudre le problème de l’équation de la fraternité. On voit qu’il n’a pas de solution.

 

Par conséquent, dès le début on a l’intuition profonde que toute l’histoire de l’humanité est une sorte d’histoire d’une matrice d’engendrement du fils de l’homme. C’est donc pour le fils de l’homme que Dieu a voulu créer le monde.

 

Je me branche-là sur la signification de cette expression de « fils de l’homme » telle qu’elle est chez les prophètes hébreux, en particulier Ezéchiel, car dans la catégorie chrétienne elle a un tout autre sens.

 

Ceci dit, les récits bibliques de la Torah nous révèlent que cette matrice d’engendrement du fils de l’homme, c’est l’identité Knesset Israël, c’est la nation d’Israël, qui en est la matrice d’engendrement du fils de l’homme. Chose qui est reconnue par la théologie chrétienne elle-même. (Si les Juifs n’en était pas convaincu, Dieu a créé les Chrétiens pour les en convaincre).

 

On va s’apercevoir que les engendrements vraiment, qui s’appellent Toladot, commencent avec Isaac. La preuve : Gn. verset 9 chapitre 6.

On a fini avec l’humanité d’avant le déluge par un échec et cela recommence :

 

6 :9 « Et voici les engendrements de No’ah. Noa’h homme juste et intégre dans ses générations et il se conduisait avec Dieu. »

 

Pourquoi la tradition n’a-t’elle pas nommé cette Parashah Toldot mais No’ah ?

 

Il va falloir attendre Isaac pour qu’une Parashah soit nommée Toldot, engendrements. Et c’est là une règle : la tradition va toujours donner comme nom d’une Sidra le 1er mot important du verset. Or, le 1er mot important du verset ici c’est Toldot ?

 

Une lecture inspirée par un des commentateurs du Zohar : c’est parce que dans la lignée de Noa’h, il n’y a pas vraiment Toldot dans le sens plein, c’est-à-dire modification positive d’identité qui fait passer d’une étape à l’autre, de l’identité père à l’identité fils. Il y a une sorte de répétition par copie conforme. Il faudra attendre la famille d’Abraham pour que les Toldot soit vraiment des Toldot.

 

Qohelet - l’Ecclésiaste : « rien de nouveau sous le soleil ». Cela veut dire que tout se répète, dans des formes tellement différentes que cela nous trompe, mais tout se répète. C’est cette espèce de pessimisme apparent du temps selon Qohelet - Ecclésiaste 1:9 :

וְאֵין כָּל-חָדָשׁ, תַּחַת הַשָּׁמֶשׁ   - eïn ‘hadash ta’hat hashemesh - rien de nouveau sous le soleil.

Or, c’est cela l’histoire universelle.

 

Il y a 2 auteurs (Oscar Spengler – Arnold Toynbee) que j’ai étudié qui ont mis cela en évidence qu’il y a des grandes structures dans l’histoire des civilisations qui se répètent sous des formes phénoménologiques différentes, mais le fait de civilisation est le même. Le développement des civilisations passent par tous les âges quelle que soit la civilisation considérée.

Celle de Babel l’a connu, celle des Perses l’a connu, celle du Niger l’a connu. J’ai étudié la chevalerie chez les Nigériens et cela ressemble étrangement à la chevalerie européenne, surtout française que je connais mieux (le roman de la rose).

 

אֵלֶּה, תּוֹלְדֹת נֹחַ--נֹחַ

Eleh Toldot Noa’h Noa’h 

Voici les engendrements de Noah: Noah.

 

Un fils de Noa’h sort d’une machine à photocopier qui s’appelle Noa’h…

Il y a répétition à l’identique : « rien de nouveau sous le soleil ! ». Le temps fait du surplace. Dans une espèce de kaleidoscope de formes diverses et avariées , mais finalement c’est la même chose.

Le Midrash sur ce verset de Qohelet dit « rien de nouveau sous le soleil, mais sous la lune oui ».

Et vous connaissez le Midrash qui compare le temps des Goyim au temps solaire et le temps d’Israël au temps lunaire. Le temps des Goyim est le temps de l’année solaire où il y a des choses autres mais qui sont mêmes.

 

Les deux auteurs auxquels je faisait allusion sont Oscar Spengler et Arnold Toynbee, l’un allemand et l’autre anglais, mais ils ont sur ce problème à peu près la même thèse des structures de développement d’une civilisation.

« Rien de nouveau sous le soleil », d’après le Midrash cité cela signifie alors : il se passe rien chez les Goyim, cela recommence et c’est toujours la même chose. Tandis que le ‘Hidoush - le renouvellement - les Toladot, cela se passe sous le signe de la lune. Et vous savez d’ailleurs que les jours de la fécondité féminine sont comptés par la lune et non pas par le soleil, tout le monde connait la correspondance.

 

***

 

Retour au sujet :

 

C’est la raison pour laquelle l’histoire du fils de l’homme commence à Isaac. Mais il s’agit bien du fils de l’homme.

 

La seule identité qui peut s’acquérir c’est l’identité juive : elle est universelle. Un homme ne devient jamais un autre homme, sauf les Goyim quand ils deviennent juifs. C’est le seul cas. Etudiez bien le problème et voyez qu’il n’y en n’a pas d’autre.

 

Q. un français qui va en Amérique et devient américain ?

R : C’est un français de citoyenneté américaine. Ces descendants sont des américains d’origine française, mais un français toute sa vie reste français même quand il est citoyen américain. Tandis que dès qu’un Goy devient juif, il est juif, le jour même, en sortant de la Tévilah.

Talmud: « au sortir de la Tévila, le Goy est juif à part entière ».

Parmi l’universel humain, il n’y a qu’une seule identité qui est universelle, qui est le véhicule d’une identité unique. La preuve très paradoxale c’est l’exil : les Juifs ont prouvé dans l’exil qu’un hébreu peut être n’importe quel être à la fois. Un juif peut être français, mais aussi allemand…etc. Croyez vous qu’un français puisse être allemand et un allemand être français ? Mais un juif peut être où l’un ou l’autre. A multiplier par toutes les manières d’être non-juifs, toutes honorables par ailleurs.

Les Juifs français croient que la seule manière d’être juif c’est d’être juif-français… Dès qu’on leur parle d’un juif non-français, ils ont un regard de pitié… : « comment est-ce possible ? » « Comment peut-on être persan ? »

Je peux vous le dire d’expérience car en tant que juif de l’exil, je l’ai vécu cela en tant que juif de l’exil en Algérie. la première fois que j’ai appris qu’il y avait des Juifs qui n’étaient pas français ma réaction a été de dire : « les pauvres ! ». Comment est-ce possible de ne pas être français. Nous on était « froncés » jusqu’aux sourcils !  C’est ainsi que l’on parlait là-bas…

 

***

 

Q : Isaac est un enfant qui ne doit pas naître, tout comme Adam harishone selon le Midrash, c’est l’opposition des anges...

R :  Oui, pas seulement pour le Midrash, c’est la même chose. Ta question aurait dû être préalable à la question précédente, tu rejoins. Et Adam a été créé comme père du fils de l’homme.

 

Q : Y a t’il un parallèle entre les engendrements de Adam Harishone et ceux d’Abraham ?

R : On verra ce thème avec les enfants d’Isaac. Il y a une 1ère tentative de l’histoire humaine qui a échoué, et donc il est normal que l’on trouve les structures de la tentative des engendrements dans un certain parallélisme. On le trouve tout d’abord entre la lignée de Caïn et la lignée de Shet. Ensuite, cette structure profonde se retrouve dans la famille d’Abraham.

Le récit biblique commence avec un pessimisme énorme. C’est un récit d’échec successifs qui mènent à des catastrophes successives. Etant le message prophétique de l’espérance humaine comment comprendre que la Bible commence par nous asséner de manière massive et froide, imperturbable, un récit d’un tel pessimisme où tout échoue ?

Le récit de l’histoire humaine : de la première période jusqu’au déluge, on ne se rend pas compte à quel point c’est froid comme impression ! La Torah qui va être le véhicule d’une message d’espérance commence par de tels récits d’échecs et de catastrophes ? On ne se rend pas compte ce pessimisme absolu. Tout est bouché. Chaque équation qu’il faut résoudre aboutit à une catastrophe.

 

Dans ce récit du pessimisme universel, il y a un récit d’optimisme d’espérance qui commence avec Abraham. Un récit dans le récit où les mêmes situations sont reprises dans la perspective d’une espérance de solution. Dans le récit de l’histoire universelle le frère tue le frère. C’est l’histoire universelle où Caïn tue Abel de façon sempiternelle. Cf. toutes ces réunions mondiales pour la paix et que la seule qui les intéresse c’est la nôtre ?

 

Dans la famille d’Abraham l’histoire va commencer lorsqu’on est sûr que le frère ne tue plus le frère. C’est l’amour de Joseph et ses frères. C’est là que Bereshit s’arrête et que l’histoire va commencer. Joseph est un 1er fils aîné qui aime ses frères, alors on a réussi à résoudre le problème Caïn-Abel.

 

Il est donc normal de retrouver les mêmes structures de l’équation de l’identité humaine dans les différentes généalogies. 13 fois dans tout le Miqra, le mot de Toladot qui signifie l’histoire est employé. Il n’est écrit en toutes lettres (avec deux Vav) que 2 fois. La première occurence se trouve en « Eleh Toldot Shamayim Vaarets Béhibaréam », et le dernière qui se trouve dans le livre de Ruth pour annoncer les engendrements de David à partir de Ruth. Dans toutes les autres étapes intermédiaires le mot de Toladot est écrit « ’Hasser - défectif » avec un des Vavim manquant. Pour tous les autres engendrements, il manque un Vav. Il y a un cas particulier ce sont les engendrement de Ishmaël où il manque les deux Vavim, c’est « ‘hasser  vé’hasser », doublement défectif pour indiquer la stérilité absolue. C’est des copies conformes, pur et simple. C’est la bénédiction du nombre. (Très schématiquement, la quantité sans la qualité). La théologie musulmane ne connait pas (et la rejette totalement) la notion de « l’évolution créatrice » pour employer les termes de Bergson, l’idée qu’il se passe quelque chose dans la durée. C’est complétement évacué de la pensée de l’islam : la durée n’a pas de sens, l’histoire n’a pas de sens.

Chez les Grecs on trouve la Ma’hloqet (controverse) entre les deux tendances Héraclite et Démocrite. L’un qui tient compte de la durée et l’autre qui évacue la durée. C’est un controverse dans toutes les traditions philosophiques. Il y a toujours une tradition existentielle pour laquelle la durée est importante, il se passe quelque chose dans l’histoire et une autre qui évacue complétement la durée. 

 

***

 

Deuxième manière de percevoir cette question :

Pourquoi commence-t’on à l’histoire d’Isaac ? et pas à l’histoire de la création du monde donc de l’homme ?

 

Nous allons réfléchir sur un des points de l’analyse : Pour quelles raisons la naissance d’Isaac est-elle si difficile ?

 

ð   Il y a d’abord ce thème d’une stérilité d’une préhistoire antérieure à laquelle est annoncée un message d’espérance de fécondité. C’est lorsque Abraham - qui fait encore partie de cette histoire d’avant les Patriarches d’Israël – il en est la transition – dans la Guémara la question se pose de savoir si Abraham était un Ben Noa’h ou déjà Israël (c’est un sujet important que je me borne à vous signaler) – lorsque Abraham se connaissant comme fin d’histoire, aboutissant à une stérilité absolue,  quand il y a épuisement de « l’élan vital » (Bergson encore), lorsqu’Abraham est capable d’entendre et d’intégrer ce message, la Bessorah, l’annonce qu’il sera fécond, qu’il engendrera et qu’il s’appelle Abraham. C’est la foi biblique qui commence.

 

ð   Il y a un 2ème niveau de lecture qui est important – je m’appuie ici sur les catégories du Midrash - nous avons 3 Patriarches. Pourquoi l’identité d’Israël ne commence-t’elle pas par un profil d’identité comme dans toutes les traditions mais par 3 ? C’est encore un sujet pour lui-même. On apprend que ces trois justes Tsadikim, Abraham, Isaac et Jacob ne sont pas des sosies, des copies conformes. L’un est le fils de l’autre dans le sens des engendrements. Il se passe quelque chose entre chacune de ces 3 identités : Abraham, Isaac et Jacob.

 

Au niveau des vertus fondamentales de l’identité du juste, il y a trois vertus fondamentales très différentes qu’il est nécessaire d’unifier et de faire converger pour que l’identité d’Israël apparaisse.

Israël est fils de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham.

 

Fils d’Abraham ce sont les fils d’Abraham. Fils d’Isaac, ce sont les fils d’Isaac. Fils de Jacob ce sont les fils de Jacob. Ce sont trois identités importantes dans l’histoire du monde. Mais Israël c’est fils de Jacob, fils de Isaac, fils d’Abraham. Les trois à la fois ! C’est pourquoi c’est finalement une identité surhumaine.

 

Prises séparément se sont trois identités importante dans l’histoire du monde, mais Israël unifie les trois à la fois. C‘est presque une identité surhumaine finalement. Disons « humaine plus ». L’humanité a passé son son temps à nous rendre sous-humain, ce n’est pas pour rien…

 

La vertu dominante d’Abraham en tant que Tsadik et d’Isaac en tant que Tsadik sont opposées.

La vertu dominante d’Abraham c’est Midat ha’Hessed, la grâce absolue dans le sens théologique, la Bonté absolue, l’altruisme absolue. Alors que la vertu dominante d’Isaac, c’est Midat HaDin la Justice stricte. Son histoire est celle de la mise à l’épreuve selon la justice.

 

Je le dis en 4 phrases mais c’est le sujet du 2ème chapitre que l’on lit le 2ème jour de Rosh hashanah. Il ne pouvait pas naître, il est né, il devait mourir et il n’est pas mort. C’est l’histoire de son épreuve. Il est exemplaire d’ailleurs que comme pour tout individu dans l’histoire du monde Isaac est au centre des 2 patriarches du commencement des engendrements et de l’achèvement des engendrements.

 

Isaac est le fils du père et le père du fils. Mais lui qui est-il ?     

 

Tout un chacun dans l’histoire du monde c’est d’abord Isaac !

 

Alors la destinée de l’individu pour lui-même (c’est intentionnellement que j’emploie le terme d’individu et non celui de personne) est exemplaire chez Isaac. Il a cette vertu d’être capable de mériter le droit d’être, en payant le vrai prix de ce qu’il a reçu en don, son être. Il n’y a qu’un seul vrai prix de cet être que j’ai reçu en don, c’est cet être lui-même ! Quand il est capable de le rendre, il s’acquiert ! C’est au moment où il est capable de rendre son être que Dieu lui dit : c’est à toi ! Et il dit à Abraham : ne le touche pas ! C’est cela l’épreuve !

 

Donc Its’haq a vécu l’intimité de la Midat HaDin. Il est le Tsadik de la Midat HaDin. Il est capable de la Midat hadin (vertu de rigueur et justice stricte).

 

Il a reçu l’être en don et pour que ce don lui soit confirmé comme lui appartenant vraiment – c’est le sens de l’histoire de notre destinée sur terre : acquérir le droit d’être – il faut le payer. Mais à quel prix ? Il n’y a pas d’autre prix que cet être lui-même ! Il n’y a pas d’autre monnaie que « moi » pour payer « moi ». Alors, dès qu’il est prêt à en payer la prix, cela s’acquiert. Vous voyez pourquoi pour Isaac ce n’est pas une épreuve parce que c’est sa vertu d’être Isaac.

 

Par contre, pour Abraham c’est une véritable épreuve parce qu’il est le Tsadik de la Midat ha’Hessed. Il est généreux par excellence, et on lui demande d’être le plus terrible qui soit du point de vue de la rigueur : sacrifier son fils !

 

Regardez ce récit : Dieu après tellement d’efforts pour Abraham finit par faire croire à Abraham qu’il aura un enfant et dès qu’il l’obtient, Il lui dit « rend le moi ! » ? 

On ne se rend jamais compte de ce qu’on lit quand on lit ce qu’on lit ! Le Midrash le met en évidence. D’où la stupéfaction d’Abraham mise en évidence par le Midrash : « l’enfant de la promesse, Tu veux que je Te le rende ? » A quoi joue le monde ?

 

On est tellement imprégné de la mentalité de la culture chrétienne qu’on parle du sacrifice d’Isaac comme s’il avait eu lieu ! Il faut s’en dégager. L’essentiel du message de ce récit c’est justement de nous apprendre que ce sacrifice n’a pas eu lieu. Et on le lit comme s’il avait lieu…

 

Je veux mettre en évidence la différence d’identité entre Abraham et Isaac.

Qu’Abraham engendre un autre Abraham c’est facile. Engendrer Isaac c’est difficile ! Que le Tsadik selon Abraham engendre le Tsadik selon Isaac, c’est cette mutation-là qui est la difficulté. Que la miséricorde absolue engendre la rigueur absolue c’est cela la difficulté.

 

Pour Abraham, engendrer Ishmaël est très facile, il lui suffit de poser le regard sur Hagar...

Abraham est capable de faire un Ichmaël. La bénédiction d’Ichmaël c’est le nombre effarant. Rendez-vous compte à quel point le monde manque d’humour : il présente Israël comme le tortionnaire d’une minorité humaine : le monde arabe ! Manque d’humour total. Et finalement, derrière le monde arabe, tous les musulmans et tous leurs alliés. C’est-à-dire le monde entier : Israël tortionnaire du monde entier…

 

Créer le monde c’est le même thème : créer le monde c’est la miséricorde absolue, c’est-à-dire donner l’être. Le ‘Hessed absolu c’est mettre au monde, faire exister l’autre. La création c’est un acte de ’Hessed absolu. Et ce qui est créé, c’est le monde qui est soumis à la loi de détermination la plus rigoureuse que l’on appelle la loi de la nature.

 

La création du monde c’est la Midat ha ‘Hessed qui créé la Midat HaDin (qui est la Midah de ce monde-ci). Isaac est le Tsadik de ce monde-ci par excellence. Il est le Tsadik de la Midat HaDin. C’est le même thème.  

 

***

Le bon Dieu en a marre de la terre, il convoque Bush, Gorbatchov et Shamir : « la terre j’en peux plus dans 10 jours, Teshouvah ou c’est fini ! ».

Bush convoque son peuple : j’ai deux nouvelles à vous annoncer une bonne et une mauvaise :

Premièrement, Dieu existe mais deuxièmement, dans 10 jours c’est fini parce que vous ne ferez jamais Teshouvah !

Gorbatchov convoque son peuple : j’ai 2 mauvaises nouvelles à vous annoncer : 1- Dieu existe et 2- dans 10 jours plus de terre ! 

Shamir convoque son peuple : j’ai 2 excellentes nouvelles : 1-Dieu existe, on le savait et 2- dans 10 jours il n’y a plus d’Intifada...

 

< fin >

*****

 

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 11:37

 

 

Premier Jour de Roch Hashana : engendrement et jugement

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/roch_hachana_premier_jour_des_engendrements_et_jugement/cours_1

Durée : 47,3 minutes
Face B

[ Inversion des cours sur Toumanitou : Début Face B – Suite Face A ]

 

Parashah de Rosh hashanah :

La Parashah de la semaine c’est la Parashah de Rosh Hashanah. Comme vous le savez nous avons 2 jours de suite: 1er jour au Chapitre 21 de Bereshit, et le 2ème jour au Chapitre 22 du livre de Bereshit.

Je vous énumère rapidement les sujets des différents chapitres et je diviserais l’étude en 2 parties : 

 

D’abord une introduction sur la question de savoir pourquoi la tradition a choisi le thème de la naissance d’Isaac et le récit de ce qu’on appelle faussement le récit du « sacrifice d’Isaac » et non pas le commencement de la Torah. Puisque Rosh Hashanah est le commencement de l’année et que l’événement historique qui est commémoré c’est la Création du monde, on pourrait s’attendre à priori que la tradition ait choisi comme lecture du commencement de l’année, le commencement du livre de Béréshit ? Or, comme vous le savez, on ne recommencera à lire le début de la Torah à partir de Bereshit qu’à partir de Sim’hat Torah, c’est-à-dire le dernier jour des fêtes de Tishri, le lendemain de la fin de la fête de Soukot. 

 

Pour le temps restant j’étudierais avec vous les thèmes que vous choisirez dans ces 5 thèmes que je vais vous énumérer à partir du chapitre 21 :

 

1-       le récit de la naissance d’Isaac et le conflit avec Ishmaël. La séparation d’Ishmaël de la maison paternelle : on apprend entretemps la naissance d’Ishmaël qui est agé de 13 ans au moment de la naissance d’Isaac. Tout se passe comme si la circoncision d’Ishmaël a lieu à l’âge de Bar-Mitsvah pour Its’haq alors que la circoncision de Isaac a eu lieu à 8 jours. Il y a là un thème qui a été étudié, formulable ainsi de façon rapide: il y a une situation d’identité de préhistoire par rapport à l’identité Yits’haq en tant que descendance d’Avraham. En fait, il faut de suite le préciser : Ishmaël n’est pas le fils d’Avraham mais le fils d’Avram qui est à un autre stade d’identité que Abraham et ce n’est qu’à postériori que la Torah le reconnaitra comme fils d’Abraham, après ce que la Torah appelle la Teshouvah d’Ishmaël par rapport à Yits’haq. Le conflit entre les deux identités commence dès la naissance de Yits’haq et ne s’est pas encore achevé puisque nous vivons en plein les péripéties de la fin. Mais la Torah prévoit qu’il y aura un achèvement à un certain moment du développement de l’histoire des rapports entre Ishmaël et Yits’haq - voyez à quel point c’est très important pour notre histoire générale mais surtout pour l’histoire des générations contemporaines - par une Teshouvah de Yishmaël par rapport à Yits’haq.  

 

2-       Le récit du conflit entre Abimelekh roi de Philistée et Abraham. La Philistée est grosso modo le territoire de Gaza – Azah en hébreu. On a des problèmes avec cela depuis l’origine des temps. Il faut bien comprendre pourquoi c’est situé précisément à l’endroit où c’est situé dans l’enchainement des enseignements de ce récit: premièrement naissance d’Isaac et conflit avec Ishmaël, et immédiatement après la séparation d’Ishmaël d’avec Its’haq, intervention de Abimelekh qui réclame la possession de la terre promise à Israël ? Remarquez encore une fois de plus à travers le temps et un si long temps, le parallèle entre les événements du commencement et les événements de la suite des temps jusqu’à nous. Le véritable conflit sur la terre d’Israël nous l’avons avec la Jordanie puisque la terre d’Israël est censée comprendre la Jordanie. Et s’il y a une solution d’ailleurs il faudra en tenir compte. Je crois que la réalité de l’histoire a une providence qui lui est propre et qui tient toujours compte de la réalité de l’histoire. Mais malgré tout, il est bien évident qu’il n’y a eu que de très rares moments dans toute l’histoire, histoire contemporaine comprise, où ce territoire de la Philistée  - le territoire de Gaza -  Azah - a pu être libéré par Israël, et comme vous le savez, il est un des foyers du problème.

 

3-       Ensuite, il y a la Aqédat Its’haq traduit par le « sacrifice d’Isaac » mais qu’on ne peut appeller ainsi parce que le sacrifice n’a pas eu lieu. C’est important à signaler parce qu’il y a trop de bons esprits qui ont tendance à faire un parallèle entre ce récit de cet épisode de la Bible et la Shoah, en prenant pour modèle de la Shoah un sacrifice d’Isaac qui aurait été accompli. Vous pressentez qu’il n’y a aucune base à ce parallèle sortant de mentalités que je préfère ne pas qualifier, mais malheureusement, tant chez les non-Juifs que chez les Juifs eux-mêmes, il y a une sorte de tendance à établir ce parallèle qui est faux dans l’essentiel et dans toutes ces implication. C’est extrêmement dangeureux.

 

4-       Après la fin de ce récit de la Aqédat Its’haq on s’aperçoit que l’épreuve n’était pas pour Isaac mais pour Abraham. Vous verrez le premier verset du chapitre 22 :

וְהָאֱלֹהִים, נִסָּה אֶת-אַבְרָהָם  

« Et Dieu mit Abraham à l’épreuve ». Aucune allusion au fait qu’Isaac soit mis à l’épreuve dans cet épisode. Le titre traditionnel c’est Aqédat Its’haq : allusion au fait qu’Isaac a été lié (Laaqod = lier, ligoter) sur l’autel. C’est une des passages les plus importants de la liturgie de Rosh HaShanah et de Yom Kipour. En particulier, dans les Seli’hot du rite séfarade et ashkénaze. C’est une des pièces maitresses de la liturgie des Yamim Noraïm.

 

5-       A la fin de ce récit, il y a un tout petit récit qui annonce la naissance de Rivqah qui deviendra épouse de Yits’haq. On l’apprend par quelques versets important que la suite de la lignée dont était issu Abraham, la lignée de Tera’h. Téra’h a eu trois enfant, Haran mort à Our-Kasdim, son fils était Loth le neveu d’Abraham, ensuite Abraham et Nahor. Abraham et Nahor ont quitté Our-Kasdim mais Nahor est resté à ‘Haran. Et Abraham est revenu au pays de Canaan. Dans la lignée de Nahor on annonce qu’il y a une fécondité qui continue dans cette préhistoire de l’exil d’Our-Kasdim, les Hébreux se sont perdus et sont rescapés dans la familles d’Abraham ; et c’est là dans cette matrice d’où était sorti Abraham, que les descendants d’Abraham qui méneront à la lignée d’Israël pourront trouver femme pour continuer les engendrements.

   

Voilà les 4-5 principaux thèmes des récits de ce 2ème chapitre.

Une autre approche d’étude aurait été d’étudier d’abord les différents thèmes que représente ce jour de Rosh Hashanah dans l’année qui est double d’ailleurs puisqu’il y a 2 jours de Rosh hashanah.

 

Nous avons l’habitude de lire l’ensemble de la Torah pendant l’année. Chaque Shabat on lit une partie du ’Houmash, les 5 livres du Pentateuque. On pourrait s’attendre à ce que normalement la tradition décide de recommencer la lecture à partir de Rosh Hashanah. Puisque le récit de la préface historique de la Torah comme Loi commence à la Création du monde et que Rosh Hashanah est la commémoration de la Création du monde et donc le Jour du Jugement.

 

Ce n’est pas le cas et la tradition a décidé que la lecture de la Torah le jour de Rosh hashanah serait ces différents épisodes cités dont le thème général reste centré sur l’identité d’Isaac. Il y a une sorte de commencement de l’histoire d’Israël avec Isaac. Il y a une question dans la question : si on a choisi de commencer le récit par le commencement de l’histoire d’Israël pourquoi a t-on choisi Isaac et pas Abraham ? C’est une question intérieure à une question beaucoup plus générale : pourquoi pas à la création du monde ? Chaque approche de ces questions sont des sujets pour eux-mêmes mais je vous indique la structure du problème.

 

Quelques mots quand même pour désigner l’identité de commémoration de Rosh hashanah:

Le jour de Rosh hashanah a trois dénominations :

 

ð   Rosh hashanah : on s’est habitué à l’appeller Rosh hashanah par excellence. Or, le calendrier hébraique possède 4 Rosh Hashanah différents. C’est encore un autre thème d’étude : pourquoi celui-là a-t’il le privilège d’être le Rosh-Hashanah par excellence ? Thème relié : le calendrier n’a pas de fin d’année, il n’a que des commencements d’années. Je ne peux pas entrer dans ce thème-là qui me prendrait trop de temps: rendez-vous à ‘Hanoukah !  Indépendamment de cette appélation la plus familière de Rosh hashanah, il y a deux autres noms.

 

ð   Yom HaZikaron celui que lui donne le texte de la Torah shebikhtav

 

ð   Yom HaDin le nom que lui donne la Torah shebéalpéh la tradition orale du Talmud,

 

Quelques mots sur ces deux dénominations:

Lorsque la Torah insitue la liturgie du jour de Rosh hashanah, c’est le 1er jour du 7ème mois du calendrier des patriarches. Ce n’est qu’à la sortie d’Egypte que le 1er mois du calendrier hébraïque deviendra le mois de Nissan. Il y a ici encore un sujet pour lui-même. Le pourquoi des deux chronologies dans le calendrier hébraïque : l’un avant la sortie d’Egypte et l’autre à partir de la sortie d’Egypte ? Or, dans le texte de la Torah le mois de Tishrei est appelé le 7ème mois. C’est donc dans le calendrier des Avot jusqu’à la sortie d’Egypte le 1er mois de l’année c’est le mois de Tishri.

Ce n’est qu’à partir de la sortie d’Egypte que le 1er mois de l’année sera le mois de Nissan.

Là encore c’est un sujet pour lui-même dans lequel je ne veux pas pénétrer non plus.

Le texte de la Torah nomme ce jour Yom hazikaron le jour du souvenir.

 

Souvenir en hébreu se dit Zekher bien que la connotation du terme de zekher soit beaucoup plus ample que celle de souvenir du point de vue de ce que serait une philosophie de la mémoire. Mais il y a bien correspondance du point du vue du dictionnaire : un souvenir c’est un zekher. Lorsque  je me souviens d’un événement et que je le rends présent par la mémoire à mon esprit, cela se dit un zekher. La fonction de mémoire se dit Zikaron. Nous avons un autre mot rattaché aussi à la même racine qui est zikhron – petit souvenir.

En général la désinence en « on »  après un substantif a en hébreu en général le sens de diminutif mais peut aussi signifier le superlatif. Zikhron petit souvenir mais Zikaron c’est la mémoire totale le superlatif de Zekher.

 

(Exemples : Shabaton petit shabat, mais la désinence en on peut aussi désigner le superlatif : Elyon superlatif de  Al (sur) - Adam c’est un homme et l’homme ‘plus’ est Adon – un maître qui est comme un superlatif de Adam... etc.)

 

Yom hazikaron, au niveau de la Torah shebikhtav le jour de Rosh hashanah est appelé Yom hazikaron - le jour de la mémoire totale. Nous allons tenter d’en comprendre la signification avec le lien de sens avec la dénomination qui va être donnée par la Torah shebéalpéh : Yom hadin qui est le jour du jugement.

 

Etant donné que le contenu de l’événement de commémoration se relie au commencement de l’histoire du monde, il est évident que par le biais de la relation de sens entre commémoration et mémoire, cela signifie que l’événement de commémoration met en jeu la mémoire totale à partir du commencement de l’histoire du monde.

 

Tous les jours du calendrier, indépendamment de leurs significations religieuses, spirituelles, de préfiguration messianique… etc, d’autre part, sont aussi des jours de commémoration d’un événement historique.

 

Le jour de Rosh Hashanah apparait comme un cas particulier : l’événement historique qui y est  commémoré est l’événement transhistorique de la création du monde.

 

Que signifie alors que la Torah nomme ce jour-là Yom hazikaron - jour de la mémoire totale ?

Cela veut dire que ce qui est mémoré, remémoré, commémoré, c’est la mémoire totale depuis le commencement de l’histoire du monde ! D’où le sens du mot Zikaron - mémoire absolue.

Voilà pour la 1ère définition : Au niveau de la Torah shébikhtav, le jour de Rosh hashanah s’appelle Yom Hazikaron. Zikaron est une sorte de superlatif de Zekher. (En français le superlatif est toujours celui d’un adjectif alors qu’en hébreu nous avons cette catégorie de superlatif des substantifs.)

 

D’autre part, nous voyons tout autrement que la Torah shebéalpéh, elle, va nommer Rosh hashanah: Yom hadin : le jour du jugement.

 

Quel rapport y-a-t’il entre la notion de mémoire et la notion de jugement ?

 

Je vous donne de suite la réponse pour gagner du temps : C’est que nous sommes jugés par la mémoire. Il y a une mémoire totale qui enregistre tout ce qui se passe dans le monde. Le sujet est extrêmement passionnant. Quel est le critère sélectif de la mémoire subjective de chacun qui fait que l’on retient certains souvenirs et pas d’autres ?

 

Avant même d’aborder l’analyse très importante de la psycho-analyse à ce sujet, et les différents niveaux de la conscience du subconscient et de l’inconscient, déjà au niveau de la philosophie de Bergson par exemple, il y a un critère assez répandu dans la culture occidentale : c’est que l’on a tendance à retenir des souvenirs en tant qu’ils sont disponibles pour la mémoire, des souvenirs qui peuvent servir à une action éventuelle plus tard.

 

Au moment de l’enregistrement des représentations, sont engrangées dans une mémoire réserve que l’on appelle sous forme de souvenir à la conscience des représentations que l’on a perçu dans la perspective d’une utilisation future. Si cela sert à… C’est d’allure pragmatiste, c’est un thèse développée dans la philosophie des anglo-saxons qui est marquée par l’utilitarisme et le pragmatisme (alors que la philosophie des latins est plutôt rationaliste).

 

Quelques indices de biologie médicale qui le corroborre : Au-delà de cette mémoire sélective qui est le propre de la subjectivité de chacun, chacun se construit un passé de personalité consciente selon des critères qui lui sont propres. Malheureusement, on ne sait plus maitriser ses propres critères. Les grands, les anciens, savaient maitriser leurs propres critères et étaient vraiment eux-mêmes. Au-delà de cela, admettons qu’il y a une mémoire totale.

 

Si déjà un souvenir de ma vie passée est enregistré - hors de quoi il n’y aurait aucun « moi » derrière mon « je » - et bien c’est que tous les souvenirs sont enregistrés. Seulement, c’est que je suis incapable de les appeler tous à la conscience.  Quels sont les critères de sélectivité ? On en a parlé tout à l’heure, je n’y reviens pas.  Certains sont complétement refoulés, et se vengent : on appelle cela des complexes. D’autres restent disponibles dans une sorte de coffre-fort – de réserve de disponibilité de la mémoire et sont dans le subconscient – non présents dans la lucidité de la conscience mais on peut les appeler si c’est nécessaire.

 

On peut, par le biais de l’étude de la psychanalyse, approfondir ce sujet de manière très profonde. Ce stock considérable de mon passé me juge de façon permanente. Nous verrons que cette notion de la mémoire totale est beaucoup plus impitoyable que la notion dont se sert la Torah Shebéalpéh avec Yom haDin.

 

Yom haDin signifie le Jour où Dieu gère le monde dans la perspective du jugement, c’est-à-dire dans la méditation de la Midat HaDin – la mesure du jugement. On confronte ce qui s’est passé avec une loi de vérité. Sous une forme un peu midrashique : on ouvre le livre de la loi et on ouvre le livre de la mémoire de chacun et on compare.  Mais c’est quelqu’Un qui compare, et avec ce quelqu’Un si j’ose dire, on peut s’arranger...

 

La notion de Din est une notion terrible dans le vocabulaire traditionnel, mais c’est le Din de quelqu’Un, c’est le Din d’un Dayan. On est devant quelqu’un dont on sait que c’est le Créateur et il y a une liturgie possible, il y a une négociation possible. On peut plaider. Mais devant la mémoire absolue, alors là c’est terrifiant!

 

Cela peut apparaître paradoxal mais le terme dont se sert la Torah shébéalpéh est beaucoup plus gentil que le terme dont se sert la Torah shébikhtav qui emploie un terme impitoyable : Yom hazikaron. Et on ne triche pas avec la mémoire ! Les psychanalystes, les psychologues, le savent que lorsque la mémoire se venge, ou plutôt juge, elle est impitoyable. Tandis qu’avec le jugement d’un juge on est rassuré, il y a un juge derrrière la mesure du jugement.

Je referme cette parenthèse.

 

***

 

Ceci renforce d’autant plus la question que nous allons étudier :

S’il en est ainsi, pourquoi ne pas lire le récit de la création du monde plutôt que de commencer par le récit de la famille des Patriaches ?  Et question dans la question, pourquoi commencer par le récit de la naissance d’Isaac et non pas par le récit de la vocation d’Abraham ?

Puisque nous n’avons pas le récit de la naissance d’Abraham, mais nous avons le récit de la vocation d’Abraham qui est une Alyiah : il décide de quitter l’exil d’Our-Kasdim et décide de rentrer chez lui au pays de Canaan.

 

Il y a une controverse chez les commentateurs : est-ce que déjà à Our-Kasdim la capitale de l’empire de Nimrod ou sur le chemin à la frontière dans la ville de ’Haran il a une révélation qui lui confirme que son initiative était authentique ?

 

Dans toutes les décisions à prendre qui sont décisives, cruciales, l’initiative doit venir de l’homme en toute autonomie, et il y a révélation de confirmation par la suite. Mais en principe on devrait pouvoir s’en passer.

 

C’est-à-dire que le geste d’Abraham décidant pour lui et sa famille de quitter Our-Kasdim pour entrer dans le pays de Canaan c’est là l’essentiel. Ce n’est pas un voyage simple, entretemps certains restent en cours de route et sont devenus les présidents de la fédération sioniste de ‘Haran et sont restés là-bas...

 

Pour en revenir à notre question, nous n’avons pas le récit de la naissance d’Abraham mais nous avons au moins le récit de sa vocation. Que cherche-t’on donc dans ce commencement historique en situant la lecture de la Torah du Rosh Hashanah à la naissance d’Isaac ?

 

Je vais vous donner deux lectures du problème parmi d’autres.

 

***

 

Q: Qui a décidé des lectures des Parashiot dans le calendrier ?

 

R:  Il y a une règle traditionnelle depuis le temps du 2ème Temple, du retour de l’exil de Babel, après la destruction du 1er royaume de Judah que Ezra a institué un cycle de 3 ans permettant de lire l’ensemble de la Torah - les 5 livres du Pentateuque - sur une période de 3 ans. Un peu plus tard les Tanaïm - les maitres de la Mishnah – ont décidé que le cycle de lecture de la Torah serait d’un an.

C’est très important. Nous nous trouvons à l’époque de la cessation de la prophétie. Or, tout le récit de la Torah, y compris la préface historique, était la mémoire commune de la carte d’identité d’Israël connue par chacun. Mettez vous dans l’aire culturelle française : pour un français moyen on n’a pas à expliquer ce qu’est être français. L’histoire de chaque identité commence du dedans de l’évidence d’une identité nationale. Mais voilà que l’identité juive qui est, elle, d’origine hébraïque a besoin de se ressourcer à sa propre connaissance d’identité de façon perpétuelle. Pourquoi ? Parce que l’identité hébraïque était à un temps du monde d’une toute autre nature. Le temps où il y avait prophétie. Par conséquent, l’hébreu vivait dans un monde baignant de Névouah de prophétie et de Bible, la Torah imprégnées des évidences bibliques. La prophétie s’arrête entre la destruction du 1er temple et le retour, 70 ans après, de Shivat Tsion, de l’exil des Judéens de Babel dirigé par Ezra et Néhémie. Et c’est le temps du récit de l’épisode raconté par le livre d’Esther. C’est la fin de la révélation biblique. Le Talmud enseigne que Ezra est descendu en exil comme « fils de prophètes » et est remonté de l’exil comme « père des sages ». Jusque-là il y a avait le temps de la Prophétie qui nous est maintenant non identitifiable : aujourd’hui on vit dans un monde sans prophétie ! Sauf pour ceux qui étudient de quoi il s’agit, on les appellent des Kabbalistes. Cela existe mais je ne vous en dirais pas plus. Or, notre monde n’est pas celui de la prophétie.

 

Exemple : la Bible parle des anges avec une tranquilité d’ange. Qui sait ce qu’est un ange ? Cet être ange est étrange ! C’est évident qu’on n’est pas dans le même monde. Le monde de la bible nous est très familier parce que c’est le nôtre, mais il est très décalé. Celui qui dit comprendre ce qu’est un ange, où bien il fait semblant où bien il faut le soigner…

 

Il faut rendre cela à la poésie, à l’art, mais il est bien évident qu’à partir de ce moment de l’arrêt de la prophétie, l’identité de l’hébreu va changer pour devenir l’identité juive.

 

Alors, la tradition juive dès le début va instituer la répétition, dans le sens noble, de la lecture de notre carte d’identité chaque année, de telle sorte de ne pas nous couper de notre propre mémoire.

 

D’ailleurs, on peut dire que beaucoup de choses ont préservé notre identité à travers ces 3000 ans d’histoire depuis la fin de la prophétie - 3000 ans et plus – ce qui est un phénomène inexplicable dans l’histoire humaine. Comment cette identité juive d’origine hébraïque résurgit en tant qu’identité hébraïque, 3000 ans après ?

 

Beaucoup de choses ont été préservées mais en particulier cette fidélité de la récitation de ce récit chaque Shabat. Ceux qui ont vécu dans une communauté de l’exil savent à quel point le Kahal, l’assemblée, même lorsqu’elle ne comprenait pas du tout ce que le ‘Hazan cantilait sur la Tévah hurlait à la moindre faute car ils connaissait par cœur par onomatopée le chant. C’est une des choses qui ont préservé cette mémoire…

 

Et alors on a découpé le texte du ’Houmash en autant de sections - Sidra ou Parasha- et les érudits les nomment péricopes.

 

D’où notre question :

On recommence donc à lire la Torah chaque année pourquoi pas le jour de Rosh hashanah ?

La Guématria du mot Vayavdel est 52 : il y a autant de Havdalah le samedi soir que de Parashiot.

 

Q: Yits’haq est né à Rosh hashanah ?

R: C’est un autre problème, je ne veux pas entrer là-dedans. Je vous donne le nom d’un livre : Seder hadorot qui donne tous ces secrets pour tous les personnages bibliques jusqu’à nous.

 

***

 

Les deux questions qui se recoupent :

=> Pourquoi  ne recommence t’on pas la lecture de la Torah à Rosh hashanah ?

=> Pourquoi c’est le récit d’Isaac et pas Bereshit qui est lue à Rosh hashanah ?

 

Rabénou Be’hayé, maitre du moyen-âge espagnol, a signalé que le mot de Bereshit met en évidence

les lettres de Alef béTishrei = 1er de Tishri. C’est intéressant car l’expression est araméenne mais Bereshit est en hébreu.

 

Je vais vous citer 2 lectures du problèmes parmi d’autres réponses traditionnels:

 

Si nous prenons le concept de création au sérieux, alors il faut se rendre compte que c’est un concept qui dépasse l’intelligence humaine, seulement nous y sommes habitués par l’enseignement biblique. Nous sommes tellement familiers à l’évidence qu’il véhicule pour une conscience de foi qu’il nous semble que c’est un concept qui fait partie de la pensée humaine. Je vous donne un certain nombre de raisons très rapidement qui montrent qu’il n’en est rien. Ce n’est pas « un être de raison » comme disent les logiciens mais « un être de foi » en tant qu’être de connaissance. Parce que ce mot de Bereshit -  au commencement -  fait allusion à un événement qui ne s’est produit qu’une fois, et auquel aucune conscience humaine n’a assisté.

 

Nous avons dans la pensée humaine des concepts clairs, rationnels, mais analogues à l’idée du commencement absolu. Il s’agit par exemple de « début », « avant », « auparavant »..., mais l’idée d’un commencement absolu avant lequel il n’y avait rien est une notion qui ne fait pas partie de la raison humaine. Elle nous est familière mais nous est connue uniquement par la révélation biblique.

 

Je vous donne une autre argmentation pour vous montrer jusqu’où plonge ce problème.

On s’est demandé pourquoi c’est le 1er mot du 1er verset, ce qui fait que la Torah, la Bible, commence par un Beit. La sagesse juive pousse la logique de ses propres questions jusqu’au bout ; et cela semble même parfois exagéré. On s’est demandé pourquoi par la lettre Beit qui est la 2ème lettre de l’alphabet et non par la lettre Alef 1ère de l’alphabet ? Les 10 commandements commencent par Alef avec Anokhi. Aors le Midrash donne une réponse, ce n’est pas notre sujet.

Je relie la réponse que donne le Midrash avec notre question :

בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים, אֵת הַשָּׁמַיִם, וְאֵת הָאָרֶץ

Bereshit Bara Elohim et Hashamayim véet Haarets.

Traduction littérale:

Au commencement créa Dieu les cieux et la terre.

 

La question demande pourquoi pas « Dieu créa au commencement les cieux et la terre ».

(Le terme Elohim « Dieu » commence par la lettre Alef première lettre de l’alphabet)

 

D’autant plus qu’il y a une discussion entre les maîtres du Talmud et les philosophes de l’antiquité grecque conservée par le Talmud : il y avait un danger et malgré ce danger ce verset est tel qu’il est. Dans les traditions pré-philosophiques mêmes du monde pré-philosophique en Grèce déjà, il y avait la notion d’une super divinité qui serait le commencement qui aurait créé Dieu en même temps que les cieux et la terre. Malgré ce danger-là la Torah a maintenu cet ordre.

Exemple de la mythologie grecque : Chronos dans la mythologie grecque engendre les Titans qu’il dévore perpétuellement. C’est le temps qui engendre les 12 mois de l’année et les 12 mois sont avalés par le temps chaque année. Le mystère du début du temps - en tant que la durée - ferait apparaitre une super divinité qui s’appellerait Bereshit. On retrouve cela dans le langage de la franc-maçonnerie pour ceux qui connaisse un peu ce monde.

Malgré cela on a gardé l’ordre. Si le verset avait commencé par « Dieu créa au commencement », il y aura eu un Alef initial ! Elohim Bara Bereshit…

 

L’enseignement donné à ce sujet:

Bereshit Bara Elohim

Au commencement créa Dieu…

Pour pouvoir aborder la notion de Dieu, il faut d’abord posséder la notion de création et pour pouvoir posséder la notion de création il faut posséder la notion de commencement. C’est un ordre des valeurs révélées : d’abord admettre la notion de commencement, ensuite on peut comprendre celle de création et à ce moment-là seulement on peut entendre la notion de Dieu.

La première définition que l’enseignement biblique nous donnera de Celui que nous nommons Dieu c’est Qu’Il est le Créateur.

Donc, première révélation, la notion de commencement.

Deuxième révélation la notion de création.

Troisième révélation, la notion de Dieu : Bereshit Bara Elohim…

 

Dans tous les cas, ce que je voulais indiquer c’est que nous n’avons pas dans la pensée humaine une notion sui generis qui désigne ce que désigne ce mot hébreu de Bereshit le commencement absolu.

 

Vous savez comment les philosophes et les théologiens le définisse par le terme latin ex-nihilo : à partir du néant. 

 

On ne parlera, les choses étant prises au sérieux, de la notion de création comme en parle la Bible que d’une création ex-nihilo. S’il s’agissait de la modification de ce qui existait auparavant c’est un autre terme que la Torah emploierait, le terme Yatsar (façonner), le terme Asso (faire).

 

D’ailleurs, dans la plupart des traductions, c’est souvent un terme qui signifie le verbe faire qui traduit le verbe hébreu de créer. Je pense par exemple au grec et au latin : Facit et Poeïn. Ce terme de Bara – créer - n’existe qu’en hébreu dans le sens qu’il a dans la Bible : à partir de rien.

Ensuite, une fois entendu l’enseignement de la Bible, dans n’importe quelle langue, on peut y projeter le sens de « créer » sur un autre mot.

 

 

 

.../... 
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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 14:27

 

Rosh hashanah (1985) Suite et fin

 

 

J’ai préparé 2 Midrashim le 1er proposé à l’étude concerne Qaïn.

 

Bereshit chapitre 4 verset 16 :

 

4:16

וַיֵּצֵא קַיִן, מִלִּפְנֵי יְהוָה; וַיֵּשֶׁב בְּאֶרֶץ-נוֹד, קִדְמַת-עֵדֶן

Vayetse Qayin milifney Adonay (YHWH) vayeshev be'erets-Nod kid'mat-Eden.

 

Le thème que nous allons étudier à travers ce Midrash c’est que pour la pensée naturelle (naturelle au sens de pensée non éclairée par une révélation) la Teshouvah n’a aucune légitimité, aucun fondement, n’a pas d’évidence immédiate. Après tant de temps d’éducation biblique en général et en particulier du judaïsme, la notion de Teshouvah (c’est-à-dire qu’en cas de faute il y a éloignement et il peut y avoir un repentir, un retour) nous est une évidence tellement familière que nous croyons qu’il s’agit-là d’une évidence de la pensée humaine. 

 

Nous étudierons à travers un Midrash parmi d’autres à quel point il s’agit d’un ‘Hidoush de la Torah. Un ‘Hidoush c’est quelque chose de nouveau qui est enseigné. On peut le définir aussi comme le renouvellement de sens d’une connaissance supposée déjà acquise. 

 

Si l’homme ou la pensée humaine étaient livrés à leurs propre forces, ils ne pourraient pas parvenir à l’évidence de la notion de repentir, c’est-à-dire que le repentir est possible premièrement, et qu’il puisse être efficace, sinon sous forme d’hypothèse. C’est dire qu’elle ne pourrait pas avoir de confirmation, qu’il y là une évidence de certitude.

 

Je l’explique briévement en indiquant simplement que c’est un cas particulier de l’ensemble des notions propres à la conscience hébraïque et qu’il faut définir comme étant des enseignements de la prophétie.

 

La diffusion de l’enseignement biblique à travers le judaïsme de façon directe, ou à travers des échos souvent déformés du judaïsme par le biais de toutes traditions inspirées de la bible a rendu cette notion familière. Mais il y a un long temps culturel à remonter pour arriver à la conclusion que ce n’est pas du tout une évidence à laquelle nous conduit la pensée naturelle. Celle-ci n’est pas la pensée sauvage ou primitive comme ceux qui ont lu l’enseignement de Lévi-Strauss l’on appris, il y a tout un recodage à effectuer ; la pensée naturelle peut être très sophistiquée. A la limite il peut s’agir de la pensée philosopique la plus élaborée mais elle se définit comme la pensée naturelle, par le fait qu’elle n’évolue qu’à l’intérieur des catégories et du cadre de ses propres évidences.

Le postulat de la pensée philosophique qui est à l’origine et à la base de la culture contemporaine, à travers plusieurs siècles, mais c’est quand même-là que les principes propres à la culture  contemporaine commencent à s’élaborer, c’est que la pensée est un phénomène humain pur et simple : c’est l’homme qui pense et est le sujet de sa pensée. Il ne peut pas envisager d’autres critères de vérité ou d’évidences de vérité que ses propres critères. Cf. la formule de Descartes que j’utilise dans beaucoup de dimensions d’analyses : « Je pense donc je suis » : mais c’est moi qui pense, je pense.

Nous avons vu par cet exemple que nous avons à faire à une notion qui ne peut pas faire partie de l’évidence de la pensée naturelle.

 

Pour deux raisons essentielles :

 

=>  D’abord un raison d’ordre morale : car il s’agit d’une catégorie d’ordre moral : s’il y a faute le repentir est possible (c’est la notion de la Teshouvah) mais au niveau purement moral d’une morale rationnelle cela parait injuste, amoral, immoral.

 

 Si on y réfléchit de façon stricte dans les critères de la pensée naturelle, la plus sophistiquée soit-elle, on ne voit pas de base à la moralité d’une telle notion, qui est que si on a fauté on peut par une opération de retour-revenir-repentir, revirginiser la conscience qui avait été atteinte par la conduite de la faute. La faute n’étant en fin de compte que l’expression de cette maladie de la conscience. La morale philosophique est donc extrêmement réfractaire à cette notion. Il ne semble pas juste que si on a fauté on puisse se repentir au niveau de la pensée naturelle avant la révélation de la Torah. Le ‘Hidoush (qui est une des évidences de la conscience hébraïque, diffusée par la suite) est que le repentir est possible. Non seulement possible mais efficace en tant que clef de la possibilité de l’histoire de la moralité et de la conscience morale elle-même. (2ème Midrash).

 

La sensibilité de la moralité rationnelle philosophique est réfractaire à une telle notion. Il faut donc récupérer l’évidence, la base ontologique de cette évidence de familiarité que davka le repentir est possible et que toute la moralité repose sur cette possibilité du repentir.

 

Vous voyez pourquoi des religions dont la théologie est premiérement rationelle et philosophique, rejetera comme une impossibilité l’idée que le salut de la conscience passe par la moralité, précisément parce que lui fait défaut l’essentiel : l’évidence de la possibilité du repentir.

 

Parenthèse rapide sur le paulinisme dans la théologie chrétienne: si le salut passe par la loi morale nous sommes perdus : à la 1ère faute nous ne serions pas seulement condamnés mais damnés. C’est de là que procède la panique devant la loi : il manque la coordonnée principale de la possibilité du repentir.

 

A chaque reprise de ces textes je reste très impressionné par l’inconséquence de ce type de lecture de la bible par la conscience chrétienne. Comment envisager cette panique qui est de l’ordre de la tragédie de la conscience grecque ? On parle souvent de Paul comme d’un talmudiste mais sa conception de la loi n’a rien à voir avec la Torah tel que le Talmud l’enseigne. C’est la loi grecque, c’est la loi romaine qui est impersonnelle et avec laquelle on ne peut pas discuter, avec laquelle on ne peut pas négocier. (Psharah - mot utilisé par les Mefarshim du Midrash  la première fois à propos de la Teshouvah de Caïn).

 

Pour la sensibilité morale philosophique (rationaliste), l’idée de Teshouvah est impensable. C’est comme disait les Grecs un scandale. Cela nous explique en conséquence les attitudes théologiques religieuses qui cherchent leur salut en dehors de la loi morale, parce qu’il y a une panique de fond. Si c’est par rapport à la loi que nous sommes jugés dans l’histoire du salut de notre destinée alors nous sommes perdus à l’avance. En ce sens, le 1er paulinien c’est Qaïn !

 

=>  La 2ème raison est d’ordre intellectuelle : vav hahipoukh. La conduite de la Teshouvah consiste à revenir en arrière dans le temps pour faire un Tiqoun dans un temps déjà passé, révolu.  Or, pour la pensée naturelle, le temps est irréversible. Et donc il y a aussi une raison intellectuelle qui rend impensable cette notion de Lashouv : revenir en arrière pour faire un Tiqoun dans le passé. Mais le passé c’est du passé ! Alors cette notion de la réversibilité temporelle est aussi une notion strictement hébraïque.

 

La règle du changement des verbes du passé en futur et du futur en passé est une règle strictement hébraïque et vous devinez que ce n’est pas qu’une règle de grammaire pure et simple : c’est une règle de pensée et de discours où s’exprime une manière d’être de la conscience hébraïque, qui peut être ensuite imitée. Ne serait-ce que littérairement ou poétiquement. On ne trouve pas cette règle dans un autre discours humain, c’est une particularité hébraïque.

 

C’est ce qu’on appelle dans la tradition le Koa’h hahipoukh, la force de l’inversion, la capacité de l’inversion, qui est le propre d’Israël.

 

On a lu la Parashah de KiTavo avec les Brakhot et Qlalot. 

Un verset des Prophètes fait dire à Dieu à propos des malédictions de Bilaam : « et Dieu a inversé vayahafor et haqlalah oubrakha : et Il a inversé la malédiction en bénédiction. »

 

Nous allons voir déjà cette indication dans la prise de conscience de la faute chez Qaïn.

Et c’est la prise de conscience de la faute qui mène à la prise de conscience morale chez Qaïn.  

C’est après la faute que la conscience de Qaïn s’éveille. C’est quand Dieu se révèle à lui pour lui demander des comptes de son acte que Qaïn se rend compte de ce qu’il s’est passé : et donc il découvre le problème moral à postériori de la faute. Lorsque tel est le cas, il n’y a pas d’issue : c’est la conscience tragique. C’est fini, c’est trop tard, c’est irréversible, c’est perdu...

 

C’est là je crois la racine de la manière dont la conscience grecque a abordé l’espérance de la conscience hébraïque et elle n’a jamais pu se débarasser de ce tragique de l’irréversible même lorsqu’elle adopte l’expérience hébraïque.

 

Bereshit chapitre 4 verset 13

 

וַיֹּאמֶר קַיִן, אֶל-יְהוָה:  גָּדוֹל עֲו‍ֹנִי, מִנְּשֹׂא

Vayomer Kayin el-Adonay gadol avoni minesso.

 

Lorsque Caïn prend conscience après l’explication que Dieu lui donne sur ce qui s’est passé. Comme c’est la 1ère fois que cela se passe on peut comprendre que La Torah nous décrit en détail la prise de conscience.

 

Alors Caïn dit... et il faut retenir que c’est Hashem et non Elohim qui parle dans le verset :

 

Vayomer Kayin el-Adonay gadol avoni minesso.

 

Le Pshat c’est une affirmation désolée :

gadol avoni minesso

Avon un desmots pour dire la faute- ma faute est trop grande pour être portée-enlevée-pardonnée…

 

nessou avon est une expression très courante du Miqra : lorsqu’un faute est littéralement enlevée, portée ailleurs, par quelqu’un d’autre et c’est une des expressions pour dire pardonner.

 

Qaïn prend conscience de sa faute et de lui-même comme perdu, condamné dans le sens de damné.

 

Il faut évacuer toute la littérature sur « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn…. » qui vient évidemment de la sensibilité chrétienne de cette histoire, chrétienne c’est-à-dire grec lisant l’hébreu  avec cet espèce de dimension tragique du remord inguérissable.

Alors que la Teshouvah est précisément la guérison du remord.

 

C’est là le verset dans son niveau Pshat gadol avoni minesso : Caïn est perdu il est litérralement grec de conscience chrétienne. Dans cette optique et dans l’histoire, en tant que tel, il faut se choisir un salut en dehors de la moralité car si le salut passe par la moralité on est perdu. 

 

La suite est très importante à compendre mais déborde notre sujet. Surtout le verset suivant 4:14:

 

הֵן גֵּרַשְׁתָּ אֹתִי הַיּוֹם, מֵעַל פְּנֵי הָאֲדָמָה, וּמִפָּנֶיךָ, אֶסָּתֵר; וְהָיִיתִי נָע וָנָד, בָּאָרֶץ, וְהָיָה כָל-מֹצְאִי, יַהַרְגֵנִי

Hen gerashta oti hayom me'al peney ha'adamah

Qu’est-ce que al peney ha’adamah ?

oumipanehha essater

toute la question de ester panim commence ici

vehayiti na vanad ba'arets

l’exil comme punition de la faute

vehayah khol- motse'i yahar'geni

Tout ce verset est un sujet pour lui-même...

 

gadol avoni minesso

dans le Pshat, c’est une désolation, avec la conscience tragique du remord.

 

Regardons rashi sur ce verset :

Rashi ad loc va rendre Qaïn beaucoup plus intelligent qu’il n’apparait au niveau Pshat :

 

Rashi :

גדול עוני מנשוא: בתמיה, אתה טוען עליונים ותחתונים, ועוני אי אפשר לטעון:

Btmiah : c’est une question.

 Rashi nous dit : Ne lisons pas cela comme affirmation (désolée) mais comme interrogation étonnée Btmiah.

Atah toên elionim véta’htonim

« Tu portes, dis Qaïn à Dieu, les êtres d’en-haut et les êtres d’en-bas.

VéÂvoni i efshar leâhit’hon

Et ma faute tu ne pourrais pas la porter, Toi ? »

 

Il semble bien que Rashi ait eu ici dans le colimateur la théologie chrétienne :

« Toi qui porte le ciel et la terre tu ne porterais pas aussi ma faute ? Prend-la sur toi que je sois sauvé ! ».  

Et dans le Midrash que cite Rashi Dieu répond : « Je porte le monde entier, ta faute portes-la ! ».

C’est à propos d’un autre verset :

 

Verset 7 du chapitre 4

 הֲלוֹא אִם-תֵּיטִיב, שְׂאֵת

Halo im-teytiv se'et

Regardez bien le mot de Se’et.

N’est-ce pas que si – téitiv- tu t’améliores – se’et – cela te sera enlevé-

On trouve déjà la perche du repentir.

 

J’ai l’habitude de citer ici un autre Midrash à propos de la faute de Adam harishone :

Chaque fois qu’un homme ou une femme meurt, Adam harishone vient s’assoir à son chevet et lui dit « mon fils, ma fille, ce n’est pas pour ma faute que tu vas mourir mais pour ta faute, que les choses soient claires ».

C’est dans la Gemara de Yoma à propos de l’enseignement …/…


< Fin >

 

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9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 18:12

Rosh hashanah 1985

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/fetes_et_calendrier/roch_hachana/cours_1

Face A

 

Orot HaTshouvah – c’est un petit livre du Rav Kook qui a déjà plusieurs éditions. Il disait à ses élèves  qu’il le lisait et l’étudiait au mois de Eloul pour apprendre encore et qu’il apprenait beaucoup plus que ce qu’il avait écrit. Avant lui, dans la Shitah du Gaon de Vilna, d’où le Rav était issu, on étudie le mois d’Eloul un livre du Rav ‘Hayim de Volozine – le Nefesh ‘Hayim  - pendant le mois d’Eloul pour la préparation de la Teshouvah. A partir de la semaine prochaine il sera disponible en français traduit par Benno Gross. C’est un livre très difficile à traduire, c’est un tour de force colossale.

 

Orot HaTeshouvah a eu plusieurs tentatives de traduction, à ma connaissance qui n’ont pas abouti, c’ est écrit dans un hébreu très difficile à traduire en français.

 

C’est un petit livre en quantité mais énorme en qualité. J’ai choisi 2 textes :

Le 1er est dans le chapitre 5 au paragraphe 6.

 

Avant cela, une toute petite introduction.

Le texte se base, assez lointainement mais très directement du point de vue du contenu, sur un des enseignements du Rambam au sujet de la Téchouva. Pour Maïmonide la Teshouvah doit être considérée comme un mouvement naturel de l’âme ou de la conscience et ne doit pas être considérée comme une obligation de la Torah. Ce qui doit l’être c’est le comportement de la Teshouvah. La manière dont la Teshouvah doit être faite, doit être habilitée, authentifiée, et plus particuliérement dans le moment du rite de la Teshouvah qui est le rite de l’aveu. Nous étudierons à ce propos un texte qui illustre cela.

 

Parmi les grands décisionnaires, il y a une controverse qui consiste à savoir s’il faut considérer la Mitsvah de la Teshouvah à travers ses différents niveaux.

 

C’est d’abord le repentir dans le sens le plus simple : il y a eu une faute ponctuelle et il faut se repentir de cette faute et savoir à quelle condition le repentir de cette faute sera-t’il considéré comme authentique...

Nous l’étudierons avec le Hil’hot Teshouvah du Rambam.

 

=> Le retour à un état antérieur d’où on avait dévié au moment de la faute. 

De façon déjà beaucoup plus globale, à un plus haut niveau, pas seulement le repentir par rapport à telle ou telle faute ponctuelle  mais ce qui a été considérablement renouvellé à ce niveau-là par l’enseignement du Rav Kook, jusqu’au siècle où nous vivons la plupart des grands enseignements portaient sur la Teshouvah ponctuelle. La réparation de telle faute particulière avec toutes ses implications (aveu, repentir, expiation...etc.)

 

=> De façon plus générale encore, le retour d’un éloignement globale de la personne toute entière.

 

=> A un niveau encore plus haut, et c’est là essentiellement le ‘Hidoush le renouvellement du sens de ce problème dans l’enseignement de Orot HaTeshouvah du Rav Kook : le retour d’Israël comme collectivité à son identité propre. C’est là un niveau de la définition et de l’enseignement qui porte sur la Teshouvah qui est propre à l’enseignement du Rav Kook. Ce sont des thèmes de réflexions de connaissances d’étude qui sont devenus assez familiers, mais il faut se rendre compte de la mutation qu’il y a eu au moment où avec le Rav Kouk on a commencé à parler de la Teshouvah au niveau global, tant au niveau de la personne individuelle dans sa globalité, qu’au niveau du Klal Israël, du peuple d’Israël dans sa globalité.

 

Il y a un problème particulier sémantique concernant le sens de l’expression Baal Teshouvah en général qui est un terme flou par rapport au vocabulaire traditionnel : pour celui-ci Baal Teshouvah est une personne qui a fait Teshouvah sur un comportement particulier. Dans ce sens-là, il n’y a que des Tsadikim méikarah c’est-à-dire des consciences de personnes qui sont des Tsadikim de principe, qui vivent selon la Torah qui pourraient être Baalei Tshouvah dans le 1er sens, qui est le sens classique habituel jusqu’à notre temps. C’est le sens habituel jusqu’à notre époque. Il faudrait leur appliquer l’expression " ’hozrim bitshouvah " et non "Baalei Téshouvah" pour ceux qui étaient complétement éloignés du  judaïsme d’Israël, et d’Erets Israël et reviennent..Le fait qu’on les nomme Baalei Tshouvah est trés ambigü. C’est plein de problèmes. En fait, je ne sais pas si c’est un phénomène de société contemporaine, c’est un phénomène qui ne touche pas que la société juive, et Israël ne particulier ; cela s’inscrit dans le phénomène global de retour ou de recherche aux sources en général que l’on peut expérimenter dans différents domaines de l’histoire contemporaine.

 

La plupart du temps, il s’agit d’un retour ou d’un revenir, et parfois ce n’est ni retour, ni revenir puisque ces personnes n’y ont jamais été, on ne revient que là où l’on a été) ce sont leurs ancêtres, immédiats ou lointains qui avaient quitté l’ensemble Am Israël-Torat Israël-Erets Israël. Et ceux qui reviennent en réalité viennent de nouveau… Et la plupart du temps, c’est à discuter et à étudier,  ils reviennent non pas à la Torah ou à Israël mais à la religion. Ce qui est très particulier. Ils sont ‘Hozrei Ladaat vé lo ‘Hozrim bitshvouah, plus exactement. C’est un emploi peu clair des termes traditionnels dont on a hérité et que l’on ne sait pas manier, donc on les manie sommairement. Ce qui explique un monde de problèmes au niveau de la société juive et israélienne en particulier. Vous le devinez, ce ne sont pas seulement des problèmes sémantiques mais des problèmes de sociétés, et d’identités extrêmement graves. Mais ce n’est pas tellement notre sujet.

 

Malgré tout je voulais signaler ce renouvellement de sens du mot de Teshouvah que nous devons au Rav Kouk, et qui dépasse considérablement le sens classique, pour lequel seuls ceux qui étaient soumis à la Torah et vivaient selon la Torah  pouvaient être Baalei Teshouvah en cas de trébûchement sur un comportement de faute x ou y. Et cela ne désigne pas le mouvement auquel nous sommes en train d’assister dans la société juive, qui encore une fois n’est pas spécifique au peuple juif. C’est un mouvement de retour et de recherche de sources qui est très globale et général dans l’humanité, surtout qui avait été touchée par la culture occidentale, et qui est un autre phénomène.

 

Ce phénomène de retour des Juifs à leur identité, dont le maitre, l’enseignant et l’éducateur à été  le Rav Kouk, est un sens nouveau du terme de Teshouvah.

 

Je reviens donc à la source que l’on trouve chez Maïmonide et qui semble à la base même du texte du Rav Kook :

 

C’est le fait que Rambam considère que la conduite de Teshouvah est une tendance de la nature humaine telle qu’elle a été créée. Et selon la propre doctrine du Rambam ce qui est un comportement naturel ne peut pas être objet de commandement. Puisque s’il y a tendance naturelle il n’y a pas liberté de la conscience. Ce qui peut être objet de commandement d’obligation, de  ‘Hiyouv en hébreu, c’est la forme qui authentifie.

 

Je reprends donc pour notre exemple :

Selon Maïmonide, revenir à une valeur que l’on avait quitté doit être considéré comme une tendance naturelle. Ainsi, le commandement ne peut porter que sur la manière d’authentifier, c’est selon Rambam l’aveu. La Mitsvah demandée par la Torah c’est que lorsque il y a Tshouvah, que l’aveu soit authentique.

 

La conduite de la Teshouvah elle-même a, je crois, été systématisée de la manière la plus claire du point de vue des comportements rituels et à la limite presque de l’ascèse que ces comportements rituels impliquent inévitablement, par l’école des ‘Hassidim allemands qui ont établi (surtout dans l’enseignement de Rabbi Yehoudah He’Hassid qui reprend ce qui s’annonce chez ses prédécesseurs)

4 formes de Teshouvah possibles : 4 conduites de la Teshouvah

 

Teshouvat Habaah = « montrer qlq ch., témoigner que »  

Teshouvat Shékénégued = opposé, contraire à celui de la faute

Teshouvat Mishkal = payer le prix de compensation de la faute effectuée

Teshouvat Hakatouv = conduite d’après ce que le verset prévoit comme sanction de la faute.

 

 => Teshouvat Habaa : c’est faire la preuve que l’on est capable de ne plus faire cette faute-là : s’exposer à la tentation à laquelle on avait succombé pour faire la preuve qu’on n’y succombe plus. C’est la conduite de Teshouvah la plus difficile, elle est périlleuse. Qui peut garantir à priori qu’il n’y succombera pas de nouveau ? Cette mise à l’épreuve se rattache à un enseignement du Talmud qui est qu’une Teshouvah authentique est celle où Dieu peut attester qu’on ne referra pas la faute qui avait été faite : l’expression employée c’est ‘hoker klayot valev - Dieu, en tant qu’il sonde les reins et le coeur, peut attester que le fauteur ne refauterra plus de la même faute : une Teshouvah n’est authentique que lorsque c’est la dernière fois que l’on fait Teshouvah de la même faute.

 

J’ai l’habitude de donner un substitut d’explication : car comment expliquer que le fauteur qui fait Teshouvah sait lui-même que Dieu sait qu’il ne recommencera plus sa faute ? D’une certaine manière la récompense d’une Teshouvah authentique, c’est le fait qu’on ne peut plus recommencer la même faute. Il n’y a pas de Téchouva en dehors de cette définition. La Guemara dit : celui qui dit : « je vais fauter et après je me repentirai », on ne le laisse pas se repentir…

 

Et nous apprendrons que le repentir est la conduite morale la plus difficile précisément en raison de la difficulté de l’aveu. Ce n’est que lorsque l’on est capable d’avouer authentiquement la faute qui a été faite qu’il y a là le signe que le repentir était authentique. La psychologie contemporaine que l’on nomme parfois « la psychologie des profondeurs » a retrouvé et utilisé cette dimension-là.

 

 

Pour en revenir à la Teshouvah HaAbaah il est évident qu’elle est extrêmement périlleuse : qui peut garantir qu’il ne succombera pas de nouveau à la même tentation ? Le témoignage d’authenticité est précisément de se réexposer à l’épreuve et de la surmonter. C’est effectivement le signe de l’authenticité de la Teshouvah. S’il succombe qui serait responsable ? Le rabbin qui aurait enseigné cette forme de Téshouvah en søexposant ! C’est pourquoi dans cette école même, il y a 4 mots qui expliquent le problème : « teshouvat haabaah einénah noéged. On n’a pas l’habitude de faire Teshouvah ainsi. » Cela était vrai lorsqu’on était capable de cela. Simplement, nos maitres ont diagnostiqué que l’on n’est plus capable de cela donc on ne fait plus ainsi. Donc la 1ère Téshouvah est inusitée.

 

Teshouvah shekenegued => la 2ème consiste précisément à fuir à l’opposé, fuir tout risque d’occasions de se retrouver dans les mêmes circonstances de la faute. Vous me direz sans doute c’est plus facile ou plus difficile mais en tout cas c’est plus sûr…

 

Teshouvat hamishkal = La 3ème c’est s’imposer soi-même des compensations de Yissourim, des épreuves, pour effacer les Anaot, les jouissances,  de la faute que l’on a faite. Il y a là toute une conception, qui est propre au ‘Hassidisme de l’école allemande, de la faute et de la vertu, qui est très précise et particulière à cette école. Il n’y a de jouissance que dans la faute et il n’y a pas de vertu sans souffrance. C’est une vision assez particulière. Par définition, ce qui donne la  jouissance c’est la faute ; et que pour compenser cela on n’est pas encore au stade d’expiation, mais pour compenser cela et atteindre un guérison de la conscience qui a été atteinte par ces jouissances de la faute, il faut dans la voie de la vertu s’imposer des souffrances compensatrices. Des Yissourim mamash. Il y a là une sujectivité des écoles d’ascétisme particulières. Par exemple : aller quand il fait le plus chaud s’assoir tout nu sur une fourmillière. Très rapidement, le Shla’h, grand enseignant de la morale pratique, déclare que nos générations ne sont plus capables de cette forme de Teshouvah. Vous voyez à quel point avec le temps notre identité par rapport à ces problèmes s’est diluée. Ces livres de morales pratiques sont à manier avec précaution. Il faut savoir en lisant ces livres de morales pratiques à quel siècle ils appartiennent pour savoir si nous sommes à la hauteur de ces formes de consciences morales. Je signale cela souvent à propos de l’étude de base du Sefer Messilat Yesharim de Luzzato: le grand enseignement de morale pour les génération contemporaines, en particulier pour la Téshouvah. Très bien traduit en français par Jean Poliatschek qui lui a donné le titre: « le sentier de rectitude ». Et déjà, le niveau auquel le Messilat Yesharim nous interpelle par rapport à l’authenticité des conduites morales, nous dépasse infiniment. Mettre ce manuel de morale entre les mains des juifs « comme ils sont », comme disait Léon Algazi, les simples fidèles, c’est une erreur pédagogique colossale. Je vous le dit en passant ce sont des choses à manier avec la perspective exacte de contemporanéité. Alors que nous trouvons avec ce livre (Orot haTeshouvah) un optimisme, une espèce de joie de faire Teshouvah, qui est très loin de  cette école décrite mais qui cependant est en arrière fond de tout cela.

 

Teshouvat hakatouv = là on est au-delà des écoles d’ascétisme qui définissent leurs propres règles d’après leur propre subjectivité de telle Shitah. Teshouvat hakatouv d’après le Shoulkhan Aroukh de la Torah elle-même : savoir que faire pour compenser les Anaot de la faute qui a été faite. Parfois c’est beaucoup plus grave que l’ascétisme, parfois moins apparemment, mais voilà comment les choses nous étaient présentées. 

 

Le texte que l’on va étudier va déceler une tout autre dimension du problèéme : c’est qu’il s’agit non pas de s’imposer une vertu supplémentaire à la vertu d’être en bonne santé de créature, mais au contraire de retrouver, et dans la joie, cette bonne santé de créature de telle sorte de retrouver le caractère positive de la conduite du repentir qui se situe à l’opposé de celle du remords.

 

La conduite du remords c’est le signe de la maladie. L’expérience du remords peut être bien entendu le commencement de la guérison, suivant en cela le principe général qu’une conscience qui n’a pas conscience d’être malade ne peut pas être guérie.

Il ne s’agit pas donc d’aborder un niveau de vertu coercitive, c’est là la définition de base et minimum de toute ascèse de la Teshouvah, mais au contraire de se guérir, c’est-à-dire de retrouver la bonne santé mentale de l’état de créature, expression qui revient très souvent dans l’enseignement du Rav. Au niveau sémantique en hébreu, bien que les deux racines ne sont pas exactement les mêmes, la proximité des mots de Bari en bonne santé et le mot de Briah. Briout la santé et Briah la créature. L’être créé dans son état de créature est en bonne santé. C’est cette bonne santé-là qu’il faut retrouver. La joie d’être créature. Nous sommes apparemment aux antipodes de la 1ère définition donnée. Cela va me permetre sans autre transition d’aborder le texte lui-même.

 

***

 

Chapitre 5 paragraphe 6 :

Je vous lis d’abord le titre du paragraphe:  Yessod hateshouvah

(qui n’est pas forcément du Rav Kook lui-même mais vraisemblablement datant de la 1ère édition du Rav Neiriah, un des élèves du Rav Kook)

 

« Yessod HaTeshouvah - fondement de la conduite de Teshouvah – c’est l’exigence de l’aspiration à la perfection (Shlemout)  qui relie entre la réalité de l’existence – Metsiout - telle qu’elle est à l’existence telle qu’elle est désirée. »

 

Le titre parle pour lui-même : vous avez une définiton de la perfection qui est propre non seulement à l’enseignement du Rav ici, mais aussi à la définition de la Teshouvah comme mouvement naturel chez Maïmonide, et comme définition de ce que peut être la notion de perfection pour la Torah elle-même. Une très brève réponse : Il s’agit de la perfectibilité : c’est cela la perfection réelle.

Parce que le terme de « perfection », que j’emploie en français dans son sens latin avec une signification qui vient du grec, est en réalité complément opposée à l’idée corollaire qu’il y a dans la tradition juive. Le mot français de « parfait » qui vient du latin signifie « complétement fait », « achevé ». Il y a la notion de la fin, c’est au fond un type de culture gréco-latine qui voit dans la mort la perfection de la vie. C’est l’horreur de l’horreur pour la sensiblité hébraïque. Cette perfection-là c’est la mort : « complétement fait », « perfectum », « achevé » dans tous les sens du mot... C’est vraiment l’idéal du fini. Voyez le monde d’implications dans cette indication sémantique rapide.

 

Maharal cite un Midrash : « là où cette perfection de la Shlemout s’installe, le Satan danse ».

 

Cela signifie que cette perfection-là est le royaume du Satan, c‘est l’impureté absolue. Il y a là une conduite de sensibilité radicalement autre, même pas opposée. Là où il y a le parfait dans ce sens latin-grec c’est l’impureté absolue. Vous voyez donc la différence de sensibilité entre judaïsme et christianisme à propos de 1000 problèmes à ce sujet. Cela vous explique le désordre des synagogues en particulier. C’est la différence entre la vie et la mort.

 

Cette idée du « parfait » ainsi définie n’existe pas dans la mentalité hébraïque. Chaque fois qu’un comportement juif de quelque ordre que ce soit, religieux, mental, intellectuel, folklorique…, devient « parfait » dans ce sens-là, l’assimilation commence, cela se déjudaïse d’un coup...

(Cf.la synagogue de la rue Notre dame de la victoire…)

 

[J’ai souvenir d’avoir participé à une réunion du mouvement de jeunesse au Consistoire où la question posée aux éducateurs des mouvements de jeunesse était : Pourquoi nos synagogues sont-elles désertes ? Un des Rotschild parlait des budgets colossaux pour ces temples qui sont finalement vides ! Alors, la seule réponse c’était que ce n’étaient plus des synagogues… Vous avez compris la gravité du problème. Au fond les Juifs ne vont pas dans les synagogues parce qu’ils ne se sentent plus chez eux en tant que Juifs, stam. Non parce que la prière est belle ou pas belle, mais parce qu’il y avait cette limite du parfait à l’occidental qui est le signe même du judaïsme soutanique satanique… Cf. la citation du Maharal.]

 

L’idée de Shlemout en hébreu est différente : nous sommes obligés en parlant français d’employer le terme de « parfait » mais il faut le nuancer considérablement : Shlemout c’est « intégrité ».

 

Et donc par rapport à l’effort qu’il y a à faire pour relier le Matsouï au Ratsouï, ce qu’il y a dans la réalité telle qu’elle est, avec ce qu’il devrait y avoir dans la réalité telle qu’on en a le Kissouf Ni’hsefet – exigé désiré - c’est cette perfectibilité qui est toute autre que le comportement de la recherche du parfait. C’est tout plein d’implications dans de nombreux domaines, mais cela nous ferait partir dans des parenthèses.

 

Alors je préférerais traduire Shlemout par « intégrité ». Et on peut être intègre dans n’importe quel niveau d’imperfection, va nous expliquer le rav Kouk, et à la limite philosophiquement de  perfectibilité,  mais c’est encore une notion peu claire malgré tout, plutôt que de dire « perfection ».

 

(En hébreu la racine « Kalah – Kalo » peut signifier le comble de la perfection ou le comble de la destruction. Cela dépend où l’on met le Daguesh lorsqu’on dit Kalah. Kilayon. La même racine. Achevé dans le sens du parfaitement fait, cela veut dire mort, détruit, figé. Apparence de la vie. Le retour aux sources qui est le plus un échec c’est le retour à des formes achevées du passé qui sont déjà mortes pour tenter de les ranimer. Ce sont des conduites magiques : on veut résuciter des cadavres. On ne fait que ranimer des cadavres. Alors, c’est de la magie, et pas de la Torah. Vous avez compris ce à quoi je ne fais pas allusion…)

 

Retour au texte :

« indépendament de la pensée de la Teshouvah

 

(ici dans le sens de projet de la Teshouvah, projet comme une ligne de conduite directive du comportement d’être) le repos de l’esprit que cela donne (Ménou’hatah : la notion de ménou’hah en hébreu ne peut pas se traduire par repos. Nous aurions là encore une fois l’idée et l’ombre du « repos éternel ». C’est au fond cela la perfection : le repos éternel. Je vous donne une image que vous connaissez : le sommeil du Shabat lui est une Ménou’hah. Parce qu’il n’y a pas de remords. On sait que c’est Shabat et qu’on a le droit de dormir. On ne peut pas se reposer si on a un scrupule de quoique ce soit d’autre.  C’est pourquoi on dit que Shéna Béshabat Taanoug les Rashei Tévot donnent Shabat. Cela est dit du sommeil de la journée, pas de la nuit. Le repos de la nuit de Shabat n’est pas tellement le repos shabatique. Mais dans la journée oui. On peut dormir dans la journée tranquillement sans avoir autre chose à faire. On a déjà fait Min’hah ou on va la faire, mais il n’y a rien d’autre, il n’y a pas de scrupule, alors c’est vraiment Ménou’ha.

Bit’honah : c’est la sécurité d’être, pas cette inquiétude quant au mérite ou non d’être, c’est un niveau encore plus haut ou plus profond, une tranquilité sans inquiétude ni scrupule quant au mérite par rapport à l’être. Sans scrupulite, sans ce mal d’être qui caractérise beaucoup de  justes, c’est-à-dire beaucoup de consciences morales qui doute de leur mérite à vivre par doute sur leur mérite. C’est un danger de la conscience qui est précisément propre aux consciences fines, aux consciences à scrupule, qui risquent de considérer la vie comme une faute... On voit où cela plonge finalement... que la vie est un péché... et que c’est ainsi depuis l’origine… (péché originel). Et nous plongeons dans une civilisation dont c’est le sentiment profond. Ce n’est pas pour rien que la religion officielle de la civilisation contemporaine occidentale est une religion qui semble désigner cela très clairement à travers ses mythes. C’est que vivre est une faute. Il faut guérir ça. En réalité, le christianisme officiel ne va pas jusqu’au gnosticisme gnostique mais cela le frôle. Le christianisme a dû lutter pendant des siécles contre la tentation gnosticiste pure et simple, mais c’est leur problème. C’est le sentiment qu’il faut être sauvé de la vie. Le salut vient sauver l’homme de ce fait de vivre parce que c’est le fait de vivre qui entraine le mal. Il y a aussi le danger d’un basculement dans cette névrose-là chez les Juifs aussi ; parce que non assurés de cette bonne santé des choses hébraïques lorsque l’on parle de la Bible, on risque de la lire de cette manière... Là aussi, ce n’est pas par hasard que ceux qui l’ont lu ainsi l’aient lu ainsi...

 

« indépendament de la pensée de la Teshouvah le repos de l’esprit que cela donne » 

 

« Ma’hshevet hateshouvah en tant que projet, de ligne de comportement, mène avec elle la ménou’hah et le bita’hon vraiment,

 

C’est le propre des problèmes qui risque d’attaquer en inquiétude la conscience morale la plus fine de scrupule.

 

…/…

ici le Rav nous donne une indication de phénoménologie existentielle très profonde :

« un homme de scrupule moral ne peut pas avoir de repos d’être ».

 

Je vous cite directement le Talmud qui appelle Rashâ celui qui peur rester une semaine sans rêver. C’est sûrement un Rashâ. Dans notre civilisation on appelle cela « le sommeil du juste » ! C’est encore une sensibilité complétement opposée. Mon maître me l’a expliqué ainsi : Quelqu’un qui reste sans rêver (ie. sans cauchemard) une semaine entière, le monde étant ce qu’il est, c’est sûrement un Rashâ !

 

On bascule dans une toute autre mentalité. Bien entendu, il faut rappeller que ceux qui ont l’habitude de dormir sans rêver ne sont pas forcément des Reshayim. On parle en typologie généralisée. Cela veut dire à la limite : Celui qui peut être satisfait de l’état du monde sans rêver est sûrement un Rashâ.

 

Nous aurons un autre cours dans ce séminaire à propos de la Akédah d’Ist’haq où nous aurons à comparer les rires de Its’haq et de Ishmaël dans la Parashah lue à Rosh hashana. Nous verrons que Ishmaël rit au présent et c’est pourquoi il est disqualifié, alors que Its’haq est appelé celui qui n’aura le droit de rire qu’à la fin des temps Yits’haq c’est au futur (« Il rira »), Metsa’heq pour Ishmaël c’est au présent. Il y a là le même thème : Celui qui peut être satisfait de l’état du monde au présent jusqu’à en rire, celui-là est évidemment Rashâ dira le Midrash sur ce verset. Alors que l’autre fils d’Abraham, est appelé Yts’haq,  « il rira » à la fin  (Cf. « Rira bien qui rira le dernier »)

Il y a une Guémara entière à ce sujet avec un commentaire très important pour notre sujet, du verset des Psaumes [126:2]que vous connaissez : אָז יִמָּלֵא שְׂחוֹק, פִּינוּ  Az imalé sh’houq pinou...  « alors seulement on pourra emplir sa bouche de rires ».

Il y a un enseignement de Resh Laqish au nom de Rabbi Shimon bar Yo’haï : Assour laadam ... il est (interdit à l’homme d’emplir sa bouche de rires dans ce monde-ci. D’après le verset (des Psaumes 126 :2) qui dit : אָז יִמָּלֵא שְׂחוֹק, פִּינוּ  Az imalé sh’houq pinou...: alors seulement quand le monde sera comme il devrait être, on pourra rire vraiment. D’où le nom de Isaac. Il ne rira que lorsque ce sera authentique. C’est ce qui disqualife Ishmaël vis-à-vis de Its’haq. L’attitude de Sarah nous apparait apparemment paradoxale : elle voit un enfant rire et elle dit : Sépare-le !

Dans le même [21:8] verset nous avons « Ki lo irash  …/… 

[21:8: כִּי לֹא יִירַשׁ בֶּן-הָאָמָה הַזֹּאת, עִם-בְּנִי עִם-יִצְחָק ]


***

 

Rosh hashanah (1985) Suite

.../... 

Je reprends l’expression du Rav Kouk :

 

« sans cette sécurité que donne maha’hshevet hateshouvah, cela signifie qu’il n’y a pas de manoa’h. (Un des noms du Mashia’h dans le Talmud est Mena’hem) et ce qui fait que les vies sont vivantes au niveau spirituel, ne peut pas se développer dans le monde. Le sens moral réclame de l’homme le tout de la justice et du bien (la perfection dans le sens que nous avons vu) ».

 

Et le Rav nous dira que c’est impossible !

Donc nous vivons dans une contradiction intérieure qui entraine le malheur de la conscience. Cela veut dire que nous sommes donnés à un problème tragique qui n’a pas de solution. Parce que le sens moral n’est authentique que s’il réclame l’entièreté du Tsedek et du Tov, la Shlémout du Moussar ! Et le Rav nous dira que nous en sommes incapables. Donc il ne peut y avoir de Mano’ah : la conscience morale ne peut qu’être une conscience malheureuse.

 

Il y a une thèse de Jean Vahl : « la conscience malheureuse chez Hegel ». Pour Hegel cela allait de soi que l’homme pour lequel la loi est la loi morale ne peut être que de conscience malheureuse. Jean Vahl indique qu’il y a aussi la conscience bienheureuse.

 

C’est le grand conflit dans la culture juive occidentale entre les Mitnagdim et les ‘Hassidim.

Cela touche un peu à l’analyse du cours précédent ou même à l’analyse des 4 formes de la Teshouvah du ‘hassidim allemand. C’est-à-dire que pour un Mitnagued authentique, à la limite, la joie morale est suspecte, insolente. Alors que davka pour un ‘Hassid sans joie morale c’est suspect. On ne peut pas envisager dans le monde ‘Hassid un juif étudiant la Torah sans être heureux. C’est suspect ! Dans le monde Mitnagued c’est l’inverse.

 

Si vous relisez un très grand livre de Nietsche, qui s’appelle « la naissance de la tragédie », un livre génial de la jeunesse de Nietzsche qui allait de génie en génie jusqu’au génie suprême : il y analyse la différence chez les Grecs entre l’homme appolonien et l’homme dyonisien, qui établit une différence très parallèle entre les  Mitnagdim et les ‘Hassidim dans le sentiment de la vie. Et en particulier d’ailleurs sur le problème de la conscience morale malheureuse ou bienheureuse. Ce sont deux sensibilités morales différentes.

 

Celui pour qui c’est évident que la conscience morale doit être une conscience malheureuse sinon elle est suspecte.

 

Celui pour lequel c’est évident que la conscience morale doit être une conscience heureuse sinon elle est suspecte.

 

Et vous devinez dans quel sens le Rav va s’orienter, précisément par  le ’Hidoush qui se base sur Maïmonide.

 

Il y a deux choses importantes à signaler :

« Le jugement cette Shlémout hamoussari, cette perfection morale, en dehors de quoi cela serait falsifié et hypocrite, est tellement loin de notre possibilité de l’accomplir en fait,

 

Et en même temps la 2ème chose c’est la 2ème expression véhashlemah bépoal parce que tant qu’elle n’est pas poal c’est de plus en plus suspect.

C’est à dire qu’il y a une solution possible de type morale occidentale puisque c’est impossible d’atteindre - c’est trop loin de nous - cette perfection que le sens moral réclame de nous on va l’atteindre mais en intention - vous devinez là la ligne de la théologie du christianisme - ou en contemplation  - vous devinez là la ligne de la philosophie tout court.

 

Mais le Rav dit véhashlemah bépoal : tant que notre personne n’a pas réalisé bépoal en fait, elle ne peut pas trouver ce Ménou’hah, ce Bita’hon, manoa’h, et donc il évacue toutes ces contrefaçons qui pour ne pas pouvoir résoudre le problème, se satisfassent de ces contrefaçons : c’est-à-dire des morales d’intentions, que ce soit intellectuelles ou spirituelles.

  

« et combien sa force d’accomplissement est faible pour pouvoir orienter ses actes vers la pureté de l’idéal de la justesse morale du Tsedek hagamour - authentique.

 

Cette exigence de la conscience de vérité de n’être satisfaite que dans l’entièreté. C’est ce qui définit l’identité de Jacob en tant que Patriarche.

 

Les Patriarches ont reçu chacun trois bénédictions concernant cette approche de l’entièreté :

=>  Abraham: bakol

=>  Yts’haq: mikol

=>  Yaaqov: kol

Tant qu’on atteint pas le Kol d’une vertu quelqu’elle soit alors on n’est pas encore Israël. Il y a dans cette identité d’Israël, d’une certaine manière, l’exigence du tout ou rien.

C’est l’échec si on voit ce tout ou rien à ce niveau de perfection à la grecque : puisqu’on ne peut avoir tout, alors rien ! C’est un des échecs de la conscience juive de croire qu’il faut le tout dans l’entiéreté immédiate et ponctuelle et que si on ne l’obtient pas, alors rien ! C’est très occidental comme réaction de cette problématique du « tout ou rien ». le Rav va corriger cela tout de suite.

 

Lorsque Jacob a rencontré Essav, et que Jacob lui envoie un cadeau pour l’amadouer, et Esaü grand seigneur lui dit : « Garde, j’ai beaucoup Yesh li rav ! »

Jacob répond : « prend, j’ai tout yesh li kol ! ».

Cela situe bien la différence entre Jacob et Esaü. Esaü a un Rav, Jacob a Kol.  

Celui qui a beaucoup n’a encore rien, tant qu’il n’a pas tout...

Comment avoir tout puisque cela n’est pas possible ? Alors rien !

Je crois qu’il y a là la ligne d’explication du fléchissement, de l’effondrement de l’identité juive dans sa problématique contemporaine dati o ‘hiloni.

Ou bien... ou bien... : c’est l’attitude nordique chez Kierkegaard.

Les  rabbins qui s’inspirent de cela sont un peu comme ça…

 

Il y a là une condamnation de la théologie tragique totale absolu :

 

« comment aspirer à ce qui n’est pas en son pouvoir du tout ?  Lazot pour cela, la Teshouvah est naturelle à l’homme. »

 

 

On retrouve ici Maïmonide : c’est la Teshouvah ainsi entendue qui va donner une solution à cette impossibilité tragique, c’est elle qui le rend Shalem : à chacun de ces niveaux d’imperfections elle le rend parfait.

 

« Si (dans le sens de "bien que") l’homme est donné constamment à l’obstacle qui fait trébûcher, et porte atteinte au Tsedek et au Moussar (la justice et la morale), à son idéal d’entièreté morale, il reste dans sa perfection s’il est porté par Ma’hshevet Hateshouvah » (parce que cela réintégre dans l’instant même de la faute, cette chute qui était inévitable quant à sa nature) ...

 

Vous comprenez comment on peut être à la fois conscient de ses limites au moment même de la faute et en joie d’être. C’est une ‘Hassidout très profonde qu’il y a là car elle tient compte de l’exigence des Mitnagdim. Ce n’est pas une ‘Hassidout de la dérilection, d’un camp naturiste…

C’est une ‘hassidout qui tient compte de façon précieuse et minutieuse de ce que les Mitnaguim enseignent : « voici quelle est la  perfection morale mais sache à quel point tu en es incapable ».

Et cependant grâce à la Teshouvah nous dit le Rav, qui fait le pont entre ces deux mondes, il n’y a aucune atteinte à cette Shlemout dans le sens hébreu, du Tsedek et du Moussar. Sans être porté par Ma’hshevet HaTeshouvah tout s’effondre...

 

Rav Abraham Epstein, grand talmudiste, avait quitté Israël après une querelle avec Ben Gourion, nous avait enseigné un Midrash de deux manières : ‘hassid et mitnagued.

Dans le Maassé Bereshit il y a ce principe qui apparait : Sof maassé béma’hashavah t’hilah : la fin de l’oeuvre est dans la pensée du commencement : la fin de l’oeuvre est dans le début du projet ie. le début du projet va n’être réalisé qu’à la fin de l’oeuvre et donc l’homme est la dernière créature :

Le Midrash [Midrash Rabbah - Vayikra 14:1] dit : « s’il mérite on lui dit « tu es la couronne du monde », sinon on lui dit « le moustique t’as précédé ! »  S’il a mérité c’est la lecture Mitnagued couronne du monde. S’il n’a pas mérité il est moins que le moustique...

 

La ‘Hassidout explique ainsi : s’il a mérité on lui explique « gare à toi ! le monde dépend de toi, tu  es la couronne du monde et il dépend de toi, aie peur !». S’il n’a pas mérité il pourrait tomber dans le désespoir mais on lui dit : « Dieu s’est occupé de créer le moustique avant toi, tu n’as rien gâché du tout, recommence ! »

 

Vous voyez donc la différence de perspective du même Midrash. Il est évident qu’il y a les deux dimensions mais selon qu’on mette l’accent de ce côté ou de l’autre mis, on a une vision de la destinée très différente.

 

Le Rav Kook ici nous donne la clef du problème : la Teshouvah. Cela veut dire que quelque soit le niveau de gravité de l’imperfection qui est la conséquence de la faute, on reste dans l’intégrité absolue du bonheur d’être si la conduite de Teshouvah anime le comportement.

 

« si bien que l’homme soit constamment donné-conditionné au piège, portait atteint à la justice et à la moralité, cela n’atteint en rien son intégrité Shlemouto. Par le fait que l’essentiel du fondement de son intégrité c’est l’aspiration et le désir fixé en lui immuablement...

 

A propos du mot de ‘Hefets, Il me revient en mémoire un Midrash très important sur le 1er Psaume :  

אַשְׁרֵי הָאִישׁ--    אֲשֶׁר לֹא הָלַךְ, בַּעֲצַת רְשָׁעִים

וּבְדֶרֶךְ חַטָּאִים, לֹא עָמָד,    וּבְמוֹשַׁב לֵצִים, לֹא יָשָׁב

כִּי אִם בְּתוֹרַת יְהוָה, חֶפְצוֹ;    וּבְתוֹרָתוֹ יֶהְגֶּה, יוֹמָם וָלָיְלָה

« Heureux l’homme qui ne s’est pas compromis avec tous les niveaux de la faute …

Je paraphrase le 1er verset…

« il met son ‘Hefets son désir dans la Torah de Hashem, et dans sa Torah – le Pshat serait Torato shel Hashem - il médite jour et nuit ».

 

Le Midrash dit que s’il met son ‘Hefets, son désir, dans Torat Hashem inatteignable, si le ‘Hefets est authentique, alors Torat Hashem devient Torato : la Torah telle qu’il peut l’atteindre c’est sa Torah - Torato - et elle s’appelle Torat Hashem.

 

C’est un enseignement du ‘Hafest ’Hayim que le Rav Tsvi Yehoudah Kook (le fils) avait l’habitude de citer :

[Psaumes 19:8]:

תּוֹרַת יְהוָה תְּמִימָה, מְשִׁיבַת נָפֶשׁ

« Torah Hashem temimah meshivat nafesh »

 La Torah de Dieu est parfaite, elle ramène l’âme.

Le verset dit : « Torat Hashem Tmimah », Rav Tsvi Yehoudah Kook citant le ‘Hafets ‘Hayim avait l’habitude de dire "ish lo nagar ba : personne ne l’a touché". Il ajoutait d’ailleurs sur la fin du verset « Meshivat nafesh » « elle rend l’âme, elle rend la personne ». Elle ranime l’âme. Donc : si elle n’est pas Meshivat nafesh c’est qu’elle n’est pas Torah Hashem !     

 

La notion essentielle est celle-ci :

La Teshouvah est un comportement qui nous est donné, de façon à réintégrer notre bonne santé de créature, quelque soit les régressions auxquelles on se trouve. Ce qui restitue simultanément la conscience aïgue et éclaire la distance entre la réalité et l’idéal et en même temps le bonheur d’être à chaque étape.

 

Et alors nous trouvons-là une expression très précise de ce que déjà disait Maïmonide, la Teshouvah est un mouvement naturel de la conscience. Le Rav Kook va ici plus loin : pas seulement de la conscience morale sensible aux valeurs mais de la conscience d’être, de la conscience de créature comme telle. Et il décèle d’ailleurs dans d’autres chapitres de ce livre que les mondes sont en processus de Teshouvah. Il y  une dimension métaphysique de la Teshouvah. Comme si la création consistait à mettre le monde loin de Dieu et que le 1er commandemment contenant tous les autres consiste dans ce revenir. Et à chaque degré de ce revenir, il y a à la fois la conscience aïgüe de l’éloignement qui reste à combler et en même temps, de la dignité d’être déjà arrivé-là où l’on est arrivé.

 

Dans le cas de la régression, vous retrouvez toutes les Halakhot relatives à la Teshouvah que le Talmud avait enseigné : si la conduite de repentir apparait dans la conscience dès le moment de la faute, alors dès ce moment-là on est déjà pardonné.  Si on laisse passer du temps, le revenir est un plus long voyage, alors que si c’est immédiat, la distance est plus courte...

 

Une phrase encore sur ce texte, à propros de Maïmonide : si une conscience a été sensible à une valeur on peut lui faire confiance qu’elle ne se laissera pas tranquille (manoa’h) jusqu’à revenir à cette valeur.

 

Donc on n’a pas à commander au Tsadik de faire Teshouvah. S’il a été soumis à la loi il y reviendra tout seul. C’est un très haut niveau de morale, très noble, Atsili.

 

Si une fois une conscience a été sensible à une valeur, alors on sait qu’elle y reviendra. La Teshouvah n’est pas commandement mais une promesse dit Maïmonide. Il a suffit d’avoir accepté la loi pour être assurer du retour quelque que soit la faute.

 

Je concluerais sur ce point que c’est le même enseignement à propos du retour en Israël. Le retour en Israël n’est pas une Mitsvah chez Maïmonide. Beaucoup de Juifs de peu de foi attendent une Mitsvah pour revenir en Israël.  Rav Tsvi Yehoudah Kook : Est-ce qu’il faut un commandement pour revenir chez sa mère ? S’il faut un commandement pour revenir chez sa mère c’est que ce n’est pas sa mère ! 

 

C’est une promesse : Dieu dit à Israël : Tu reviendras ! Mais quand tu reviendras reviens vers Moi et ne va pas ailleurs…

 

Il y a un comportement naturel. On trouve cela dans les deux niveaux. Dans le code de Maïmonide, il n’y a pas une Mitsvah de faire Teshouvah. Quand tu fera Teshouvah voilà comment tu feras…  l’aveu…

Pour Israël il n’y a pas de Mitsvah de revenir en Israël.

Beaucoup de Juifs pieux trouvent dans cette absence de Mitsvah le justificatif pour ne pas faire leur Alyah. Selon Maïmonide celui qui réclamerait une Mistvah pour revenir n’est plus concernée du tout par l’identité d’Israël.


.../...
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****

 



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8 septembre 2009 2 08 /09 /septembre /2009 09:34

Techouva de Caïn

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/pensee/la_teshouva_de_cain/cours_1

Face A

Parce que Caïn ayant pris conscience qu’il y a une morale, que « yesh din ve yesh dayan » - il y a une loi morale et il y a un juge, alors il est affolé et il pense à ce qu’on appelle la justice immanente, c’est-à-dire la vengeance naturelle de la justice qui fonctionnerait comme une loi de la nature.

 

Il y a une Souguiah très célébre dans le Talmud de Jérusalem dans Massekhet Yoma

[Yerushalmi Makot 2 :6] :

שאלו לחכמה חוטא מהו עונשו אמרו להם חטאים תרדף רעה שאלו לנבואה חוטא מהו עונשו אמרה להן הנפש החוטאת היא תמות שאלו לקודשא בריך הוא חוטא מהו עונשו אמר להן יעשו תשובה ויתכפר לו.

 

On a demande à la Sagesse ‘Hokhmah : « celui qui a fauté quel sera son statut ? »

La Sagesse leur a répondu : « le mal engendre le mal, il rencontrera le malheur » (Proverbes 13:21) : midah kenegued midah…

 

On a demandé à la Névouah – la prophétie : « Hanefesh ha’hoté mah dino ? »

« celui qui fauté quel est son statut ? »

La prophétie a répondu par un verset dont le Pshat est relié à notre contexte : « la personne qui a fauté mourra » (Yechezkel 18:4):

On ne peut tricher avec la prophétie, on ne peut pas ruser ni rien cacher, elle répond : la mort du Nefesh. C’est une nuance pour la Kaballe, il ne s’agit pas de toute l’âme !

 

Ensuite on a demandé à la Torah :

« celui qui fauté quel est son jugement ? »

« qu’il apporte un sacrifice korban et il sera expié ».

Il y a déjà un ‘hidoush par rapport à la Névoua et par rapport à la ‘Hokhmah.

 

On a demande à Dieu: ‘hoté mah dino ?

« celui qui fauté quel est son jugement ? »

Et Il répond : « Qu’il se repente et il sera expié ».

 

Voilà les 4 niveau du problème, et on voit bien que Caïn est aux prises avec le 1er niveau :

Et il dit [4:14]: וְהָיָה כָל-מֹצְאִי, יַהַרְגֵנִי

« s’il en est ainsi quiconque me trouvera me tueras. »

La vengeance de la justice immanente : « l’oeil était dans la tombe » ...etc.

 

C’est toute cette sensiblité-là qui va être évacuée par la suite du récit et surtout par notre Midrash.

 

Donc Dieu va donner à Caïn un sursis qui est signalé påar le verset suivant, le verset 15, et celui-ci est signalé par un signe que Dieu met sur le front de Caïn.

Et d’après le Midrash ce signe est le mot de Emet.

C’est dire que l’objet du sursis c’est que le temps de l’histoire, auquel Caïn sera donné, fera la preuve si Caïn a été assassin ou autre chose. Peut-être était–il justicier ? C’est un autre problème...

 

Et alors il faut que cela soit mis en jeu dans une histoire. A la fin de cette histoire, toujours, 7 générations c’est un temps d’histoire, il y aura un jugement dernier qui révèlera si à l’origine Cain était vraiment coupable où Shogueg - irresponsable.

 

Et finalement on apprend à la fin du sursis, à la 7ème génération que le dernier descendant des 7 générations, Touval-Caïn - en grec c’est Vulcain le forgeron dans la mythologie grecque – devient le 1er fabricant des armes : il fabrique la première arme qui était le 1er arc et ses flêches.

 

L’histoire racontée par le Midrash raconte que la première flêche tirée par Touval-Caïn est arrivée sur le front de Caïn effaçant la lettre Alef du mot de Emet : il est donc resté Met et il en est mort.

 

Cela veut dire que la 1ère arme a tué le 1er assassin. Cela montre que Caïn était en fin de compte coupable puisque la génération qu’il fonde va aboutir à la société guerrière et vendeuse d’armes.

C’est très inquiétant pour la société contemporaine. Elle est fondée sur la suppression du frère : cf. le mythe romain de Romus tuant Rémulus... allant jusqu’à Marcel Dassault.

 

A Caïn est donné un sursis, il est protégé, et voici notre verset [4:16] :

וַיֵּצֵא קַיִן, מִלִּפְנֵי יְהוָה; וַיֵּשֶׁב בְּאֶרֶץ-נוֹד, קִדְמַת-עֵדֶן

Vayetse Kayin milifney Adonay vayeshev be'erets-Nod kid'mat-Eden.

 

Vayetsé Qaïn milifné Hashem.

Et Caïn sorti de devant Hashem.

Toute l’exégèse du Midrash va porter là-dessus.

Un des commentateurs de Midrash va dire : que signifie que Caïn soit sorti de devant HM ?

Y avait-il un temple où Dieu se révèle ? Et que Caïn a quitté le Temple ?

Etaient-ils dans un Maqom ou un Bayit Pratit une maison particulière dans laquelle ils se seraient rencontrés ? Est-ce que Dieu lui parle du Ciel ? Et alors que signifie qu’il sortit de devant Dieu?...

 

Alors retenez les trois mots

וַיֵּצֵא קַיִן, מִלִּפְנֵי יְהוָה

Vayetsé Qaïn milifné Hashem 
Et Caïn sortit de devant Hashem.

 

Le nom employé par la Torah pour désigner Dieu dans ce contexte c’est Hashem et non Elohim, nous y reviendrons.

 

וַיֵּשֶׁב בְּאֶרֶץ-נוֹד, קִדְמַת-עֵדֶן

vayeshev be'erets-Nod kid'mat-Eden

Et il séjourna à Erets Nod à l’est d’Eden

 

Il y a sur ces deux mots-là un cours entier. Erets Nod – Nod c’est Nad – Erets Nod cela veut dire la terre des nomades. Et voyez la contradiction des termes : Vayeshev béErets Nod : séjourner et nomades. C’est très fort en hébreu.

 

קִדְמַת-עֵדֶן

Qidmat Eden

Certains traduisent  A l’est d’Eden .
D’autres traduisent: Dans l’antérieur, ce qu’il y avait avant Eden.

 

Quoiqu’il en soit c’est là où se trouvait Adam harishon par les récits précédents.

Le Midrash va apprendre de ce verset que Caïn a fait Teshouvah.

 

Midrash :

« D’où est-il sorti ? »

Rabbi Youdan au nom de Rabi Abou Amar 1er enseignement :

Yfshil dvarim laa’hora veyatsa

Yfshil signifie : suspendre, décrocher.

Nous avons une autre Guirsa, une autre recension du terme Yifshil

Midrash Vayiqra Rabba Parshat 10 « Yifshil begadil na’hor » et cela voudrait dire « il s’est déguisé »

il a rejetté des paroles derrière lui, il a fait fait de ce qu’il avait entendu de Dieu…

veyatsa

et il est sorti de devant Dieu

 

Comme quelqu’un qui ruse devant la volonté supérieure de Dieu - littéralement cela veut dire : comme quelqu’un qui vole la confiance de celui devant qui il était. Le verbe signifie ici tromper quelqu’un – lui voler sa confiance.

 

Cela veut dire qu’en réalité, il aurait dû accepté le statut du nomade et de l’exilé comme sanction, et la Gmara de Yoma va beaucoup insister sur le fait que l’exil comme sanction, c’est la sanction de la faute de Caïn à l’origine. C’est-à-dire par exemple Sinat ‘hinan – la haine gratuite - le fait de ne pas supporter l’autre uniquement parce qu’il est l’autre.

(Ne mettez aucune implication, ni morale ni politique dans cet enseignement parce que chaque chose s’explique dans son propre contexte.)

 

Pour le dire sous une autre forme : On pourrait expliquer le plaidoyer et l‘aveu de Caïn de la manière suivante : Comment Caïn plaide-t’il pour lui-même ? On l’accuse d’être assassin et il répond : ani lo rotséa’h – je ne suis pas un assassin  lu en deux mots ani lo rotsé a’h = je ne veux pas de frère ! Il avoue finalement sa faute…

 

[Pour la 1ère faute quelque chose d’analogue, c’est que le grand désordre Balagan qu’il y a dans le monde a commencé avec le 1er homme Ba La Gan : dès qu’il est entré dans le jardin Ba LaGan, il y a eu le Balagan. Celan nous donne un exemple du Lashon Haqodesh qui est une langue pleine d’humour. J’ai appris de mon maitre que Rou’ah haqodesh cela veut dire humour. La langue française a senti quelque chose de ce genre : l’humour ils appelent cela l’esprit. Les Grecs appellaient cela le sel…]

 

Voilà donc la 1ère explication du Midrash :

Que signifie qu’il est sorti de devant Dieu ? Cela veut dire qu’il a coupé les ponts.

Dieu lui a dit : tu vas être exilé et ce sera la sanction de ta faute. L’exil est la sanction de la Sinat ‘Hinan.

 

Du point de vue de l’enseignement du Talmud on a cherché quel a été la faute d’Israël au temps du 2ème temple, et on n’a pas toruvé : ni idolâtrie, ni meurtre, ni débauche comme au temps du 1er temple détruit à cause des trois fautes fondamentales. Tout le temps de la prophétie, les Prophètes tonnent contre cela. Il semble qu’on soit un peu revenu au temps de la prophétie !

On arrive au temps des Tannaïm du Talmud et tout cela a disparu, il y avait des Tsadikim  mais sans amour entre eux. Donc l’exil a commencé.

Nous sommes soumis à une épreuve typique dans la société juive.

On raccroche au temps du 2ème temple et il est donc normal qu’on hérite des dossiers qu’il faut arriver à résoudre...

 

Retour au Midrash :

וַיֵּצֵא קַיִן, מִלִּפְנֵי יְהוָה; וַיֵּשֶׁב בְּאֶרֶץ-נוֹד, קִדְמַת-עֵדֶן

vayeshev be'erets-Nod kid'mat-Eden.

 

Première  thèse: il a coupé les ponts et a fait le contraire de ce que Dieu lui demandait.

 

2ème enseignement :

Rabi Eleazar au nom de Rabi Shimon : yatsa ké mafriss vé-iméramé béBoro

Il y a plusieurs midrashim sur ces termes Mafriiss et méramé…

Je vous cite un des Méfarshim rincpaux qui dit ceci : il est sorti à grandes enjambées (mafriss - comme mafriss parsa) comme un marcheur (le juif errant…).  

Vé himramé : et comme rusant- trompant béBoro son Créateur : il ne va pas faire ce qu’il devrait faire mais il va faire comme si... et il s’en va pour réaliser le « tu seras errant » mais il le fait en ruse et ne se considère pas du tout comme exilé : il fait semblant et s’installe dans l’exil !

On a là une préfiguration extraordinaire du juif errant.

 

3ème enseignement :

Au nom de Rabi Yits’haq : Yatsa saméa’h : il est sorti de cet entretien Samea’h heureux, très en joie. il sort d’une entrevue avec Hashem alors il ne peut qu’être Samea’h. A charge d’expliquer ce qu’il y a dans cette joie : la Teshouvah est possible ! 

 

Ce 3ème piroush est très ‘Hassid : s’il était vraiment Lifney Hashem il ne peut qu’être Samea’h ! S’il était Lifney Elohim on peut comprendre la panique... C’est la Midat HaDin, le fonctionnement sourd et aveugle des lois du déterminisme impitoyable...

Devant Elohim c’est la panique décrite précédemment. Mais pas Lifney Hashem devant Celui qui est Dieu. Devant Dieu comme Père du monde - c’est ce que signifie le terme de Créateur  - alors c’est la Sim’ha. Devant Dieu en tant que Juge du monde - Elohim - alors là c’est la crainte.

 

En termes de sensibilité hébraïque il ne faut pas oublier que c’est le Père qui est le Juge ! Dès qu’on s’en aperçoit, la Sim’ha revient…

 

C’est très ‘Hassid, lorsque le ‘Hassid dit « Ribono Shel Olam » on entend « Papa ! ».

Quand le Mitnagued le dit, « RRRibono shel Olam » ce n’est pas le cas, on entend « oï vavoï !»

 

D’après un verset où Dieu parle à Moïse de Aharon :

Après l’épisode du buisson ardent où Dieu lui indique la venue de son frère suite à son refus pour cause de pas savoir parler... et même qu’il est heureux de te rencontrer.

הִנֵּה-הוּא יֹצֵא לִקְרָאתֶךָ, וְרָאֲךָ וְשָׂמַח בְּלִבּוֹ

Shemot 4 :14 « Il te verra et il sera heureux en son coeur »

Aaron était le grand-prêtre. Le jour où cela arrivera que le grand rabbin rencontre Herzl et sera heureux en son cœur…

 

3ème enseignement : Il est sorti Samea’h (joyeux).

 

Parenthèse : on étudie cela dans le Zohar, ainsi que dans le Shla’h de façon plus simple, que Moïse et Aharon sont le Guilgoul de Hevel et Qaïn.

Alors cette rencontre entre Moïse et Aharon va être le Tiqoun, la rédemption  pour Hevel et Qaïn et cette fois sans Sinat ‘Hinane : Qaïn reconnait que c’est Hevel qui est le berger. 

Qaïn était l’ainé et Hevel était le cadet comme Mosheh était le cadet.

Le Tiqoun c’est que l’ainé reconnait que le vrai ainé c’est le cadet.

 

Le Zohar en parlant du problème entre Jacob et Esäu, Jacob étant le véritable 1er né, explique que le vrai Békhor c’est celui qui reconnait qu’il y a quelqu’un au-dessus de lui. Celui qui se prend pour le Békhor n’est pas le vrai Békhor : Essav s’est pris au sérieux en se croyant le 1er par manque d’humour : Réshit Goyim Amalek…

 

En réalité le vrai Békhor (aîné) c’est celui qui sait que quelqu’un est devant lui. 

Le Zohar l’explique à sa manière ainsi: Bet 2 Kaf  20 Resh 200 Bekhor est le second en tout  et sait qu’il y a quelqu’un avant lui: Alef-Youd-Qouf.

 

Le véritable Békhor c’est Jacob, cela se dévoile à la sortie d’Egypte avec le verset [Ex. 4:22]:

בְּנִי בְכֹרִי יִשְׂרָאֵל Béni békhori Israël dit à la sortie d’Egypte.

Le Midrash explique et cela est repris par le Zohar à sa manière que on saura que c’était Jacob et pas Esaü qui était vraiment l’ainé, à la sortie d’Egypte lorsque Dieu parle à Pharaon : « pas ton premier né mais Mon 1er né... »

 

L’Egypte a incarné la tendance de civilisation de Caïn : Rappelez vous la différence des offrandes. Relisez ce que dit la fin de la Génèse à propos de la civilisation égyptienne : on y apprend que les prêtres possédaient la terre : Pharaon possédait toute la terre sauf Admat Hakohanim alors que la Torah va révéler une législation opposée à cela. Dafka, le Kohen est celui qui ne possède pas la terre, il est le berger. C’est au bilan de la civilisation caïnique que se révèle que le véritable 1er né c’est Jacob, c’est à dire Israël. בְּנִי בְכֹרִי יִשְׂרָאֵל

 

Aharon rencontre Moïse et est Samea’h (joyeux).

Le Midrash ne joue pas sur des analogies formelles de mots analogues mais suit un enseignement très important. Puisque Hashem lui a parlé alors il sait que le repentir est possible, et alors il est heureux.

 

Dès que l’homme reconnait que son Créateur c’est Hashem qui est Elohim alors la rencontre avec le Créateur Hashem ne peut pas ne pas être dans la joie. Sinon il rencontre Dieu Elohim à travers le masque de la nature et la nature c’est le déterminisme impitoyable : il n’y a pas de Teshouvah possible et c’est la panique de la tragédie décrite précédemment .

 

« Il rencontra Adam harishon » alors que Caïn est en joie.

Il lui demande : Mah naassa bé dinkha ? qu’est-ce qui a été fait dans ton jugement ?

 

Nous avons là deux problémes remarquables :
- la faute de Adam c’est la faute par rapport à Dieu Bein Adam lamaqom,
- la faute de Qaïn c’est la faute par rapport à l’autre créature Bein Adam la’havero .

 

Jusque-là Adam n’envisage pas l’enventualité du repentir possible :

Amar lo - Il lui a dit : « Assiti Tshouvah - j’ai fait teshouvah – véniparshati ».

On retrouve le mot de pshkhah – compromis. Je vous signale qu’il y a certaines recensions du Midrash où il y a véparshti en place de véniparshati, mais cela reste forme la plus courante.

(Les Mefarshim, en particulier rashi explique l’auitre Guirsa).

 

On s’arrête ici un peu : Que signife Pshakha par rapport à la Teshouvah ?

La réponse la plus simple : Avec la Midat HaDin il n’y a pas de Psakhah compromis possible. La Psharah est possible devant Haqadosh BaroukhHou.

 

L’homme dans son éveil à la conscience de soi, cherchant à se connaitre dans son monde, se connait dans un monde déterminé. S’il n’y a pas de révélation alors, en particulier pour notre problème, il se connait dans la solitude et se connait dans la perdition. Pourquoi y-a-t’il un drame ? C’est parce que l’homme n’es pas un être de nature. S’il l’était, l’homme ne serait pas du tout préoccupé par le remord ou autre chose. Il n’y aurait pas de tragédie s’il était un être de nature.

Mais voilà qu’il a une conscience d’être mixte, pas que nature, et qu’il prend conscience de son monde comme étant la nature. Et alors il peut être croyant, à la manière déiste ou théiste, mais le visage de Dieu est un Dieu surnaturel mais se définissant par rapport à la nature (Elohim), c’est à dire que la Teshouvah n’y est pas possible. Il faut que Hashem se dévoile à lui comme Hashem pour que se dévoile que la Teshouvah soit possible

 

Il apparait dans ce Midrash que Adam n’avait pas encore pu réaliser cela, que son Créateur c’est Hashem qui est Elohim. Il y a quand même une différence énomrme ddans les versets qui indique la conséquence de la faute chez Adam et chez Qaïn :

 

Bereshit 3:24

וַיְגָרֶשׁ, אֶת-הָאָדָם

Vayegaresh et-ha'Adam

Adam a eté expulsé.

(littéralement « divorcé », comme si Dieu lui a avait donné un Guet : c’est fini !)

 

D’après cette expérience de séparation il n’y a pas l’éventualité d’un retour repentir possible.

Il est en dehors. Tandis que le privilège de Caïn c’est que Hashem s’est révélé à lui. Alors il sait que c’est Hashem qui est derrière Elohim ; et par conséquent il a en fin de compte effectué la Teshouvah. On l’apprend du terme Vayeshev.

 

Tout ce qu’on a vu des enseignements précédents se récapitule : c’est précisément parce qu’il a accepté d’être l’habitant de Erets Nod qu’il a pu faire Téshouvah et que sa Teshouvah a été accepté et alors Vayashev Beerets Nod...

 

On retrouve un verset très analogue concernant Jacob : Vayeshev Yaaqov Beerets Megourei Aviv .

C’est très parallèle.

 

[Je voudrais vous citer ici, une expression de Lacan qui est très connu d’ailleurs mais qui va directement dans ce sujet.

 

Vous avez compris que l’histoire de Cain et Abel est rejouée dans l’équation Jacob-Esaü. Or c’est Jacob qui est le véritable aîné qui, en plus, va prendre sur lui la pérégrination de l’exil comme disent les traducteurs.

 

Lacan était marié avec une juive et à travers laquelle il a connu des Juifs dont un en particulier, Emmanuel Raïs, grand érudit, spécialiste entre autres de littérature russe, élève de Jacob Gordin za’l. C’est lui qui donnait à Lacan les enseignements du Midrash dont Lacan avait besoin pour son enseignement du structuralisme de linguisitique freudienne.

 

Son grand thème c’était le nom du père : qui porte le nom du père ? En termes bibliques c’est « par qui passera la Brakhah ? » Est-ce Jacob ou Esaü ? Il avait écrit cela à la manière du Midrash : « le nom dupe erre ». Celui qui n’est pas dupe sera errant - Le nom dupe erre. ]

 

Caïn va révéler à Adam harishone que la Teshouvah est possible : la formule du Midrash est très ramassée : Assiti tshouvah véniparshati.

 

On s’attendrait à azarti bitsouvah dans son expression contemporaine.

Il y a de nouveau un Pshat très important qu’on pourrait trouver dans un exemple :

Veshamerou Bnei Israel et hashabat laassot et ha shabat.

Si Israël observe le shabat alors le shabat est fait (dans le monde).

C’est passé dans le langage courant Laassot shabat - Faire shabat.

 

Cela vient du Zohar  entendu d’un ’Hidoush du rabbi Elimelekh : si Israël observe le Shabat alors il fait le Shabat : S’il observe le Shabat de l’homme il fait le Shabat entre Dieu et le monde.

Explication :

Lorsque commence l’histoire humaine c’est Shabat pour le Créateur : Dieu s’interdit d’intervenir dans l’histoire du monde sauf dans le cas de la nécessité d’intervention providentielle et on l’appelle le miracle, pour que l’histoire de l’homme puisse être libre il faut qu’elle soit protégée par le Shabat du Créateur. Or, le contrat du Shabat entre Dieu et l’homme dépend du Shabat de l’homme.

Vous voyez donc ce que signifie Assiti dans notre Midrash.

 

Veshamerou Bnei Israel et hashabat laassot et ha shabat.

Si Israël observe le shabat, alors le Shabat est fait entre Dieu et le monde.

C’est Shabat pour Dieu dans le monde et donc les lois du monde sont garanties.

Si Israël n’observe pas le Shabat alors les lois de la nature ne sont plus garanties. C’est la notion très  importante qui ne se trouve tel quel que dans la mentalité hébraïque - la notion de Hefqer intraduisible - abandonné – sans propriétaire : le monde devient Hefqer et il y a divorce entre l’ordre des lois de la nature et l’ordre des lois morales. C’est cela Hefker. Cela veut dire qu’il n’y a pas Shabat et que le monde ne tient pas compte de l’ordre du mérite.

 

La protection de la liberté humaine à travers les lois de la nature qui est le Shabat du Créateur dépend du Shabat d’Israël.

 

Il y a là une notion mystique : le fonctionnement de l’ordre naturel dépend de l’ordre moral ?

Pour la culture occidentale c’est de la mystique : c’est une évidence qui a disparu de la mentalité occidentale. Mais c’est l’évidence hébraïque monothéiste de base « Hashem Hou Elohim » c’est-à-dire que c’est la même souveraineté qui garantie l’ordre moral et l’ordre naturel.

 

Et pour arriver à avoir une notion de base du monothéisme hébreu, il faut premièrement recupérer cette évidence-là. Bien que ce soit pas évident, expérimental, c’est pour cela qu’on parlera de mystique, il y a une évidence de base qui a disparu de la mentalité moderne, que les Grecs anciens avaient d’ailleurs et que toutes civilisations avaient, c’est que l’ordre naturel, par rapport au sort de l’homme, dépend de l’ordre moral. 

 

Je pourrais en parler longtemps. Puisque j’ai cité Jacob Gordin, une des premières rencontres avec lui après guerre, il nous disait cela et utilisait des formules frappantes sur la guerre d’Espagne, cette guerre expérimentale des guerres à venir : « plus les Juifs mangent cachère et moins le sang est versé dans le monde ». Il nous donnait des exemples à propos de la guerre d’Espagne.

« Plus il y a de vertu, plus les fleurs ont de parfum et plus les étoiles sont belles… »

On dirait de la mystique de la poésie mais c’est cela « Hashem Hou Elohim » : il y a un lien entre l’ordre du mérite moral et l’être de la nature.

 

J’ai retrouvé par la suite chez le Rav Kook énormément d’enseignements qui vont dans ce sens.

Lorsqu’il est dit « VéHaolam hitbassem - Et le monde se parfumera », mais il faut voir ce qu’il y a derrière d’après les sources.

On a bien l’impression que ce que nous appelons la nature est dénaturée elle-même. Les roses n’ont plus de parfum en dehors de celle des serres et des roseraies.... Les fruits n’ont plus de goût... etc.

 

A l’époque j’aurais hésité à employer le terme ‘mystique’ qui se réfère à la catégorie grecque complétement opposée à l’atmosphère hébraïque, mais pour l’occidental le présentiment du monothéisme a été occulté, et lorsque cela revient c’est entendu comme étant de la mystique.

 

On retrouve cela essentiellement dans le Qriat Shéma:

« et il arrivera si vous observez mes commandements, Je donnerai la pluie en son temps »

En son temps ! c’est-à-dire la Brakhah. C’est un thème très important davar béito mah tov dans le texte du 1er Psaume.

 

Lorsqu’un arbre donne sa récolte mais pas en son temps, c’est Hefqer, ‘Hinane. C’est pour rien.

Dans la vie humaine vous savez à quel point tout ces « ‘Has veShalom » qui arrivent  parce que les choses n’arrivent pas en leur temps. Quand il est là elle n’est pas là quand elle est là il n’est pas là... et c’est toute l’histoire d’Israël et de la Shekhinah.

 

« Et alors le 1er homme demanda : « ainsi est la force de la Téshouvah et moi je ne le savais pas !? »

 

La découverte de Adam harishone que la Teshouvah est possible. Découverte à travers l’expérience de Caïn !  Des Aggadot du Talmud tentent de définir le profil culturel ou de civilisation de Adam harishone. L’un d’eux dit que Adam était saduccéen. C’est précisément l’attitude qui perçoit la divinité à la manière du philosophe. A travers l’ordre des lois de la nature. Ici découvrant que la Teshouvah est possible (ou bien à la limite que la prière est possible, parce qu’on ne prie pas à la nature impersonnelle, on fait semblant) alors il devient Juif, normal, pharisien, orthodoxe.

Avant cette expérience, il était croyant à la manière grecque. (allusion à Leibovitch).

La Guemara a déjà diagnostiqué cela.

Quant il voit Caïn (qui est ici très loin du Caïn de Victo Hugo ou des romantiques, qui sont des tragiques parce que stoïciens, avec la poésie romantique. Les stoïciens avaient la philosophie stoïcienne et c’est la rencontre entre l’esprit grecque et la mentalité chrétienne qui nous donne ce romantisme : l’oeil était dans la tombe... le remord éternel).

 

Alors Adam harishone se lève et dit Mizmor shir yom hashabat... Il dit le Psaume du Shabat

Quel est le rapport?

Amar rabi Lévi :

.../... 

******

Teshouvah de Caïn - suite & fin 

 

http://www.toumanitou.org/toumanitou/la_sonotheque/pensee/la_teshouva_de_cain/cours_1

Face B

 

.../...

« Moïse est venu et l’a renouvellé en son nom Mizmor shir leyon hashabat legomer »

Où Moïse l’a t’il renouvellé ?

Je vous donne le verset, c’est dans le Psaume 90 au verset 2 :

תְּפִלָּה, לְמֹשֶׁה אִישׁ-הָאֱלֹהִים:
אֲדֹנָי--מָעוֹן אַתָּה, הָיִיתָ לָּנוּ;    בְּדֹר וָדֹר

Tefilah lemosheh ish haElohim Adonaï Mâon atah hayita lanou bédor vador

Prière de Moché, homme de D.ieu. Adonaï, tu as été notre abri de génération en génération

בְּטֶרֶם, הָרִים יֻלָּדוּ

Bétérem Harim youladou

Avant même que les montagnes ne fussent enfantées,

Cela veut dire avant la création du monde, cela se référe à un autre Midrash qui dit que la dernière chose que Hashem a crée avant de créer le monde c’est la Teshouvah

Pour que le monde commence à fonctionner il faut qu’il y ait un préalable d’assurer : il faut que la teshouvah soit possible. Le Midrash cite ce verset pour dire : même la teshouvah fut créér avant que le monde ne soit créé :

בְּטֶרֶם, הָרִים יֻלָּדוּ--    וַתְּחוֹלֵל אֶרֶץ וְתֵבֵל;
וּמֵעוֹלָם עַד-עוֹלָם,    אַתָּה אֵל

Avant même que les montagnes ne fussent enfantées, et que la terre et le monde soit en gésine, de monde en monde Tu es D.ieu.

תָּשֵׁב אֱנוֹשׁ, עַד-דַּכָּא;    וַתֹּאמֶר, שׁוּבוּ בְנֵי-אָדָם

Tu installes (tashev) l’homme (enosh) jusqu’au désespoir (ad daka) et Tu dis shouvou revenez fils de l’homme »

 

Voilà le verset sur lequel se base notre Midrash pour dire que la Teshouvah est prévue avant même que l’histoire du monde ne commence.

 

Or c’est dans le Psaume qui commence par תְּפִלָּה, לְמֹשֶׁה אִישׁ-הָאֱלֹהִים: Tefilah leMosheh ish haElohim.

Déjà le 1er homme a eu cette expérience que la Teshouvah est possible, il a dit :

מִזְמוֹר שִׁיר, לְיוֹם הַשַּׁבָּת

טוֹב, לְהֹדוֹת לַיהוָה

 Mizmor shir leyom hashabat – la fin du verset tov lehodot lashem – habituellement traduit par « Il est bon de louer le Seigneur » (Ps. 92). Le Midrash lit tov lehodot lashem: Il est bon de reconnaitre (ses fautes) devant Hashem car devant Elohim il n’y a pas de Teshouvah. Le verbe Léhidvadot signifie soit reconnaitre, soit avoir de la reconnaissance, soit reconnaitre Vidouï..

C’est ainsi que le Pirqey de Rabbi Eliezer lit ce verset.

 

Voilà donc pourquoi notre Midrash avait dit que Adam harishone découvrant la Teshouvah dit Mizmor shir leyom hashabat:

C’est relié au Shabat parce que précisément le monde étant en état de Shabat on croit que la Teshouvah n’est pas possible car le monde en état de Shabat fonctionne comme l’état de nature. Alors Dafka précisément leyom hashabat tov lehodot lashem : si je découvre que Hashem est Elohim alors la Teshouvah est possible, donc il convient de louer Hashem et non pas Elohim si j’ose dire. Et qui dit cela ? Mosheh ish haElohim !

 

Cela veut dire que c’est Mosheh qui va transmettre la Torah, et il le fait parce qu’il sait que la Teshouvah est possible. Sinon il ne transmettrait par la Torah.

Cf. le Midrash qui explique que Dieu avait proposé la Torah à toutes les nations qui ont toutes refusé. Elles ont eu peur qu’à la moindre faute à laquelle les conduirait leur penchant elles seraient perdues parce qu’elles n’avaient pas cette éventualité de la Teshouvah. (Elles ne parlaient pas hébreu sof sof). Mosheh transmet la Torah c’est-à-dire l’enseignement que la Teshouvah est possible.

 

De Adam harishon jusqu’à Mosheh Rabénou on avait oublié ce Psaume nous dit notre premier  Midrash. Et c’est Mosheh qui l’a restitué. Les commentateurs de ce Midrash nous disent :

Est venu Mosheh ...

Mizmor shir leyom hashabat » ce n’est pas Tefilah lemosheh ish haElohim mais c’est un autre Mizmor qui ne parle pas apparemment de la Téshouvah sauf dès qu’on a entendu Pirkey de rabbi Eliezer : Tov léhodot Lashem…

Et si vous prenez Mizmor shir leyom hashabat  vous avez en Rashé Tévot = léMosheh

C’est cels qu’indique la fin du Midrash : L’enseignement sera donné par Moïse.

 

 

Pour terminer je vais vous lire comment la Bible du Rabbinat traduit notre verset du Psaume 90:20

« Tu amènes l’homme jusqu’au désespoir

Rashi, comme Ibn Ezra, explique : par les Yissourim (ce sont les Issourim du remords) qui nous mènent jusqu’au désespoir et là :   וַתֹּאמֶר, שׁוּבוּ בְנֵי-אָדָםil dit : revenez fils de l’homme.

Et là « Tu dis revenez en repentir... »

 

Parce que je l’ai dit la semaine dernière et je le répète :

On confond souvent les 2 conduites du remords et du repentir. Le remords peut mener au repentir mais il en est tout le contraire car il est le signe que l’on est encore malade de cette maladie, c’est le symptôme. Le repentir c’est la guérison de cette maladie. Le repentir me guérit d’avoir fauté, alors que le remord est la maladie d’avoir fauté.

 

Ps. 90:3 :

תָּשֵׁב אֱנוֹשׁ, עַד-דַּכָּא;    וַתֹּאמֶר, שׁוּבוּ בְנֵי-אָדָם

Tu ramènes toi-même les hommes jusqu’à la limite et à force de ne plus supporter les yissourim ils se repentent… Ce sont finalement les Issourim qui permettent le repentir.

 

On peut aussi le dire de façon positive : Tant qu’il n’y a pas eu cette expérience de la conscience malheureuse, alors la conversion de la conscience ne peut pas arriver. En d’autres termes, Professeur Baruch,quelqu’un qui ne sait pas qu’il est malade on ne peut rien pour lui.

 

PS. 90:1

תְּפִלָּה, לְמֹשֶׁה אִישׁ-הָאֱלֹהִים

אֲדֹנָי--מָעוֹן אַתָּה, הָיִיתָ לָּנוּ;    בְּדֹר וָדֹר

Prière de Moïse homme de Dieu,

Seigneur tu as été notre abri d’âge en âge.

Avant que les montagnes fussent nées, avant que la terre et le ciel fussent créés

De toute éternité Tu as été le Dieu puissant...

 

Verset 3 cela se complique.

« Tu amènes l’homme jusqu’au désespoir (Cf. Rashi et Ibn Ezra : le désespoir des yissourim de la conséquence de la faute)

Tu réduis le faible mortel ad daka ‘en poussière’ (Il s’agit d’une autre texte)

Puis tu dis « rentrez dans la terre fils de l’homme »

Regardez copmment c’est traduit dans la Bible du rabbinat ! Le traducteur sans doute un peu inquiet donne  une note de renvoi à Ibn Ezra. Effectivement Ibn Ezra lit comme cela.

 

Ibn Ezra explique :

tu mènes l’homme jusqu’au désespoir de revenir à la poussière et tu lui dit Shouvou benei Adam dans la poussière.

Quel est le verset ? C’est un verset précédent dans Bereshit. Bereshit 3:19 Ce qui a été dit au premier home:

Ki MéAfar Loukarta VéAl Afar Tashouv .

Car tu as été pris de la poussière et tu retourneras à la poussière.

 

Ibn Ezra nous fait lire un Pshat très dure qui n’est pas le Pshat de Rashi dont la 1ère partie est parallèle. Rashi nous dit : Tu amènes l’homme jusqu’au désespoir (« je ne suis que poussière ») et tu lui dis : shouvou bnei Adam repentez-vous fils de l’homme

 

Je vais vous le lire dans un Pshat autre qui rend compte de la lecture de Rashi tout en expliquant pourquoi Ibn Ezra a dit le Pshat qu’il a dit [Gn. 3:19]:

 

Ki MéAfar Loukarta VéAl Afar Tashouv.

Car tu es pris de la poussièrre et à la poussière tu retourneras.

 

Rashi nous le fait lire autrement « Car tu a été pris de la poussière, et poussière… repens-toi ! »

Vé Al Afar, Dieu préserve, Tashouv !

Le risque c’est que si tu fonctionne comme un être de nature, tu as été pris de la poussières et tu retrouneras à la poussière. Donc ne fais pas cela : dès que tu vas arriver à Ad Daka, Tashouv ! Repens-toi. Et surtout ne retournes pas à la poussière.

 

On voit la dialectique entre les deux. Je ne comprends pas pourquoi la Bible du Rabbinat a choisi une lecture de ce type alors qu’elle avait Rashi à sa disposition. Et que c’est vraimeent l’invitation au repentir : C’est très visible avec les Taamim dans le verset, il y a une suspension ve al afar, tashouv, tu reviendras : on entend Tashouv : il vaut mieux faire Téshouvah.

Fin.

 

 ***

 

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